FOCUS – Grenoble accueille, ce 12 juin au World Trade Center, la troisième édition des rencontres Business Hydro organisée par l’association Hydro 21. Une grand-messe de l’hydroélectricité dont l’ambition est de générer des rencontres d’affaires au service de la filière hydroélectrique. L’occasion pour les acteurs du territoire de présenter « un écosystème unique au cœur du sillon alpin », mais aussi les enjeux techniques, scientifiques et économiques propres au secteur.
« Il y a aujourd’hui un regain d’intérêt très fort pour l’hydroélectricité, notamment dans le cadre de la transition énergétique […] C’est une énergie compétitive mais aussi pilotable, stockable et innovante », se plaît à rappeler Roland Vidil, président de Hydro 21.
À l’approche des Rencontres business hydro, – grand-messe de l’hydroélectricité qui se déroule le 12 juin prochain au World trade center de Grenoble –, l’association qui fédère les acteurs de la filière rhônalpine entend bien faire valoir cet « écosystème unique au cœur du sillon alpin ».
Une filière à la fois historique et au cœur des enjeux du XXIe siècle
« Cet écosystème, qui recouvre tout le sillon alpin et repose sur une filière industrielle à la fois historique et au cœur des enjeux du XXIe siècle, structure aussi l’économie et l’emploi local », souligne Roland Vidil. En effet, rappelle-t-il, ce secteur qui repose « sur un système intégré de savoir-faire et d’expertise » emploie près de 1 500 personnes dans plusieurs centaines d’entreprises, que ce soit des grands groupes ou des PME-PMI.
Quant à son périmètre, « il va de la science au marché et s’articule autour de quatre grands pôles d’activités : l’ingénierie, la recherche-formation, les activités de services et de sous-traitance et enfin les acteurs nationaux de la production d’énergie », énumère le président d’Hydro 21. Une dynamique collective, Roland Vidil en est convaincu, « qui permet à ces acteurs de se positionner sur les grandes évolutions en cours pour structurer, renforcer et promouvoir cet écosystème ».
Pour autant, concède Roland Vidil, nombre de questions sur lesquelles l’écosystème est mobilisé restent ouvertes. Notamment celles qui concernent la recherche et l’innovation, l’industriel et les nouveaux marchés, les nouvelles réglementations, la formation et les nouveaux métiers ou encore la prise en compte du citoyen et de ses aspirations environnementales. Autant de thématiques que vont s’attacher à aborder certains des acteurs* de la filière présents lors de cette présentation, notamment à travers leurs témoignages respectifs sur les avantages de l’écosystème dont ils font partie.
Travailler en confiance pour faire du business intelligent
Premier à témoigner sur le pôle PME et services, Pascal Mioche le PDG de la société d’Automatique & Industrie. « Les enjeux aujourd’hui avec ce laboratoire d’idées, ce côté agitation permanente, c’est une façon de voir les attentes des uns et des autres […] L’hydraulique c’est quelque part un fond de commerce pour nous mais aussi beaucoup de perspectives à venir autour du “mix” énergétique », explique-t-il.
Lesquelles ? Des projets de recherche et développement et le challenge de pouvoir se projeter dans les énergies renouvelables intermittentes, dans les problématiques de stockage en particulier avec le stockage par batteries pour le solaire.
« Ces perspectives pour une PME comme la nôtre c’est, avec cet écosystème, d’avoir des contacts avec tous les intervenants pour se projeter dans le futur et apporter de l’équilibre dans toutes ces possibilités d’énergies », ajoute Pascal Mioche.
Olivier Six, le PDG de CIC Orio évoquant l’ambiance qui règne dans l’industrie et les marchés publics, parle de « relations de défiance ».
D’où la volonté assumée d’Hydro 21 de « changer de paradigme » pour travailler en confiance. Comment ? En mettant tout le monde autour de la table : concurrents, clients, fournisseurs et en apprenant à se connaître. « On découvre ainsi du business intelligent pour innover encore plus, attaquer d’autres marchés », se félicite Olivier Six.
