Corps en pré­sence (et en absence) pour la sixième édi­tion du Mois de la Photo de Grenoble

Corps en pré­sence (et en absence) pour la sixième édi­tion du Mois de la Photo de Grenoble

FOCUS — La sixième édi­tion du Mois de la Photo, orga­nisé par la Maison de l’i­mage, se tient jus­qu’au 25 novembre 2018 à l’Ancien Musée de pein­ture de Grenoble, ainsi que dans plu­sieurs lieux cultu­rels de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise. Avec une thé­ma­tique autour du « corps en pré­sence », le ren­dez-vous cherche à dépas­ser les idées reçues en don­nant la parole à cinq artistes lau­réats, et à une invi­tée d’hon­neur en la per­sonne de Viktoria Sorochinski.

Le corps s’ex­pose dans tous ses états à l’Ancien Musée de pein­ture de Grenoble jus­qu’au 25 novembre 2018. Pour sa sixième édi­tion, le Mois de la Photo, orga­nisé par la Maison de l’i­mage et sou­tenu par de nom­breux par­te­naires, a choisi pour thème cen­tral « Le corps en pré­sence », après s’être inté­ressé aux pay­sages en 2016, et aux quar­tiers du monde en 2017.

L'Ancien Musée de peinture de Grenoble accueille l'exposition du Mois de la Photo © Florent Mathieu - Place Gre'net

L’Ancien Musée de pein­ture de Grenoble accueille l’ex­po­si­tion du Mois de la Photo © Florent Mathieu – Place Gre’net

D’année en année, l’op­tique reste la même : le Mois de la photo veut, sans mau­vais jeu de mots, s’é­car­ter des cli­chés. « Nous vou­lions déve­lop­per le sujet très large du corps, par­tir des évi­dences que l’on peut avoir quand on parle de ce sujet, se deman­der ce que la pho­to­gra­phie peut dans la repré­sen­ta­tion du corps, et ce que le corps repré­sente de nous », explique Yuliya Ruzhechka, char­gée de pro­jets cultu­rels auprès de la Maison de l’image. 

Corps décons­truits, absents ou cachés

Si le pre­mier réflexe, à l’é­vo­ca­tion du corps en pho­to­gra­phie, est de pen­ser au nu fémi­nin ou (par­fois) mas­cu­lin, les artistes rete­nus dans la sélec­tion finale du Mois de la photo sont par­tis dans d’autres sphères. Avec ses Éléments, Florence Cardenti signe ainsi des auto­por­traits frag­men­tés qui décons­truisent, et recons­truisent, le corps. Pablo-Martín Córdoba, lui, parle de l’ab­sence au sein des Rémanences d’un espace urbain sublimé dans sa dimen­sion temporelle.

Le travail comme négation du corps ? © Gilberto Güiza-Rojas

Le tra­vail comme néga­tion du corps ? © Gilberto Güiza-Rojas

Autres artistes, autres corps. Tels ceux d’Étienne Racine et sa série Rock To The Beat, consa­crés au monde de la fête et de la nuit, uni­vers de tous les excès.

Ou ceux de Gilberto Güiza-Rojas, qui s’in­té­resse pour sa part aux corps dans le tra­vail, expo­sant dans deux séries de pho­to­gra­phies (Jeux de rôle et En la lucha) des corps qui s’ef­facent, par­fois jus­qu’à la néga­tion de l’i­den­tité, par l’ac­ti­vité pro­fes­sion­nelle… ou par son uniforme.

Dernière artiste lau­réate de l’é­di­tion 2018 du Mois de la photo, Manon Weiser se repré­sente au sein de pay­sages immenses, et déser­tiques, des États-Unis, dra­pée dans une cou­ver­ture de sur­vie, incon­gruité d’une présence/absence au sein d’un uni­vers qui ne semble pas appar­te­nir à l’hu­main. Qui se cache sous cette cara­pace arti­fi­cielle, et de qui ou de quoi se cache-t-elle ?

Les regards hors-cadre de Viktoria Sorochinski

Autant de lau­réats sélec­tion­nés pour faire écho à l’ar­tiste rete­nue comme invi­tée d’hon­neur de l’é­di­tion 2018 du Mois de la photo, Viktoria Sorochinski. Après être née en Ukraine et avoir vécu en Amérique, la pho­to­graphe réside aujourd’­hui à Berlin. Une valse entre conti­nents qui consti­tue une part impor­tante de sa concep­tion de soi et des autres.

