ENTRETIEN – Les jeudi 28, vendredi 29 et samedi 30 septembre, Grenoble accueille Mouv’2017, un « rendez-vous fédérateur pour repenser les mobilités de demain ». Coorganisé par la Ville de Grenoble, le Syndicat mixte des transports en commun (SMTC), le CEA Grenoble et l’ONG Culture et développement, Mouv’2017 regroupe trois événements : les 3es Assises nationales des plans de mobilité, la 1re édition du forum Creative Mobilities et une Fête de la mobilité composée d’animations autour, notamment, des 30 ans du tramway à Grenoble. Entretien avec Yann Mongaburu, président du SMTC, sur ces trois journées consacrées à la mobilité de demain.
PLACE GRE’NET – Mouv’2017 s’ouvre sur les Assises nationales des plans de mobilité, qui se déroulent à Minatec. Quel rôle le SMTC y occupe-t-il ?
YANN MONGABURU – Ces 3es Assises nationales des plans de mobilités sont organisées par la Fédération des acteurs pour la mobilité durable [FAPM, ndlr], dont le SMTC est l’un des fondateurs.
Vous savez que nous sommes l’un des territoires qui a expérimenté, avant même la mise en œuvre de la loi, ces plans de mobilités qui deviennent obligatoires au 1er janvier 2018.
Et donc, à l’occasion de ces Assises, nous partagerons avec les autres collectivités, entreprises ou bureaux d’étude de l’ensemble de la France qui travaillent sur le sujet, le guide que nous avons élaboré sur les bonnes pratiques en matière de mobilité.
Le vendredi 29, se tient le 1er forum Creative Mobilities, toujours à Minatec. Quels sont les objectifs de ce forum et, au passage, pourquoi lui avoir donné un nom anglophone ?
Parce que c’est un forum international ! C’est effectivement une nouveauté : un forum international que nous organisons, avec l’association bien connue Culture et développement. Dans la transition énergétique qui est devant nous en matière de déplacements, il y a évidemment une part de report modal vers les transports en commun, la marche ou le vélo ; il y a évidemment un enjeu technologique majeur face à la révolution du numérique, ou grâce à l’apparition des voitures motorisées électriques ; mais il y a aussi un défi sociétal et culturel important, si l’on veut être à la hauteur de la transition que nous avons à réaliser dans les années à venir.
Avec Culture et développement, nous avons donc souhaité pouvoir faire profiter de ce qui fait la richesse du modèle grenoblois : l’échange, le dialogue, la porosité entre les collectivités, les industriels, la recherche… Mais aussi bénéficier des meilleures expériences qui viennent d’ailleurs, avec des villes des cinq continents qui nous font l’amitié de venir. L’ambition, c’est de permettre le dialogue avec ces villes, les industriels, les chercheurs, les artistes qui participent à ces journées.
De quoi va-t-il être plus précisément question au cours de ce forum ?
J’aurais bien du mal à vous le dire… Les acteurs qui vont intervenir sont libres de leur propos. Un comité scientifique s’est mis en place depuis huit mois, avec des chercheurs, des spécialistes de la mobilité, des artistes, pour travailler au programme du forum, et il a eu toute liberté dans la définition qui lui semblait essentielle.
La volonté du SMTC, c’est de prendre la mesure du défi culturel que représente la transition énergétique. Quand on parle de réduire de 40 % les gaz à émission d’effet de serre d’ici 2030 dans le secteur des déplacements, ce n’est pas simplement une innovation technologique ou un report modal traditionnel qui nous permettra un changement de regard. C’est une façon de reconsidérer les mobilités, pas simplement comme une fonctionnalité, pas seulement en termes d’infrastructures, mais en remettant l’humain et au cœur et en se questionnant sur nos façons d’habiter, de vivre, de s’interpeller… Le défi culturel est majeur, car qui y a‑t-il de plus commun que les espaces publics dans lesquels nous circulons ?
Les intitulés du forum insistent en effet beaucoup sur la dimension culturelle, et surtout artistique. L’art a‑t-il vraiment sa place dans le débat sur les mobilités ?
Il y a évidemment une approche artistique, culturelle, dans la façon dont sont conçues les structures de mobilité d’un territoire. Vous imaginez bien que, quand sont repris des pôles d’échange comme celui de la gare de Grenoble, nous préservons les œuvres artistiques et nous essayons d’en rajouter, parce que c’est aussi une façon, non seulement de remettre de l’humain et pas seulement de la fonctionnalité dans l’espace public, mais aussi de démocratiser la culture. Qu’elle ne soit pas seulement dans les musées.
