Les migrants hébergés depuis début décembre au Patio pourront rester sur le campus jusqu’au 31 mars prochain. Ultime concession de l’université ? Fraîchement élus présidents de la Communauté d’universités et d’établissements et de l’Université Grenoble Alpes, Lise Dumasy et Patrick Lévy sont sortis de leur réserve pour fustiger la politique du gouvernement.
Les migrants pourront rester sur le campus universitaire de Grenoble jusqu’au 31 mars. Jeudi 11 janvier, loin des grandes déclamations et des plans médias, le conseil d’administration de l’Université Grenoble Alpes (UGA), a validé la décision des deux présidents, Lise Dumasy désormais à la tête de la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) et Patrick Lévy aux manettes de l’UGA.
La soixantaine de migrants, la plupart demandeurs d’asile, hébergés au Patio depuis le 5 décembre, et qui avaient déjà obtenu un sursis jusqu’aux fêtes de fin d’année, auront donc un toit au-dessus de la tête jusqu’à la fin de la trêve hivernale. Une ultime prolongation, a néanmoins précisé Patrick Lévy.
« Il n’y aura pas sur ce campus une zone à défendre. Ce n’est pas une menace mais quelque chose à travailler d’ici là. On peut être solidaire, humaniste, un peu en désaccord avec la politique du gouvernement et le dire en tant que citoyen, et en même temps ne pas être dupe ! Car cette question ne sera de toute façon pas résolue. Qu’est-ce qui va se passer pour les personnes en situation d’être “dublinées” si on ne change pas l’Accord de Dublin et son application ? Ils ne vont pas rester des années ici, et à attendre quoi ? On savait que cette situation de mise à l’abri était temporaire et qu’elle ne résout aucun des problèmes. C’est au gouvernement de prendre ses responsabilités. »
« Le défi migratoire ne va pas s’arrêter demain »
En attendant, les migrants ne passeront pas l’hiver dehors, comme le soulignait Lise Dumasy. « Cette mise à l’abri résout déjà un problème : les gens ne sont pas dans la rue par – 6 °C et ça c’est un problème fondamental et urgent. »
De quoi pallier l’insuffisance des propositions des pouvoirs publics ? La proposition du préfet de mettre à leur disposition les gymnases fermés la journée avait été rejetée en décembre dernier, les migrants craignant pour leur situation administrative malgré la garantie, orale faut-il préciser, des services de l’État de ne pas procéder à des contrôles d’identité.
L’université, elle, se considère pleinement dans son rôle, même si elle ne se sent guère soutenue par le milieu universitaire français. « Qu’est-ce qu’on fait ? Il nous a semblé impossible de ne pas continuer à héberger les personnes en question, poursuit Patrick Lévy. C’est inhumain et contraire à nos valeurs. Le défi migratoire ne va pas s’arrêter demain. Il va falloir que les universités y réfléchissent un peu. »
Jeudi, dans la foulée de leur élection à la tête des conseils d’administration, les présidents fraîchement élus sont sortis de leur réserves. Pour s’exprimer en tant que citoyens : « Nous sommes assez inquiets Lise [Dumasy, ] et moi de la position actuelle du gouvernement qui ne semble pas tout à fait entendre ce que les associations de solidarité disent. Louis Gallois [le président de la fédération des acteurs de la solidarité, ndlr] n’est quand même pas un révolutionnaire ! »
« On ne peut pas considérer que la question des “Dublinés” est une question marginale. Quand vous prenez les gens qui sont en situation d’être “dublinés” et que vous les renvoyez dans des pays où ils ont été accueillis dans des conditions déplorables, et parfois ont été maltraités, vous prenez comme État, comme Nation, une responsabilité particulière qui ne semble pas tout à fait compatible avec la conception que la France veut donner des Droits de l’Homme ! »
PC