« Je pense, qu’en fait, ce n’est pas un endroit qui nous donne ce res­senti de la mai­son, mais les per­sonnes avec qui on vit et avec qui on noue des rela­tions et des liens forts », écrit-elle.

Quand le jeu des regards crée la présence ou l'absence des corps © Viktoria Sorochinski

Quand le jeu des regards crée la pré­sence ou l’ab­sence des corps © Viktoria Sorochinski

Cette repré­sen­ta­tion de la mai­son comme des liens, Victoria Sorochinski l’in­ter­roge pré­ci­sé­ment en repré­sen­tant des scènes de vie (plus ou moins) quo­ti­dienne, où les corps font acte de pré­sence quand les regards, sou­vent por­tés vers le loin­tain ou le hors-cadre, évoquent l’ab­sence. Être là sans l’être, telle semble être l’une des pistes de réflexion de l’ar­tiste, dont l’œuvre per­met pour la pre­mière fois au Mois de la photo d’ex­po­ser de la pho­to­gra­phie narrative.

Qu’il s’a­gisse de couples ou de scènes de familles, cha­cun tient sa place, par­fois dans l’é­change, sou­vent sans regar­der l’autre, dans une absence d’in­te­rac­tion qui désta­bi­lise l’œil du visi­teur et semble le prendre à parti jus­qu’à faire de lui un spec­ta­teur. Quant aux per­son­nages seuls, le sont-ils vrai­ment ? Silhouette d’une femme en por­trait, ventre rond d’une femme nue et enceinte, la pré­sence et l’ab­sence des corps se confondent dans le sou­ve­nir, ou la promesse.

Carte blanche et hors-les-murs

Et si l’ex­po­si­tion de Victoria Sorochinski vient conclure la grande thé­ma­tique du corps, le visi­teur n’ou­bliera pas de s’at­tar­der sur les deux artistes ita­liens expo­sés dans le cadre de la Carte blanche à l’Italie. Giovanni Sesia et Giovanni Mereghetti inter­rogent eux aussi, à leur manière, la com­plexe thé­ma­tique du corps. En tra­vaillant sur des pho­to­gra­phies de patients d’hô­pi­taux psy­chia­triques pour redonnent beauté et dignité à des ana­to­mies meur­tries pour le pre­mier. Ou en évo­quant l’u­ni­vers car­cé­ral de Rome à tra­vers por­traits et scènes de vie des pri­son­niers, pour le second.

Giovanni Sesia travaille à redonner beauté et dignité à des corps traités comme objets d'études © Florent Mathieu - Place Gre'net

Giovanni Sesia tra­vaille à redon­ner beauté et dignité à des corps trai­tés comme objets d’é­tudes © Florent Mathieu – Place Gre’net

L’Ancien Musée de pein­ture n’est pas seul à être mobi­lisé dans le cadre du Mois de la Photo. Ainsi, des expo­si­tions “hors les murs” viennent com­plé­ter tout au long du mois l’ex­po­si­tion prin­ci­pale, autour de Corps en pré­sence comme de la Carte blanche. L’Atelier Photo 38, l’Atelier du 8, le SLS d’Échirolles ou encore le Totem de Grenoble sont autant de lieux, parmi d’autres, où décou­vrir des artistes ori­gi­naux et iconoclastes.

Le Mois de la Photo s’ins­crit ainsi dans le pay­sage de l’ag­glo­mé­ra­tion comme au sein du pay­sage natio­nal, où sa renom­mée va gran­dis­sant comme en témoigne les nom­breuses can­di­da­tures à l’ap­pel à projets.

Avec les sala­riés de la Maison de l’i­mage, sa ving­taine de béné­voles, ses ser­vices civiques et ses sta­giaires de l’École supé­rieure d’art et de design de Grenoble, l’é­vé­ne­ment espère éga­le­ment mobi­li­ser les visi­teurs et met en place pour la pre­mière fois un prix d’en­trée libre à l’ex­po­si­tion. Une façon de sou­te­nir la démarche… et de par­ti­ci­per à sa pérennité.

Florent Mathieu

Florent Mathieu

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