FOCUS – La question des mineurs non accompagnés prend une ampleur nouvelle en Isère. Face à l’accroissement de leur nombre et aux lacunes des institutions censées prendre en charge ces jeunes étrangers arrivés en France sans leurs parents, les associations interpellent les autorités.

Conférence de presse sur les mineurs non accompagnés, à la Maison des associations de Grenoble. Cheick, 15 ans, témoigne de son parcours. © Samuel Ravier – placegrenet.fr
« Depuis que je suis parti de chez moi, je n’ai jamais dit “Dieu merci”. J’entends partout que le droit des mineurs est premier en France. Je ne crois pas à ça. Pour nous, c’est injuste. C’est injuste ! Quand moi je me réveille le matin, j’ai envie d’aller à l’école, je n’ai pas le droit. C’est injuste ! Je suis désespéré. Je suis mineur, j’ai le droit à la sécurité. » Stable et monocorde depuis le début de son intervention, la voix de Cheick, 15 ans, vient de se briser.
Le jeune homme a raconté son parcours d’une traite, le regard fixe : la Guinée-Conakry, où il est né, l’Algérie, la Libye, Vintimille, Cannes, la rue, les coups, Grenoble. « J’ai subi beaucoup de choses », commente-t-il, sobrement.
Le cas de Cheick fait écho à celui des quelque 1 300 mineurs non accompagnés arrivés sur le sol isérois en 2017. En France, la prise en charge de ces jeunes étrangers relève du Département, au titre de la protection de l’enfance. Le conseil départemental doit en effet assurer aux mineurs non accompagnés hébergement, scolarisation et suivi social.
La minorité de plus en plus souvent remise en question
À en croire plusieurs associations qui participent à l’accueil des migrants en Isère, cette prise en charge se serait considérablement dégradée ces derniers mois, alors même que le nombre de mineurs non accompagnés arrivés dans le département a presque doublé de 2016 à 2017. Réunies dans le collectif Migrants en Isère, dix-sept associations dont l’Apardap, la Cimade ou le Secours catholique ont interpellé une nouvelle fois le 6 juin dernier les institutions concernées à travers une lettre ouverte : le président du Conseil départemental, la rectrice, le préfet et la présidente du tribunal de grande instance.

En Isère, le Département peine à faire face à l’augmentation du nombre de mineurs étrangers isolés. © La Croix-Rouge
Au cœur de l’accusation : la non-reconnaissance de plus en plus fréquente de la minorité des migrants. Concrètement, à chaque arrivée sur le territoire, le Département procède à une évaluation pour déterminer l’âge réel.
Le recours aux tests osseux, peu fiable, ayant été abandonné, l’appréciation se fonde désormais sur l’apparence physique, ainsi que la maturité du comportement et du discours. Elle dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pendant lesquels le migrant n’a pas le droit d’être scolarisé.
Migrants en Isère affirme que le Conseil départemental a remis en question la minorité de plus de la moitié des 1 300 migrants se déclarant mineurs en 2017. Cette pratique aurait encore augmenté depuis le mois de janvier. Pourtant, le Code civil garantit la présomption d’authenticité des actes d’état civil, aussi bien pour les Français que pour les étrangers.
« Présomption de fraude »
Avocate et membre du bureau des droits de l’homme du barreau de Grenoble, Aurélie Marcel dénonce un « renversement de la présomption de minorité » et un passage à un état de « présomption de fraude » : il revient au migrant de prouver son âge alors que la loi dispose que la charge de la preuve revient à l’administration en pareille circonstance.
Pour ces jeunes, qui parlent pour beaucoup difficilement le français, la confrontation avec l’administration est complexe, malgré le soutien juridique apporté par une association comme la Cimade. « Ils ne comprennent rien à l’administration française. Ils ont l’impression d’être rejetés après avoir vécu des choses difficiles pour pouvoir arriver jusqu’en France », témoigne Denis Hatzfeld, secrétaire du collectif Migrants en Isère.
Le militant déplore que les mineurs non accompagnés soient perçus comme des étrangers avant d’être considérés comme des enfants. Et ce en dépit des conventions internationales qui font obligation de protéger tous les mineurs.
Attente et risques de marginalisation

Aurélie Marcel, avocate au barreau de Grenoble, et Marie-Noëlle, militante au Secours catholique. © Samuel Ravier.
Ceux qui se voient notifier une non-reconnaissance de minorité basculent dans un vide juridique : ils ne bénéficient pas de l’aide sociale à l’enfance et ne peuvent demander l’asile ou un titre de séjour car leurs documents d’état civil les déclarent mineurs. Le risque est grand, alors, de les voir intégrer des réseaux de délinquance ou de prostitution.
« Ce qui est épuisant pour ces jeunes c’est l’attente », souligne Marie-Noëlle Rouvière, militante au Secours catholique. Le temps de l’évaluation de leur minorité, qui dure parfois plus d’un an, les migrants sont réduits à l’expectative, notamment car on leur refuse la scolarisation. La situation est devenue d’autant plus inquiétante que le délai avant décision du tribunal de grande instance (en cas de contestation du refus du conseil départemental) s’est significativement allongé.
Les départements réclament une prise en charge par l’État
Sollicité par nos soins, le conseil départemental nous a soumis une réponse laconique :
« Le Département, conformément à la loi, fait le nécessaire pour accueillir les mineurs non accompagnés arrivant en Isère, qui bénéficient d’un accompagnement social adapté dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance. Nous aurons l’occasion de répondre prochainement à la lettre ouverte dont nous sommes destinataires parmi d’autres. »