Répondre aux besoins des entreprises en matière de formation et de recherche
Côté ingénierie, Thibaut Ulrich, de la société Artelia, un des membres fondateurs d’Hydro 21, souligne le rôle joué par sa société. « Ce que nous faisons en synergie avec l’écosystème c’est que l’on produit de la maîtrise d’œuvre et de l’expertise pour les producteurs d’énergie présents dans le sillon alpin », explique-t-il. Parmi ces derniers : EDF, Gaz et électricité de Grenoble (GEG), la Compagnie nationale du Rhône (CNR)…
Mais pas seulement. De nombreux projets de recherche collaborative impliquant des industriels et des universités sont menés, dont bon nombre sont labellisés par Tenerdis, le pôle de compétitivité de la transition énergétique Auvergne Rhône-Alpes. Ajoutez à cela une forte proximité avec l’école d’ingénieurs en énergie eau et environnement Ense3 de Grenoble.
De quoi « construire une forte image favorable à l’activité de nos entreprises », estime Thibaut Ulrich. Enfin, ouvrir l’écosystème à l’export n’est pas le moindre des objectifs d’Artelia. « En matière d’hydroélectricité, notre activité est orientée à 70 % vers l’export », conclut-il.
« C’est quoi l’énergie et comment former des ingénieurs pour aller dans cette direction ? »
Reste que tout cela demande un certain savoir-faire, des compétences pointues, notamment en formation et en recherche. C’est tout le domaine d’intervention de Claude Rebattet, le directeur du Centre de recherche et d’essais de machines hydrauliques de Grenoble (CREMHyG). Et particulièrement, tout comme Artelia, à travers l’école Ense3.
« Une école qui constitue une étape de progrès par rapport à l’image ancienne. Où il y avait une science dure, électrique, mécanique et cætera, on est passé à des visions. C’est quoi l’énergie et comment former des ingénieurs pour aller dans cette direction ? », explique Claude Rebattet. Avant de poursuivre : « nous répondons donc aux besoins des entreprises en ingénieurs formés dans des domaines aussi divers que les risques géologiques dans l’aménagement, les performances hydrauliques sur des turbines ou encore dans des approches transition énergétique », complète le directeur.
« L’intérêt d’EDF dans cet écosystème c’est que ça nous assure notre propre réussite »
Quant aux chiffres de la filière, il faudra attendre l’intervention de Manuel Lenas, directeur chez EDF, – l’un des acteurs majeurs de l’écosystème – et également vice-président d’Hydro 21 pour obtenir quelques repères. De quoi parle-t-on ? « Sur les Alpes du nord, nous produisons un quart de l’énergie hydroélectrique en France. Pour EDF, un tiers de la production se fait ici sur le sillon alpin, en gros la Drôme, l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie », révèle Manuel Lenas.
À ce titre, la Savoie est le premier département hydroélectrique de France avec à peu près 7 milliards de Kwh et ce qui est produit sur le seul sillon alpin correspond à ce que consomment six millions d’habitants en consommation résidentielle. « Avec ses 132 barrages et 121 centrales, c’est une concentration exceptionnelle qu’on ne retrouve dans aucun massif », ajoute le vice-président d’Hydro 21.
Sur le plan de l’emploi, EDF hydraulique c’est 2 300 hydrauliciens dont la moitié en ingénierie et l’autre dans les vallées, sur les barrages. EDF fait également travailler 1 400 entreprises, sous-traitants et prestataires sur tout le sillon, soit 200 millions d’euros d’achats donc de chiffre d’affaires pour ces entreprises.
« Pour nous, clairement, le centre de gravité est ici en Rhône-Alpes et nous ne pouvons pas être le plus gros donneur d’ordres de tant d’entreprises et nous désintéresser de la qualité de l’écosystème. Nous devons jouer collectif », souligne Manuel Lenas. Le directeur le déclare sans ambages, « l’intérêt d’un grand groupe comme EDF dans cet écosystème c’est que ça nous assure notre propre réussite ».
« Nous sommes des catalyseurs d’innovations »
« Nous sommes des catalyseurs d’innovations, c’est ça notre ADN », déclare Catherine Candela, déléguée générale de Tenerdis, le pôle des technologies, énergies nouvelles et énergies renouvelables de Rhône, Alpes, Drôme, Isère, Savoie et Haute Savoie. Comment ? En soutenant le développement économique des entreprises à travers des projets collaboratifs labellisés par Tenerdis. Notamment sur des projets importants pour l’hydroélectricité comme la modélisation des machines, les hydroliennes, le passage au numérique…
« Depuis douze ans, sur la partie hydro, 36 projets ont été labellisés, dont 17 financés, ce qui représente à peu près 150 millions d’euros de budget total, avec 40 millions d’euros de financements publics », dénombre Catherine Candela.
