EN BREF – Elle promettait d’être emblématique. Défendue par son rapporteur, le député marcheur de l’Isère Jean-Charles Colas-Roy, la loi visant à interdire la production d’hydrocarbures sur le territoire français n’est-elle que simple affichage ? Si des demandes d’octroi de titres miniers ont été rejetées, d’autres ont été accordées ou prolongées. Le député de l’Isère lui ne pipe mot.
Pour son rapporteur, le député de l’Isère Jean-Charles Colas-Roy, elle s’annonçait « emblématique ». La loi Hulot vise à amorcer la sortie progressive de la France de la production d’hydrocarbures en n’attribuant plus de nouveaux permis d’exploiter et en ne prolongeant pas les concessions existantes après 2040. Votée le 19 décembre dernier, va-t-elle faire pschitt ?
Le 8 décembre, en plein débat parlementaire, le gouvernement signait plusieurs arrêtés prolongeant des permis de recherche. Bis repetita le 31 janvier dernier, après la promulgation de la loi donc. Trois arrêtés étaient signés. Rebelote le 2 février : six décrets autorisant, prolongeant ou permettant l’extension de concessions de mines d’hydrocarbures conventionnels suivaient.
Résultat, rien que pour le mois de janvier, seize demandes d’autorisation ou de renouvellement de concessions ont été autorisées sur le territoire français.
De nombreuses “dérogations” accordées
Si des demandes ont bel et bien été rejetées – le gouvernement faisait état de 48 rien que pour le moins de janvier 2018 –, la porte n’est visiblement pas complètement fermée, contrairement à ce que la communication autour de la loi aurait pu laisser croire.
Raison officielle de cette “dérogation” ? La sécurité juridique. « La loi continue en effet de garantir les droits des titulaires de titres en cours de validité », précise le ministère de la Transition écologique et solidaire. Dans les faits, une concession ayant été accordée jusqu’en 2054, on voit mal comment le couperet pourrait tomber en 2040.
« Nous devenons le premier pays à interdire d’ici 2040 l’exploitation d’hydrocarbures sur son territoire », s’était félicité en octobre dernier Jean-Charles Colas-Roy. Sollicité cinq mois après ces grandes déclarations, le député isérois, qui vient d’être nommé représentant du parlement au conseil d’administration de l’Ademe*, ne pipe mot **. Bref, si la loi a réussi à passer outre les assauts répétés de la majorité de droite sénatoriale pour tenter de vider le texte à coups de dérogations, pour le « signal fort au monde », il faudra attendre un peu.
D’autant que pour garantir la constitutionnalité de la loi, un alinéa permet la poursuite de la production au-delà de 2040 si l’industriel titulaire du permis n’est pas rentré dans ses frais… « Une fois que la rentabilité est atteinte, le titulaire du permis est contraint de laisser les hydrocarbures restants dans le gisement », avait expliqué Nicolas Hulot. Une insertion qui a le don d’amuser le groupe d’analyse métropolitain à Grenoble.
Une loi vidée de toute substance ?
« Autant dire que cette loi est vidée de toute substance, car vu les réserves pétrolières pléthoriques de la France, d’ici 2040, dans 23 ans, même le plus acharné des Shadocks ne trouvera plus rien à pomper », avait alors fait remarquer le Gam.
« Sans compter que celui qui a investi des sommes considérables dans l’exploration ne s’arrêtera pas d’exploiter une fois le break-even [seuil de rentabilité, ndlr] atteint – et d’ailleurs sur quelle base ce break-even : la seule exploration ou bien la totalité des investissements réalisés sur le champ durant la période d’exploitation considérée ? »
Les industriels, au premier rang desquels les Canadiens IPC Petroleum et Vermilion, se frottent les mains. Le 2 février, les deux plus gros producteurs d’hydrocarbures en France ont obtenu de nouvelles concessions. Et tant pis pour les belles résolutions, les coups de menton et la petite leçon faite au monde…
Patricia Cerinsek
* L’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) est un établissement public qui participe à la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’énergie et de protection de l’environnement. Son conseil d’administration a été entièrement renouvelé.
** Jean-Charles Colas-Roy n’avait à la mise en ligne de l’article répondu à nos sollicitations.