FIL INFO – Avec l’aide du synchrotron de Grenoble, des scientifiques ont pu percer à jour le mystère de la technique d’empâtement de Rembrandt. Un effet de relief dont la « recette » exacte restait inconnue, plus de trois siècles après la mort de l’artiste. Des études sur des échantillons microscopiques ont finalement révélé la présence d’un élément rare, la plumbonacrite.
Le synchrotron de Grenoble confirme, une fois de plus, les liens étroits que nourrissent art et science. Après avoir aidé à la réhabilitation de l’inventeur de la photographie couleur, c’est dans le domaine pictural qu’il s’illustre. L’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) a en effet permis de percer à jour le secret de la technique « d’empâtement » de Rembrandt. Et ceci 350 ans après la mort du peintre néerlandais.
En quoi consistait cette technique d’empâtement ? Il s’agissait d” « une couche de peinture épaisse posée sur la toile en quantité suffisamment importante pour la faire “ressortir” de la surface », décrivent les services de l’ERSF. De quoi provoquer un effet de relief saisissant. Le détail exact de la composition restait inconnu. Blanc au plomb, liants organiques à base d’huile de lin… Les scientifiques avaient une idée des matériaux utilisés par l’artiste, mais ignoraient la « recette » exacte.
Un élément rare dans la peinture de cette époque
C’est désormais chose faite. Une équipe scientifique dirigée par l’Université technologique de Deft et le Rijksmuseum d’Amsterdam a en effet pu résoudre le mystère. L’ingrédient clé ? La « plumbonacrite ». Un élément extrêmement rare dans les peintures de cette époque, ont précisé les chercheurs dans la revue Angewandte Chemie. Et l’étude est formelle : il ne s’agit pas d’un accident ou d’une contamination, mais bien d”« une synthèse volontaire ».
Le rôle du synchrotron dans cette découverte ? « Essentiel », clame l’ERSF. On peut le comprendre : les échantillons analysés avaient une taille inférieure à 0,1 mm, et ont nécessité l’emploi d’une double technique. Soit « la diffraction des rayons X à haute résolution angulaire (HR-XRD) et la micro-diffraction des rayons X (µ‑XRD) », écrivent ainsi les scientifiques. Une méthode déjà employée par le passé pour l’analyse de peintures à base de plomb.
Prochaine étape ? « Nous travaillons sur l’hypothèse que Rembrandt aurait pu utiliser d’autres recettes. C’est pourquoi les recherches se poursuivent », précise Annelies van Loon, scientifique au Rijksmuseum. Autre ambition ? « Reconstituer des échantillons modèles des empâtements » pour mieux évaluer « l’origine des carbonates dans la plumbonacrite ». Des travaux au sein desquels le synchrotron de Grenoble aura encore tout son rôle à jouer.