TROIS QUESTIONS À : Yann Mongaburu, conseiller municipal grenoblois et président du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC) a annoncé ce samedi 27 octobre son départ d’Europe écologie – Les Verts (EELV) pour rallier les rangs de Génération.s, le parti fondé par Benoît Hamon à l’été 2017. Un choix assumé, mûrement réfléchi, guidé par la conviction qu’il est temps pour la gauche écologiste d’opérer sa mue vers une « maison commune » que pourrait incarner Génération.s.
Une nouvelle étape dans le parcours d’un militant écologiste convaincu
Yann Mongaburu, 35 ans, conseiller municipal et président du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC), facilement repérable à son couvre-chef, change de casquette. Troquant celle du parti Europe écologie – Les Verts (EELV) pour celle, plus récente, de Génération.s, fondé par Benoît Hamon à l’été 2017, le militant écologiste ne claque pour autant pas la porte. Il évoque plutôt « une évolution » de sa réflexion politique.
Son parcours militant et politique a démarré en 1995 avec Act up, Sidaction, les premiers fauchages de cultures OGM avec Attac ou encore Ras l’front.
En 2002, au lendemain de l’élection présidentielle, il choisit de s’engager en politique, en l’occurrence chez Les Verts, alors seul parti à investir le champ des possibles offert par l’écologie politique.
Yann Mongaburu s’implique ensuite « très fortement » dans la création d’EELV entre 2009 et 2010, avant de briguer, sans succès, un siège de député de la 3e circonscription de l’Isère lors des élections législatives de 2012.
Un premier mandat en 2014
Son premier mandat ne viendra qu’en 2014 avec la victoire de la liste écologiste Grenoble, Une ville pour tous, menée par Éric Piolle. Avant de participer « comme ouvrier » à la construction d’une « majorité métropolitaine de rassemblement », puis de s’investir dans la campagne des élections sénatoriales de 2017 qui ont conduit à l’élection de Guillaume Gontard.
La boucle est bouclée. Une nouvelle étape s’annonce désormais après le constat que fait l’élu du besoin d’une gauche écologiste qui puisse opérer sa mue et investir le projet d’une « maison commune » dont Génération.s servirait de fondations.
Place Gre’net – Quelles motivations vous ont conduit à quitter EELV pour rejoindre le mouvement de Benoît Hamon ?
Yann Mongaburu – C’est une évolution presque naturelle car je pense que ce que l’on vit aujourd’hui est une montée de l’enjeu climatique où l’écologie a infusé toutes les gauches. Je pense à Générations.s mais aussi à la France insoumise (FI) et aux communistes. La question climatique n’est plus une question future, c’est une question du présent et tout le monde le ressent, ne serait-ce qu’à travers l’été que nous venons de vivre.
La régulation climatique devient une question prégnante, la Marche pour le climat grenobloise est historique en ce sens. Les citoyens saisissent que l’enjeu est désormais au présent. Il est encore temps, à condition qu’on organise les bifurcations, les virages en matière de politiques publiques.
Pour moi, l’autre face de la même pièce c’est la montée des populismes. Parce c’est ce qui arrive quand la gauche n’est pas à la hauteur de ses responsabilités ou quand on laisse l’extrême droite ou les libéraux tuer l’espoir d’une autre société.
Qui aurait pu croire, il y a cinq ans, qu’on aurait un gouvernement fasciste en Italie et voir aujourd’hui l’extrême droite gagner l’élection présidentielle au Brésil ? Ou encore qui aurait pu croire que le gouvernement de la République française refuserait d’accueillir l’Aquarius au mépris du droit international ? Nous avons besoin de relever la tête à gauche et l’enjeu majeur de la période c’est de regarder le réel tel qu’il est pour le transformer. C’est mon côté très jauressien et c’est ce qu’essaye de faire Génération.s..
Justement, qu’allez-vous chercher chez Génération.s que vous n’auriez pas trouvé au sein d’EELV ?
Yann Mongaburu - Génération.s essaye de faire converger et marier l’histoire du mouvement ouvrier avec l’histoire de l’écologie politique. Le tout en prenant en compte les enjeux climatiques, avec notamment la sortie du diesel et celle des perturbateurs endocriniens.
Mais c’est aussi comment recréer une protection sociale, avec le revenu universel et la taxation des robots pour protéger chacun, là où Macron organise le gel des prestations sociales et, en premier lieu, celles des plus précaires. À Génération.s, il y a cette énergie nouvelle. Je crois aussi qu’il y a cette volonté d’être le creuset d’une nouvelle culture, de ce que j’appelle une gauche écologiste.
Au-delà de ça, il nous faudra construire une maison commune de cette gauche écologiste. Je pense là aux Insoumis, aux communistes et aux écologistes historiques avec lesquels je continuerai à coopérer. C’est à cette construction que je compte m’employer pour porter des propositions nouvelles à la hauteur de nos responsabilités et continuer inlassablement à œuvrer au rassemblement.
Je crois que nous avons également fait la preuve, localement, que le rassemblement des gauches est une clé politique de transformation. C’est vrai à Grenoble comme à la Métropole avec ce que nous faisons avec Éric Piolle, Renzo Sulli, Élisa Martin, Ludovic Bustos et d’autres encore.
Il faut maintenant que les appareils politiques marqués par les années 70 se saisissent du fait qu’il faut désormais organiser la mutation de la gauche écologistes avec sa nouvelle culture, de nouvelles propositions dépassant largement les frontières partisanes du passé, et Génération.s y participe.
Est-ce que cette « évolution » dans votre parcours politique va avoir des incidences au sein de la majorité municipale, voire de sa cohésion ?
Yann Mongaburu – J’ai été élu sur une liste en 2014 avec une équipe et mon action est guidée par le mandat qui m’a été confié. Je crois, par ailleurs, qu’à la Métropole ou au SMTC nous avons réussi à travailler dans le bon sens. Notamment avec la reconquête des terrains agricoles dans nos territoires périurbains, la tarification sociale de l’eau et la mise en place du 30 km/h avec une expérimentation dérogatoire qui a permis de changer la règlementation à l’échelle nationale. Mais aussi quand on fait les certificats qualité de l’air avec une expérimentation unique devenue désormais la loi, celle de la circulation différenciée qui va nous aider à organiser la sortie du diesel.
Je resterai membre de la majorité municipale et du groupe Rassemblement citoyen, solidaire et écologiste (RCSE) pour porter encore plus loin l’accélération des transitions écologiques, sociales et démocratiques. Autant de sujets qui sont, avec l’humanisme, au cœur de Génération.s.
Quant à ma décision, évidemment que j’en ai parlé avec les personnes dont je suis le plus proche, avec lesquels j’ai pu faire un parcours militant depuis des années. Au sein de Génération.s, je continuerai à contribuer à faire vivre localement l’innovation politique qui a été portée aussi nationalement. Il y a des bonnes volontés partout et elles doivent pouvoir se rassembler.
Propos recueillis par Joël Kermabon