« Il faut être capable de résister aux Chinois »
Quid de la mauvaise passe que traverse depuis presque une année GE Hydro dans tout ça ? « C’est grâce à GE Hydro que l’association Hydro 21 est née », rétorque Roland Vidil. La restructuration en cours ne va-t-elle pas quelque peu freiner les ambitions de cet écosystème où tout semble bien rangé et en ordre de marche ? « C’est comme le petit commerce et la grande distribution, c’est un problème gigantesque. Il y a toujours le consommateur derrière et il est schizophrène », répond à son tour Pascal Mioche.
Et de poursuivre. « Le monde change, il faut l’affronter. Le problème ce n’est pas tant le national, c’est l’export. Il faut être capable de résister aux Chinois qui construisent les trois quarts des installations dans le monde. »
Pour Olivier Six qui, tient-il à préciser, ne s’exprime pas en tant que témoin interne mais au titre de la Chambre de commerce et de sa qualité de fournisseur, « il y avait clairement chez General Electric un problème d’organisation de sureffectifs qui était connu ». Pour le directeur de CIC Orio, il fallait cette réorganisation très forte.
« Nous considérons que GE Hydro est vraiment un fleuron de l’hydroélectricité à Grenoble. Le côté ingénierie devrait rester là mais on ne peut pas avoir une entité d’ingénierie sans avoir un minimum de production autour […] Après, fabriquer des turbines monstrueuses en France alors que le marché n’est pas là… Si GE Hydro n’est plus qu’un bureau d’ingénierie, nous craignons que ça ne soit pas pérenne », conclut Olivier Six.
Joël Kermabon
* Pôle PME-PMI et services : Olivier Six, PDG de CIC Orio et Pascal Mioche, PDG d’Automatique & Industrie. Pôle ingénierie : Thibaut Ulrich, de la société Artelia. Pour le pôle formation et recherche : Claude Rebattet du Centre de recherche et d’essais de machines hydrauliques de Grenoble (CREMHyG). Secteur production d’énergie : Manuel Lenas, directeur chez EDF du projet “Une rivière, un territoire”. Le pôle de compétitivité étant représenté par Catherine Candela, déléguée générale Rhône, Alpes, Drôme, Isère, Savoie et Haute Savoie de Tenerrdis (Technologies énergies nouvelles, énergies renouvelables)
Les rencontres Business Hydro 2018 : la grand messe de l’hydroélectricité à Grenoble
« La troisième édition des Rencontres business hydro qui se déroulera ce 12 juin représente l’incarnation de l’écosystème hydroélectrique du sillon alpin, une traduction de ce “travailler ensemble » dont nous avons parlé », assure Roland Vidil, le président de l’association Hydro 21 qui organise l’événement. Des rencontres coconstruites par les entreprises pour générer des rencontres d’affaire entre acteurs de la filière hydroélectrique du sillon alpin, d’Auvergne Rhône-Alpes et aussi quelques Italiens.
« Nous attendons au World trade Center près de 500 personnes de grands groupes ou de très petites entreprises qui trouveront sur place une quarantaine de stands. La finalité c’est le business », annonce également le président d’Hydro 21. Au programme ? Conférence, table ronde, visite de l’espace entreprise, ateliers de travail mais surtout quatre temps forts que nous détaille Roland Vidil.
Reportage Joël KermabonPuisque tous les acteurs de l’hydroélectricité travaillent déjà ensemble sous la bannière d’Hydro 21, quelle est la valeur ajoutée qu’est censé apporter l’événement ? « Il faut que l’écosystème vive, et Business hydro c’est l’occasion de rencontrer d’autres acteurs. D’ailleurs, nous allons organiser au mois de novembre un autre colloque plus tourné vers la valorisation de l’hydroélectricité et notamment sur les problèmes liés au stockage de l’énergie », annonce Roland Vidil.