FOCUS – Une soixantaine de personnes sans logement, pour la plupart des demandeurs d’asile soutenus par des associations et des syndicats, sont hébergées dans des locaux inutilisés du campus depuis le 5 décembre dernier. Une solution transitoire proposée par l’Université Grenoble-Alpes (UGA), suite à l’occupation d’un amphithéâtre la veille par un collectif de réfugiés et militants. Alors que la direction de l’UGA a fixé sa date butoir au 22 décembre, les occupants du Patio entendent bien prolonger cette expérience « autogérée » au-delà des vacances de Noël…
Une semaine de répit, de stabilité et de nuits passées au chaud. Pour la quasi-totalité des demandeurs d’asile hébergés depuis le 5 décembre au Patio, c’est une première. En toute cas depuis leur arrivée à Grenoble voire leur entrée sur le territoire français.
Ancien bâtiment de l’Université Pierre Mendès-France voué à la démolition mais encore chauffé, le Patio leur a été affecté par l’Université Grenoble-Alpes, en réponse à l’occupation de l’amphithéâtre G, initiée vingt-quatre heures plus tôt.
Une action coup de poing menée de concert par les migrants et le collectif la Tambrouille, soutenus par plusieurs collectifs et associations d’aide aux réfugiés et mal-logés, afin de mettre la pression sur les pouvoirs publics.
Des positions difficilement conciliables
Au total, près de soixante personnes sont actuellement logées dans les sept bureaux et la salle commune, d’une superficie globale de 120 m² : une cinquantaine de demandeurs d’asile originaires d’Afrique subsaharienne (tous dans l’attente de l’examen de leur dossier) – dont quelques étudiants – et une poignée de militants, auxquels se sont joints deux ou trois sans-abri de nationalité française et une famille de Roumains.
Tous ont établi leurs quartiers dans ces locaux, reprenant peu à peu goût aux tâches ordinaires du quotidien. Même si, derrière la relative quiétude de l’instant présent, se profilent de nouveaux lendemains incertains.
La présidence de l’UGA a en effet insisté dès le départ sur le caractère « transitoire » de cette solution et, surtout, fixé une date butoir au 22 décembre, jour de fermeture de l’université pour les vacances de Noël. Or, à maintenant dix jours de l’échéance, aucun accord n’a été conclu entre les deux parties, dont les positions semblent difficilement conciliables.
Un communiqué diffusé jeudi 7 décembre par l’UGA et cosigné par la Communauté Université Grenoble Alpes (Comue) et la préfecture souligne ainsi le renforcement du dispositif hivernal en Isère, « avec l’ouverture de 227 places supplémentaires » qui viennent s’ajouter aux 1 180 places d’hébergement d’urgence.
« L’objectif de 320 places devrait être atteint avant Noël. À ces places supplémentaires, s’ajoute le dispositif de mise à l’abri pour les personnes restées sans hébergement durant les épisodes climatiques de grand froid ou de neige. Un premier gymnase a été ouvert dès le 1er décembre pour les familles avec enfants, et un second le 6 décembre pour les personnes isolées. L’ensemble du dispositif est géré par le 115 et est distinct des 1 926 places dédiées, dans le département, aux demandeurs d’asile. »
Revenant au cas présent, le communiqué affirme que « l’urgence est désormais de permettre aux personnes logées actuellement dans les locaux de l’UGA de bénéficier du dispositif hivernal dans les meilleurs délais ».
UGA et préfecture en appellent à la « responsabilité des associations »
Le communiqué se fait ensuite plus incisif, UGA, Comue et préfecture en appelant d’une seule voix à la « responsabilité des associations », avant de conclure par un avertissement à peine voilé à l’adresse des occupants du Patio : « Tout maintien dans les locaux de l’université alors que le dispositif de mise à l’abri d’urgence n’est pas saturé ne trouve aucune justification par des motifs humanitaires. »
Concrètement, précise Leo, du collectif la Tambrouille, « la préfecture propose d’ouvrir un gymnase et de reloger les demandeurs d’asile dans un centre d’accueil géré par le 115, dans le cadre du plan grand froid. On a refusé parce que ce n’est qu’une solution à court terme. On est bien mieux au Patio ! »
Une position détaillée dans un communiqué que vient de diffuser le large collectif d’organisations soutenant les résidents du Patio (la Tambrouille, la Patate chaude, Front social, Dal 38, RUSF, Cisem, Ada, Cimade, Médecins du Monde, Amnesty international, France insoumise, Solidaires étudiants, CNT, Unef, NPA Jeunes…). La proposition de la préfecture, qui a été débattue lors de l’assemblée générale du vendredi 8 décembre, y est « jugée insuffisante » par les occupants, « demandeurs d’asile ou non ».
« L’occupation autogérée du Patio demande un investissement très minime »
En effet, expliquent-ils, « les gymnases ferment la journée, et le contrôle systématique des identités entraîne un climat de suspicion qui n’est pas souhaitable pour un public fragilisé qui a besoin d’un espace de vie stable ». À côté de revendications plus globales, ils réclament de « pouvoir rester au Patio après le 23 décembre, bâtiment vide et chauffé, dont l’occupation autogérée demande un investissement très minime de la part de la préfecture et de l’université, si une solution acceptable pour les résidents actuels n’est pas proposée ».
Pour les signataires, un départ du campus viendrait casser la dynamique insufflée par les occupations successives de l’amphi G et du Patio : « Après une semaine passée ensemble, nous observons que notre démarche collective produit une grande richesse d’échanges qui ne peut pas exister dans le cadre d’un hébergement d’urgence de type plan grand froid. »
Le collectif estime toutefois que « les propositions pour l’après-22 décembre restent ouvertes ». « On veut qu’ils nous laissent au Patio plus longtemps, résume Leo, et continuer en autogestion en gardant un dialogue avec l’Université [l’UGA a notamment proposé d’intégrer les demandeurs d’asile qui souhaiteraient reprendre leurs études]… Ou alors qu’ils nous trouvent un autre endroit qu’on puisse gérer nous-mêmes. »
Manuel Pavard
CONCERT DE SOUTIEN AUX ÉTUDIANTS RÉFUGIÉS SAMEDI 16 DÉCEMBRE A EVE
Parmi les 50 à 60 demandeurs d’asile occupant depuis une semaine le bâtiment Le Patio, sur le campus, plusieurs sont déjà étudiants ou désirent s’inscrire dans un cursus de l’enseignement supérieur.
Pour leur venir en aide, Eve accueille ce samedi un concert solidaire de soutien aux étudiants réfugiés, baptisé « Nos solidarités n’ont pas de frontières ». L’entrée est à prix libre et l’ensemble des recettes seront réparties entre l’association Droit au logement 38 et un réseau de solidarité étudiante en construction.
Au programme :
18 heures – 19 heures : scène ouverte
19 h 45 – 20 h 30 : Chapeaux Bredouilles
21 heures – 21 h 15 : Les Moissonneurs de Lilas (lecture)
21 h 15 – 22 heures : Kaddour Hadidi et Saïd Zarouri de HK et les Saltimbanks
22 h 30 – 23 h 30 : Quagmire
Eve, 701 avenue centrale, à Saint-Martin-d’HèresAccès : tram B & C, arrêt Gabriel Fauré
http://eve-grenoble.fr