C’est toute l’œuvre de notre territoire autour du street art, que cela soit dans sa forme de festival ou dans l’histoire qu’il a dans l’agglomération grenobloise, que d’avoir justement dans l’espace public des lieux d’expression et de questionnement. Encore une fois, cet espace public que nous utilisons pour circuler, que cela soit en transports en commun, en voiture, en vélo ou à pied, ce sont d’abord des espaces où nous vivons et nous rencontrons. Ce sont les terrasses de nos cafés, les endroits où nous allons en chaland visiter les commerces, les espaces où nos enfants jouent, où nos anciens peuvent se rencontrer en utilisant les bancs. Bien sûr qu’il y a une approche culturelle de l’espace public, à moins de vouloir le considérer seulement comme un espace de circulation, ce qui n’est plus à mon avis l’enjeu porté par les élus locaux, dans notre territoire comme ailleurs.
Inscrire l’art de manière prononcée dans l’espace public, n’est-ce pas prendre le risque d’établir un art “officiel”, celui que chacun serait en obligation d’aimer pour coexister avec l’autre ?
Depuis 1945, heureusement, il a été conçu le droit inaliénable de la liberté artistique, qui fait que le pouvoir politique n’a pas à s’immiscer dans la conception des œuvres ou dans leur représentation. Je crois que notre Histoire nous a invités à nous prémunir de cela. Ça n’empêche pas qu’une œuvre fait réagir, mais quand une œuvre fait réagir, c’est qu’elle est en train de créer du commun. Elle nous fait échanger entre nous ce que nous y voyons, ce qu’elle crée comme vécu ou comme émotions. Les artistes sont libres du pouvoir politique, et permettez-moi de croire qu’il faut qu’ils le restent scrupuleusement !
Et puis il y a une question de nouvel imaginaire à créer. Pour réussir un transition de cet ordre-là – la réduction de 40 % des gaz à effet de serre –, il faut arriver à constituer un imaginaire autour de la façon dont nous voulons vivre à l’échéance de 2030 ou de 2050. Nous ne sommes plus dans la société des 30 Glorieuses et du pétrole peu cher. Regardons le parcours que nous avons fait ces quarante dernières années, la première piétonnisation, la première réintroduction du tramway… Nous nous rendrons compte qu’il est possible aujourd’hui d’imaginer dans trente ans un imaginaire encore différent, un territoire encore différent, bien plus doux et avec beaucoup plus de plaisir dans la qualité de ville, et dans la qualité de vie.
La troisième journée est l’occasion d’animations, et notamment autour des 30 ans du tramway avec un Disco tram célébrant le « Saturday Tram Fever ». De quoi s’agit-il ?
C’est une volonté de faire du hors-les-murs, beaucoup plus que dans les éditions précédentes. Évidemment, les trois journées sont ouvertes au grand public, avec notamment des chemins citoyens en direction des plus jeunes. Mais le samedi, on trouvera des animations, des débats dans l’espace public, avec des associations, des artistes et des street artistes, des danseurs, des chorégraphes qui participeront à ces animations autour des 40 ans de la piétonnisation voulue par Hubert Dubedout, ou les 30 ans de la réintroduction du tramway à Grenoble.
Le Disco Tram, c’est une rame un peu festive pour revenir vers des musiques d’il y a trente ans, retrouver des sons de l’époque et danser quelques heures. Avec une petite dédicace un peu spéciale autour de cette rame, qui fera une boucle inédite dans l’agglomération grenobloise. L’occasion d’imaginer de nouvelles lignes, comment notre réseau pourrait être différent d’ici quelques années, avec les infrastructures d’aujourd’hui.
Le tramway, réintroduit il y a trente ans, fait-il aujourd’hui partie de l’identité grenobloise, au même titre que les Bulles de la Bastille, selon vous ?
Oui, je suis convaincu que le tramway est un élément de l’identité grenobloise, au sens métropolitaine. Au moins 10 % des déplacements ont lieu sur le réseau du tramway.
Au-delà de la fonctionnalité, du service qu’il peut rendre aux métropolitains, je pense qu’effectivement il est devenu un des éléments communs de notre histoire, de la diversité des habitants et des usagers du territoire.
Un élément dépositaire de notre identité parmi d’autres, car on peut aussi parler du téléphérique et des Bulles, de la montagne, ou du petit vélo jaune qui illustre beaucoup les photos de Grenoble !
Propos recueillis par Florent Mathieu