REPORTAGE — Un peu plus d’une centaine de lycéens de Grenoble ont manifesté dans les rues du centre-ville, avant de se rassembler devant le rectorat lundi 3 décembre au matin. Objectif ? Dénoncer la sélection à l’université, avec en ligne de mire le dispositif Parcoursup, mais aussi réclamer plus de moyens pour l’Éducation nationale. Et, de manière générale, crier leur rejet de la politique menée par Emmanuel Macron… et du capitalisme.
« Macron et son monde, on en veut pas. » Ainsi s’affichait sur leur banderole, sans la négation, le message des quelques 150 lycéennes et lycéens qui ont manifesté le matin du lundi 3 décembre dans les rues de Grenoble. Depuis le lycée des Eaux-Claires jusqu’au rectorat, en passant par la Cité scolaire Stendhal et la préfecture, les lycéens ont scandé des slogans divers et variés. Dans leur ligne de mire : la sélection à l’université, Emmanuel Macron, et la société capitaliste dans son ensemble.
Initié le vendredi 30 novembre au niveau national, l’appel à la grève et à la manifestation des lycéens veut prendre des allures de « revanche citoyenne ». Plusieurs centaines d’établissements ont ainsi été bloquées sur le territoire avant le week-end et plus d’une centaine l’était encore ce lundi matin, de manière totale ou partielle.
Des lycées bloqués (ou pas) à Grenoble
Et à Grenoble ? Les manifestants revendiquent trois blocages : les Eaux-Claires, Stendhal et Argouges. La lecture des lycées en question n’est pas la même : si Argouges confirme le blocage de ce matin et explique que tout est rentré dans l’ordre l’après-midi, les responsables de Stendhal comme des Eaux-Claires évoquent un mouvement qui n’a pas entraîné la fermeture des établissements. Ni empêché les élèves qui le souhaitaient d’y pénétrer.
Les lycéens et lycéennes n’en ont pas moins donné de la voix sous les fenêtres du rectorat, avant de se disperser de manière totalement pacifique. Et le mouvement n’est pas terminé, indiquent les militants : une assemblée générale s’est tenue ce matin, au cours de laquelle auraient été décidées de nouvelles actions de blocage. Une fois encore, c’est la Cité scolaire Stendhal qui devrait être concernée le mardi 4 décembre, et le lycée des Eaux-Claires le jeudi 6.
L’Éducation nationale, parent pauvre ?
Parcoursup, ou plus généralement le principe de sélection à l’entrée de l’université, apparaît comme le catalyseur de la colère lycéenne. « À partir du moment qu’on a un bac, on devrait être en droit de faire ce que l’on veut. Ce n’est pas un bout de papier qui doit nous définir ! », juge ainsi Éléonore, élève du lycée Argouges. Qui ne manque pas d’évoquer dans la foulée un manque de moyens criant : un nombre insuffisant de chaises ou de tables, des stores manquants, des radiateurs défectueux… La jeune femme décrit un lycée en souffrance.
« C’est une continuité de la lutte contre la sélection, mais d’autres luttes sont venues se greffer à cela », confirme Guillaume, responsable fédéral de l’UNL Isère (Union nationale des lycéens). Pour qui la réforme du baccalauréat général comme du baccalauréat professionnel relève d’une volonté de dévaloriser le diplôme.
César Martin, militant Génération.s, voit pour sa part dans la politique du gouvernement une volonté de « laisser crever les lycées les plus pauvres » au profit des établissement les mieux lotis. Le jeune homme attend plus de moyens pour les lycéens, à commencer par une embauche importante de personnel, enseignant ou administratif. « Aujourd’hui, il y a une conseillère d’orientation pour 3 000 élèves, il faut attendre trois mois pour un rendez-vous », s’indigne-t-il. Avant de conclure : « La situation à l’Éducation [nationale] est inacceptable ! »
Une convergence possible avec les gilets jaunes ?
L’Éducation nationale n’est pas le seule source de colère des manifestants. Côté UNL, Guillaume évoque aussi la volonté du président de la République de créer un Service national universel, « sans prendre en compte l’avis des organisations de jeunesse ». Et pourfend encore, de façon plus générale, « la politique ultralibérale menée par le gouvernement ».
Est-ce à dire qu’une convergence entre lycéens et d’autres mouvements de contestation est envisageable ? « Nous ne sommes pas directement liés aux groupes qui se battent. Les gilets jaunes nous ont proposé de nous soutenir aujourd’hui mais nous avons préféré que l’initiative reste exclusivement lycéenne », explique le responsable UNL. L’objectif était bien de montrer au rectorat « que les lycéens et lycéennes n’ont pas lâché le combat ».
Mais la porte n’est pas fermée, bien au contraire. « On va voir comment le mouvement se développe de leur côté. On défend une société avec plus d’égalité, moins d’austérité, moins de cadeaux pour les riches et de restrictions pour les plus pauvres. Donc, effectivement, je pense que la convergence est possible », considère le jeune militant. Qui croit plus que jamais dans le succès du mouvement : « On pense qu’on va pouvoir obtenir des choses avec cette lutte », conclut-il.
Florent Mathieu