EN BREF – L’association d’hébergement Arepi, mandatée par la préfecture, a ordonné l’expulsion de quinze familles de migrants vivant dans des bâtiments préfabriqués sur l’ancien site de Renault Galtier, au 85 cours de la Libération. Sans leur proposer de solution de relogement pérenne, dénoncent-elles.
Les bâtiments préfabriqués du cours de la Libération ne sont plus. Une grue les a retirés, un par un, ce mardi 3 juillet, sur ordre de l’Arepi (Association régionale pour la réinsertion), mandatée par la préfecture.
C’est là, dans les anciens locaux de Renault Galtier, que vivaient jusqu’alors quinze familles, arrivées courant décembre dans le cadre de la trêve hivernale.
D’origines diverses mais provenant surtout d’Albanie, du Kosovo et du Maroc, ces familles vivaient dans ces bâtiments préfabriqués de sept ou huit mètres carrés, où cohabitaient parfois quatre ou cinq personnes.
Des conditions de vie forcément précaires : accès limité à l’eau chaude, nourriture stockée dans un réfrigérateur non accessible à partir de 20 heures, insalubrité… Des vigiles gardant l’entrée interdisaient même aux habitants de recevoir des amis. Mais tout au moins les habitants du 85 cours de la Libération avaient-ils un abri et un toit.
Des solutions de relogement contestées
Les quelques soixante migrants sur place (cent selon la préfecture) avaient jusqu’au 30 juin pour quitter ce terrain appartenant à Grenoble Habitat et destiné à accueillir des logements sociaux et en accession à la propriété. On leur proposait d’être relogés dans des gymnases ou pour quatre nuits à l’hôtel. Des solutions jugées non pérennes.
La plupart ont fini par accepter. Mais pas Nawfal et Latifa Talha, qui s’est vu proposer une place en centre d’hébergement à Chanas, à 90 kilomètres de Grenoble.
Eux ont trois enfants, dont une âgée d’un an et demi et un scolarisé à Saint-Égrève. « On préfère être dehors plutôt qu’à Chanas », assure Latifa Talha, qui attend un quatrième enfant.
Ce 3 juillet pourtant, lorsque le directeur de l’Arepi Pascal Caluori est venu menacer d’enlever les préfabriqués à l’aide d’une grue, puis a coupé l’électricité, les dernières familles sur place se sont résolues à partir. Certaines se sont évaporées dans la nature : elles sont vraisemblablement retournées à la rue où, pour beaucoup, elles avaient déjà passé un certain temps avant de s’installer dans cet abri de fortune.
« Il y a une volonté d’éparpiller les gens »
Une expulsion qui a provoqué l’ire des associations, indignées de l’absence de solution de relogement convenable pour les familles concernées.
« La loi assure la continuité et l’inconditionnalité de l’hébergement, mais ils n’en ont rien à cirer », déplore une militante de la Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants (Cisem), jointe par téléphone.
« Pourtant, le gros truc de Macron, c’est personne à la rue », ajoute-t-elle, en référence à une promesse formulée par le Président de la République à Orléans, fin juillet 2017.
Grenoble Habitat a « repris possession » du terrain
Un membre de l’association Droit au logement (Dal) croisé devant le camp d’hébergement dénonce, lui aussi, l’attitude des autorités. « La préfecture se lave les mains de propositions de relogement, lance-t-il. Il y a une volonté d’éparpiller les gens, alors qu’il y a des logements vides partout à Grenoble. » Figure historique du mouvement social grenoblois, Jo Briant partage ce sentiment de colère. « On est scandalisé et atterré par ce qui se passe », déclare-t-il.
Sollicitée, la préfecture a rappelé que le terrain était la propriété de la société Grenoble Habitat, qui en a, écrit-elle, « repris possession », après avoir exceptionnellement prolongé l’hébergement après la fin de la trêve hivernale. Et jure que la grande majorité des familles a pu bénéficier de solutions de relogement « pérennes ».
Samuel Ravier