Christian Rival, 2e vice-président du département de l’Isère, Jean-Pierre Barbier, président, et Sandrine Martin-Grand, vice-présidente. © Joël Kermabon – Place Gre’net
La collectivité pointe par ailleurs régulièrement le coût de la prise en charge de ces mineurs isolés. « Le budget social est, cette année, très impacté par l’arrivée massive de mineurs non accompagnés. Nous avons multiplié par quatre les moyens financiers », a ainsi souligné le président du conseil départemental Jean-Pierre Barbier lors du vote du budget, en décembre.
Dans une interview accordée au Dauphiné libéré du mardi 19 juin 2018, Sandrine Martin-Grand, vice-présidente à l’action sociale du Conseil départemental, a quant à elle estimé que les mineurs isolés étrangers représentaient désormais 40 % du budget de protection de l’enfance.
En déplacement à Bourgoin-Jallieu au mois de mars, le président de l’assemblée des départements de France Dominique Bussereau avait de son côté réclamé une « prise en charge totale » des mineurs non accompagnés par l’État. Jean-Pierre Barbier, du même avis, affirme toutefois que le Département n’a « pas la capacité de créer des places [d’hébergement, ndlr] d’un claquement de doigts ».
« On est en train de créer une société de laissés-pour-compte »
Les associations réfutent l’argument économique avancé par le conseil départemental. Elles affirment pour leur part que le coût annuel des mineurs non accompagnés (11 millions d’euros) ne représente que 0,8 % du budget total du Département de 1 500 millions d’euros. Et 7 % des 158 millions dédiés à l’enfance et la famille. « C’est un choix politique, assène une militante de Migrants en Isère. On est en train de créer une société de laissés-pour-compte. »
Aide au logement, suivi social, orientation professionnelle : dans tous ces domaines, diverses associations iséroises se mobilisent justement pour empêcher la marginalisation des jeunes migrants.
« Les associations prennent en charge bénévolement les responsabilités de l’État », constate Valentin, membre de la Cimade.
Militante à l’association 3aMIE (Accueil, accompagnement et aide des mineurs et jeunes isolés étrangers), Régine Barbe évoque le désespoir des personnes qu’elle rencontre au quotidien. « Quand on rend malades des jeunes au pays des droits de l’homme, cela me pose des questions », lâche-t-elle.
Samuel Ravier
Stop. Assez. La France va crever avec vos idéologies suicidaires.
L’Afrique comptait 100 millions d’habitants au début du 19° siècle, et en comptera 2 000 millions (2 milliards) à l’horizon 2050. Cette explosion démographique s’est faite sans construire des débouchés et des avenir sur place.
50% des Africains veulent s’installer en Europe, qui, je le rappelle, compte environ 500 millions de personnes. Si on continue cette politique mortelle, l’Europe disparaîtra, il ne restera que le territoire. Ça deviendra une extension de l’Afrique avec sa culture, son fonctionnement, et son destin.
Non merci.
Bonsoir, ce que j’aimerais un jour, c’est que quelqu’un m’explique en accueillant les ami (es) venue de loin, si les associations, les elu (es) tel que le Maire de Grenoble qui les aides à l’accueil, loge une famille ou au moins un etre chez soi.
Car, c’est très bien de d’être généreux chez les autres, mais faudrait peut être commencé par soi même !
On ne parle pas de mineurs « non accompagnés » mais de mineurs isolés…
La dénomination officielle a changé Ce n’est plus MIE (mineur isolé étranger) mais bien MNA (mineur non accompagné)
C’est trop facile de faire silence sur les questions essentielles. Qui manque ici à ses devoirs : la France ou le pays et les parents de ces mineurs ? Comment fait on pour scolariser des adolescents de 15 ans qui ne parlent pas français et sont probablement analphabètes ? On les met au CP à côté de petits de 6 ans ?
Mais non, voyons il y a des classes spéciales dans les collèges ou les lycées où les jeunes étrangers apprennent très très vite le français et les autres matières, comme les maths, l’histoire, la géographie, les sciences etc, si bien que, souvent, au bout d’1 ou 2 ans, ils peuvent intégrer des classes « normales » en vue de passer le BAC plus tard, ou des classes professionnelles pour un CAP ou un bac pro.
Alors, avec vos classes spéciales magiques, on se demande pourquoi nos enfants démarrent à l’école à la maternelle, alors qu’ils pourraient démarrer à 15 ans sans même savoir parler français.
Les mineurs n’ont pas besoin de titre de séjour pour rester en France, d’une part. D’autre part, l’école est obligatoire pour TOUS les enfants jusqu’à 16 ans. Il est donc normal que les jeunes étrangers mineurs aillent à l’école, dans des classes spéciales pour apprendre le français et pouvoir intégrer des classes « normales ». Il est une obligation de continuité scolaire pour les jeunes mineurs ou pas déjà scolarisés, et donc, ils peuvent rester à l’école jusqu’à leur majorité et même au-delà.
Le problème est que les autorités mettent tout en oeuvre pour ne pas reconnaitre la minorité des jeunes, pour les empêcher d’aller à l’école et donc les expulser plus facilement.
Comme je disais au départ, c’est tellement facile d’éviter les questions essentielles, tellement facile de faire du juridique en théorie qui ne résout rien.