FOCUS – Les « gilets jaunes » ne lâchent rien après la mobilisation nationale de ce samedi 17 novembre. Comme annoncé, ils ont de nouveau procédé, en ce début de semaine, à de nombreux barrages filtrants, opérations escargot ou péages gratuits dans l’agglomération grenobloise. En quête de structuration et déplorant les actes de violence, homophobes ou racistes de certains, le mouvement fait tout pour ne pas s’essouffler et faire entendre son ras-le-bol.
Après la grande mobilisation nationale de ce samedi 17 novembre, les « gilets jaunes » du Mouvement national contre la hausse des taxes de Grenoble ne relâchent pas la pression, loin s’en faut.
Ils avaient annoncé, dès dimanche soir, leur intention de procéder à de nouvelles actions en ce début de semaine. Ils ont ainsi poursuivi leurs opérations lundi 19 et mardi 20 novembre dans l’agglomération grenobloise. Si le nombre de participants est en forte baisse par rapport à dimanche, le mouvement n’en est pas pour autant parvenu à l’essoufflement annoncé – et espéré – par le gouvernement.
« Ça a été dur à Grenoble, c’était un peu le jeu du chat et de la souris »
Lundi 19 novembre au matin, des barrages filtrants ont été installés notamment sur le rond-point du Rafour à Crolles, à l’entrée de l’autoroute A41. De quoi sérieusement perturber la circulation des automobilistes se rendant sur leur lieu de travail. Idem à la barrière de péage de Voreppe avec, en sus, une opération péage gratuit. En fin d’après-midi, les manifestants ont été repoussés par la gendarmerie en bordure du péage, par mesure de sécurité.
Sur le coup de 20 heures, plusieurs actions étaient encore en cours. Notamment sur le territoire de la commune de Crolles avec, à nouveau, des barrages filtrants. Tandis qu’à hauteur de Saint-Égrève, une opération escargot occasionnait d’importants bouchons, dans le sens Lyon-Grenoble.
Rebelote mardi 21 novembre. « Ça a été dur à Grenoble : c’était un peu le jeu du chat et de la souris, relate Julien Terrier, leader des gilets jaunes sur l’agglomération grenobloise. Nous avons bloqué l’Hôtel des impôts le matin [rapidement débloqué par les CRS, ndlr], avant de repartir sur le péage de Voreppe. »
De nombreux barrages filtrants, opérations escargots ou actions de péages gratuits
Dans le même temps, un groupe d’une trentaine de personnes filtrait les véhicules à Crolles tandis qu’un autre barrage filtrant ralentissait les accès au Rondeau. Des groupes de manifestants ont ensuite mené une opération escargot entre le Rondeau et l’espace Comboire.
Plus tard, dans l’après-midi, une tentative de déploiement sur le péage de Voreppe était repoussée par les gendarmes sur le côté de l’autoroute. Ont suivi des actions de filtrage sur des ronds-points à Voreppe, tandis qu’un groupe se rendait au péage de Crolles pour y laisser passer gratuitement les véhicules jusqu’aux alentours de 18 heures.
« C’est sûr qu’au cours des opérations de péage gratuit, nous avons bien rallié le public à notre cause », se réjouit Julien Terrier. Réactions négatives obligent, le mouvement – qui s’appuie essentiellement sur Facebook pour communiquer – semble en effet vouloir impulser une autre dynamique dans ses actions.
Notamment en visant plus directement les institutions, les sites stratégiques tels les dépôts de carburants ou, tout bonnement, en les tapant au porte-monnaie. « C’est pour ça que nous sommes allés à l’Hôtel des impôts et que nous menons des opérations de péages gratuits », explique le leader des gilets jaunes sur l’agglomération.
« C’est difficile de trouver des gens qui acceptent de se responsabiliser »
Si beaucoup d’observateurs ont jugé plutôt “bon enfant” les regroupements, des actes racistes, homophobes ou de pure violence ont entaché plusieurs rassemblements un peu partout en France. Sans vouloir minimiser ces actes, les militants évoquent les lacunes d’une organisation très complexe à mettre en œuvre sur le terrain.
Dialogue d’une responsable, désignée à mains levées, avec les autorités policières. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Une conséquence due à la spécificité de ce mouvement citoyen n’impliquant – c’est assumé – aucun corps intermédiaire. D’où la difficulté de trouver des interlocuteurs capables de dialoguer avec les autorités. Ceux-ci sont donc désignés au coup par coup à mains levées par les participants présents aux rassemblements.
« Les gens ne veulent pas trop se mettre en avant par peur de représailles. Il est donc difficile de trouver des personnes qui acceptent de se responsabiliser, mais nous sommes en train de travailler là-dessus », assure Julien Terrier. En attendant, comment cela se passe-t-il avec les autorités ? « Nous avons de très bonnes relations avec les gendarmes et la police – heureusement qu’ils sont là dirai-je même. Avec les CRS, c’est une autre histoire… »
« Ça fait des années que je trouve que les choses ne vont pas »
Sa crainte ? Que le mouvement ne s’essouffle. Pour l’éviter, le jeune homme de 31 ans veut réduire sa présence sur le terrain tout en continuant à mettre des événements en place. « Je vais essayer de me recentrer pour organiser des réunions et rassembler le plus de monde possible », explique le jeune entrepreneur. « Pour ça, je vais déjà mieux structurer la page Facebook du groupe, qui rassemble déjà près de 3 000 intéressés, afin qu’il soit plus aisé de trouver les informations », poursuit-il.
Les forces de police très attentives au déroulement des opérations. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Quant à la manifestation prévue ce samedi 24 novembre à Paris, Julien Terrier y sera promet-il. « J’ai créé un événement sur notre page pour que les gens s’organisent pour y monter. Mais il y aura aussi un événement en local pour les gens qui ne pourront pas s’y rendre », déclare l’organisateur.
Pourquoi Julien Terrier s’est-il engagé à corps perdu dans cette lutte des gilets jaunes ? « Moi ça fait des années que je trouve que les choses ne vont pas. J’ai voulu trouver un moyen pour agir, pour se faire entendre et là, ça a été la bonne occasion pour enfin tenter de changer tout ça », nous confie-t-il.
Quant à la tournure que vont prendre réellement les choses, c’est encore une grande inconnue. Toujours est-il qu’une nouvelle opération visant le centre des impôts est envisagée ce jeudi 22 novembre, avant une autre, le lendemain, à la préfecture de l’Isère. Les gilets jaunes n’ont sans doute pas fini de faire parler d’eux ces prochains jours.
Joël Kermabon