FOCUS – Face à la baisse du recours au service d’accès au microcrédit, la Ville de Grenoble en rappelle ses avantages. Ce dispositif national, proposé par le Centre communal d’action sociale via une plate-forme d’aide financière en ligne, permet d’accompagner de façon très personnalisée la gestion des budgets de publics en grande difficulté.
Les candidats au microcrédit se font de plus en plus rares à Grenoble. Le nombre d’appels pour recourir à ce service de crédit géré par son Pôle inclusion financière du CCAS est en effet en baisse. Et, par répercussion, le nombre de dossiers retenus. En cause, selon Eric Piolle, maire de Grenoble, un manque de communication de la Ville. Mais aussi la méfiance des travailleurs sociaux face aux risques de surendettement.
La Banque de France a en effet enregistré en 2017 une moyenne de 180 000 dossiers de surendettement. La majorité des personnes concernées se trouvait dans des couches sociales très défavorisées. Les deux tiers étaient des adultes isolés et la moitié des créditeurs n’avait plus aucune capacité de remboursement…
Autre explication : les taux hyper-concurrentiels des prêts en ligne. Certains établissements proposent ainsi des offres à 1 % d’intérêt sur 12 mois. Soit moins que le taux d’inflation de 2,1 % établi par l’Insee (en juin 2018).
En comparaison, ceux du Crédit municipal, à hauteur de 4,5 %, font pâle figure. Mais, insistent les responsables du dispositif, le système de microcrédit personnel permet un accompagnement bien plus personnalisé. Et repose sur une coordination d’acteurs sociaux, bancaires et institutionnels très efficace.
Des prêts avant tout pour financer la vie quotidienne
« Nous laissons l’accompagnement social aux professionnels et bénévoles des CCAS ou du Secours catholique qui savent très bien le faire », précise Arnaud Rousset, directeur général du Crédit municipal de Lyon.
En effet, comme le rappelle Claire Cotte, déléguée départementale du Secours catholique de l’Isère, 99 % de la population est aujourd’hui bancarisée. « Il est devenu très difficile en France de ne pas utiliser les services bancaires – carte bancaire, chéquier – pour procéder au paiement de ses achats. » Le phénomène d’exclusion est donc redoutable, une fois les limites de l’endettement franchies.
D’autant que les prêts sont quasi exclusivement conclus en vue de financer les nécessités de la vie quotidienne. La moitié des recours concerne la mobilité professionnelle, 25 % le financement de travaux ou d’équipements pour le logement, les 25 % restant sont surtout destinés aux frais de santé.
Lutter avant tout contre l’usure
La lutte contre l’exclusion bancaire fait partie des principes fondateurs du Crédit municipal, rappelle Arnaud Rousset. « Cet établissement a été créé pour combattre l’usure. C’est vraiment dans son essence même que de se tourner vers des publics en difficulté et les gens exclus du système bancaire ». Rien d’étonnant dès lors à ce que le Crédit municipal se soit lancé dans le microcrédit depuis 2006.
Le Crédit municipal est bien l’acteur historique des « micro » prêts (dont fait partie le micro-crédit). Depuis deux siècles, l’agence lyonnaise prête ainsi « sur gage ». Sur simple dépôt au comptoir de l’accueil, une personne dans le besoin acquiert ainsi 60 à 70 % de la valeur estimée du bien déposé. Très souvent des bijoux. Et le tout sans aucune condition de ressources pour une durée de remboursement étalée sur 6 à 60 mois.
Le « prêteur » poursuit un seul objectif : retrouver son bien. Même si le montant des prêts a augmenté ces dernières années – le plafond national est passé de 3 000 à 5 000 euros – les micro-prêts d’une moyenne de 700 euros restent monnaie courante.
Présent depuis 2008 sur Grenoble, la structure bancaire lyonnaise a signé en 2009 une convention de partenariat avec le CCAS et l’antenne du Secours catholique de l’Isère.
Le premier prend en charge les habitants grenoblois, le Secours catholique tous les autres. Charge au Crédit municipal d’octroyer les crédits. Soit environ 400 crédits au total depuis dix ans.
Un bon taux de remboursement des crédits
Un maillage du territoire efficace pour accompagner les ménages en difficulté vers l’autonomie. La gestion du budget ménager quotidien est bien le premier objectif de l’aide. Tout comme détecter leurs capacités de remboursement personnelles. Les services d’accueil peuvent également les orienter vers d’autres dispositifs comme celui d’accès au droit commun.
« L’accompagnement personnalisé démarre dès l’accueil, dès les coups de fil, rappelle la déléguée au Secours catholique. On a plus de 300 appels par an. Une trentaine de personnes sont reçues en entretien. C’est l’occasion de faire de l’accompagnement budgétaire à ce moment-là. »
Une expertise commune des acteurs qui assure au Crédit municipal de Lyon la bonne garantie des remboursements. « Au niveau national, le taux de sinistralité n’est que de 9 % en nombre, et de 6 % en montant, précise d’ailleurs son directeur. Le remboursement de crédits a ainsi lieu dans des conditions tout à fait satisfaisantes, contrairement à ce qui est imaginé à tort. »
Quitterie Breau
Une nouveauté dans l’accompagnement
Petite nouveauté dans le cadre du dispositif : la prise en charge par le CCAS du système de bonification des prêts. « La bonification du CCAS consiste à prendre en charge une partie du taux d’intérêt du crédit », explique la Ville. En effet, le remboursement du prêt et de ses intérêts revient au créditeur. Mais c’est au service du CCAS d’octroyer un montant final tiré du calcul de la bonification pour honorer le paiement de la dernière échéance du créditeur.
C’est en l’occurrence sur ce point précis que réside la plus-value de la prise en charge du dispositif. « Si on prend 3 000 euros empruntés sur trente-six mois, ça revient pour le CCAS à reverser en fin de crédit au ménage pour un bien d’équipement un montant de 119 euros », explique Alain Denoyelle.
Le dispositif est ainsi plus attractif. Et la prévention des risques budgétaires renforcé, en habituant les bénéficiaires à constituer une épargne. Un dispositif performant jusqu’au bout donc. Car malgré des injonctions publicitaires plutôt agressives, le système de bonification peut également être perçu comme une diminution du taux initial pour atteindre un taux avoisinant les 2 %.
Des taux inabordables apparentés à ceux des « crédits à la consommation » ? Le responsable de l’ancien monts-de-Piété s’en défend : « aucun bénéfice n’est réalisé sur ceux-ci ». Seul établissement bancaire et public, certes « à vocation sociale », à le pratiquer, celui-ci se félicite d’autre part de ne bénéficier d’aucune subvention de l’État. Et de prêter aussi facilement sans aucune condition de ressources.