FOCUS – La société Tougo, en charge des transports pour la communauté de communes Pays du Grésivaudan, ne fait pas que des heureux. La suppression de trois lignes de bus, dans le cadre d’une fusion avec des lignes scolaires moins fréquentes et moins pratiques, fait vivement réagir, notamment sur la commune de Saint-Ismier, concernée au premier chef. Un mécontentement également nourri par de récentes, et spectaculaires, augmentations de tarifs.
Rien ne va plus chez Tougo ? Les bus de la société en charge, via délégation de service public, des transports dans le Grésivaudan semblent traverser une zone de turbulences. En cause ? De récents choix stratégiques ou économiques décidés par la Communauté de communes Le Grésivaudan, qui suscitent colère ou incompréhension de la part de certains usagers.
Par souci de « continuer à dynamiser la fréquentation du réseau mais aussi de gagner en productivité », ainsi qu’il l’écrit dans une délibération en date du 20 novembre 2017, le Grésivaudan a en effet choisi de « fusionner les lignes scolaires et les lignes régulières qui se trouvent sur le même tracé ». Soit, concrètement, de supprimer trois lignes, à savoir les Citadines A, B et C, mises hors service le 9 juillet 2018.
Le tracé de ces lignes ? La Citadine A reliait Villard-Bonnot à Montbonnot, en passant par Saint-Nazaire-les-Eymes et Saint-Ismier. La B, pour sa part, suivait un tracé de Bernin à Villard-Bonnot, en passant par Crolles. La ligne C, enfin, affichait un itinéraire uniquement charrapontain, depuis la médiathèque de Pontcharra jusqu’à l’arrêt Villard Noir. Tout en desservant des entreprises, le lycée de la commune ainsi que sa mairie.
Saint-Ismier, berceau de la colère
À Saint-Ismier, la décision passe (très) mal. C’est une habitante de la commune, Gaëlle Charles, qui donne l’alerte. « Je suis à deux doigts de porter plainte », nous fait-elle savoir, remontée contre la Communauté de communes. Lancement d’une pétition contre la suppression de la Citadine A, courrier au Grésivaudan, rencontre avec le maire de Saint-Ismier, interpellation du député de la première circonscription de l’Isère Olivier Véran… L’Ismérusienne ne ménage pas ses efforts pour faire connaître son mécontentement.
Et pour cause : « Toute ma vie tournait autour de la Citadine ! », confie-t-elle. Autrefois grenobloise, Gaëlle Charles a rejoint Saint-Ismier après l’attribution d’un logement social. Un logement qu’elle avait initialement refusé, n’étant pas titulaire du permis de conduire. « J’ai accepté quand la personne chargée des logements m’a expliqué que cette petite Citadine avait été créée. Et maintenant, je n’ai plus de bus ! », se désole cette aide à domicile, mère de famille, contrainte aujourd’hui de se déplacer en stop ou de solliciter ses voisins pour aller faire des courses.
Un choix qui pénalise surtout les personnes âgées et les jeunes
Si les études avancées par le Grésivaudan montrent des lignes Citadines peu fréquentées, Gaëlle Charles n’est pas la seule à déplorer cette disparition. Sa pétition a pour l’heure recueilli 325 signatures, accompagnées de témoignages variés : « Des personnes sans mobilité en ont besoin », « Je l’utilise tous les jours pour rentrer chez moi », « Pas d’autre moyen pour aller garder mes petits enfants » ou encore « On nous parle toujours de pics de pollution et on nous conseille de prendre les transports en commun. Comment faire quand on nous les enlève ? »
Extraits de témoignages des personnes signant la pétition contre la suppression de la Citadine A.
La problématique des personnes à mobilité réduite, notamment âgées, ou les déplacements privés des jeunes sont au cœur des préoccupations. Gaëlle Charles ironise volontiers sur les solutions de remplacement évoquées. « On nous propose l’autostop organisé… C’est sûr, on adore ça nous, savoir nos enfants “en sécurité” sur le bord de la route ! »
Elle-même manifeste d’ailleurs son ras-le-bol vis-à-vis de ce mode de déplacement. Une solution aléatoire mais aussi inconfortable quand les hommes qui la prennent en stop lui posent des questions intimes… et la jugent de toute évidence « disponible ».
Quant à la fusion entre la Citadine A et la ligne scolaire, elle n’est guère satisfaisante. Les usagers passent ainsi d’une ligne avec une quinzaine de passages quotidiens aller-retour à une ligne n’en comportant que deux, et ne circulant plus hors périodes scolaires ni les samedis. Quant aux élèves ne pouvant plus rentrer à leur domicile entre midi et deux heures, ils devront se tourner vers la demi-pension, soit un coût supplémentaire pour les familles.
Un défaut d’information du public ?
La colère est d’autant plus sensible que la fermeture des trois lignes n’a pas bénéficié d’une information de grande ampleur : une mention, discrète, sur les fiches horaires ou un message laconique sur le site Internet de Tougo, depuis disparu… Pire encore : certains arrêts de bus continuent d’afficher le logo de la Citadine, voire ses horaires. Gaëlle Charles indique ainsi avoir vu des personnes attendre ce bus qui n’existe plus, faute d’avertissements suffisamment visibles.
Au 27 juillet 2018, près de trois semaines après la suppression de la ligne, l’arrêt de bus Pré-de-l’eau de Montbonnot continuait à afficher le sigle de la Citadine A © Gaëlle Charles
Certaines communes elles-mêmes ont du mal avec cette disparition. Ainsi, dans la rubrique Mobilité et transports de son site Web, la municipalité de Pontcharra affirme encore, le 6 août 2018, près d’un mois après l’arrêt de la Citadine C : « À Pontcharra, une ligne citadine a été mise en place et dessert 14 arrêts de la médiathèque à Villard Noir ». Idem sur le site de la Ville de Crolles, qui fait toujours état des Citadines dans sa section Transports et mobilité.
Tougo elle-même n’a pas totalement fait le ménage : dans la présentation de ses lignes scolaires, son site Internet affichait encore, toujours au 6 août, que certains établissements (de Saint-Ismier ou de Pontcharra) étaient également desservis par une ligne Citadine. La fiche du collège Simone-de-Beauvoir de Crolles a, en revanche, été récemment “nettoyée”.
Le maire de Saint-Ismier refuse la « polémique »
Poursuivez votre lecture
Il vous reste 38 % de l’article à lire. Obtenez un accès illimité.
Vous êtes déjà abonné.e ? Connectez-vous