FOCUS – L’association Roms Action va-t-elle mettre la clé sous la porte ? C’est en tout cas ce qu’elle annonce dans un communiqué en forme de « cri d’alarme ». D’ici la fin de l’année, la structure qui accompagne les Roms de l’agglomération grenobloise depuis 2003 pourrait ainsi disparaître. En cause ? Le désengagement financier des collectivités.
« Les Roms se trouvent une nouvelle fois abandonnés », déplore Roms Action. Dans un communiqué diffusé le 18 septembre, l’association annonce sa fermeture imminente pour cause de désengagement financier des collectivités. Avec un trou de plusieurs dizaines de milliers d’euros dans son budget, Roms Action sera contrainte de cesser son activité d’ici la fin de l’année.
62 000 euros de subventions en moins
En 2016, le Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes avait déjà totalement coupé le financement de l’association, et le Département procédé à des baisses importantes. « La Métro s’est aussi désengagée, tout comme la Ville de Grenoble, les communes de Fontaine et de Saint-Martin-d’Hères… Et, au total, on en est à 62 000 euros de subventions en moins », détaille Philippe Dubois, coprésident de Roms Action.
Plus précisément, 25 000 euros en moins de la part du Département (après une baisse du même montant en 2016), 15 000 euros de la Métro, 18 000 de fondations diverses et 4 000 de communes. Le tout avec des charges de fonctionnement restées identiques, sur un budget total de 180 000 euros en 2017.
La fermeture est-elle inévitable ? « Si on a fait ce communiqué, c’est pour lancer un cri d’alarme », nous confie encore Philippe Dubois. Un cri poussé sans grandes illusions : « Le Département nous a dit qu’il ne changerait pas d’avis. Je m’attends au même discours de la Métro, et on sait que la Ville de Grenoble est en difficulté… Je pense qu’il n’y a guère d’espoir. »
Le coprésident de Roms Action envisage toutefois une dernière piste. « Notre seul espoir serait de transférer trois postes que nous avons à un autre organisme. On continuerait, mais l’association disparaîtrait au profit d’une association de bénévoles, et on ne s’appellerait plus Roms Action. »
Le collectif La Patate chaude « scandalisé et retourné »
Fondée en 2003, Roms Action œuvre auprès des Roms sur les questions de parentalité, de scolarité des enfants, d’apprentissage du français, de santé, d’insertion économique ou encore d’accès au logement. Une ancienneté et une expérience qui en font un acteur incontournable dans l’accompagnement des populations roms du territoire.
« Cette association a accompagné, avec professionnalisme générosité et efficacité, depuis quatorze ans, la population rom de l’agglomération grenobloise, rappelle le collectif d’associations AUI-Alerte, rendant hommage à Roms Action dans un communiqué en date du 21 septembre. Alors que cette population a toujours été discriminée, l’action de cette association a permis l’intégration de plusieurs familles roms et la scolarisation de leurs enfants. Les résultats sont visibles et réels », écrit-il.
Même son de cloche du côté de La Patate chaude. L’entente n’a pas toujours été au beau fixe entre les militants pour les droits des Roms et Roms Action. Mais au moment où l’association est sur le point de disparaître, Yvon Sellier, membre du collectif, n’a pas envie d’évoquer les divergences. « Nous sommes tous scandalisés et retournés. On ne sait pas encore comment manifester notre soutien, mais on le fera ! », nous confie-t-il.
« C’est une association qui a réussi à mener une action auprès de personnes presque abandonnées de tous, à savoir les Roms dans la rue. Ils ont trouvé des solutions, mais pas toujours bien sûr parce qu’ils ont des moyens très faibles. Scolariser les enfants est aussi une belle réussite de leur part. Ils n’était pas seuls sur ce coup-là, mais leur rôle a été important », salue Yvon Sellier.
Le militant pense aussi aux salariés de l’association. Roms Action en compte cinq, dont une directrice qui quittera ses fonctions le 1er octobre. Adèle Dumontier avait en effet annoncé sa démission le 14 septembre et indiqué qu’il ne serait pas possible de la remplacer. Philippe Dubois assure que les deux actualités ne sont toutefois pas liées, et espère trouver une « formule » pour assurer le fonctionnement de l’association jusqu’à la fin de l’année.
Le Département assume, la Métro dément
Quelle réaction des collectivités au « cri d’alarme » poussé par Roms Action ? Le Département confirme l’arrêt des subventions et précise que l’association en avait été prévenue dès 2015, mais s’abstient de tout commentaire. Également mise en cause dans le communiqué de l’association, Grenoble-Alpes Métropole a, pour sa part, diffusé un communiqué.
Si la Métro, « partenaire de longue date de Roms Action » ainsi qu’elle l’écrit, reconnaît un « ajustement […] sur le fondement de l’arrêt d’une action portée par l’association » en 2016, elle conteste en revanche tout désengagement et affirme que « le niveau du soutien de la Métropole est demeuré inchangé et a été à nouveau reconduit en 2017 ».
« Ainsi, cette année encore, Roms Action bénéficie d’un soutien de la Métropole à hauteur de 23 000 euros au titre d’actions essentielles en faveur de l’insertion et de l’amélioration des conditions de vie des familles roms », stipule encore la Métropole. Non sans oublier de se dire « évidemment sensible aux difficultés rencontrées par l’association ».
Philippe Dubois préfère ne pas réagir à cette assertion. « Nous ne souhaitons pas entrer en conflit avec les institutions qui ont leur logique financière propre et que nous respectons », nous écrit-il. Le coprésident de Roms Action précise avoir participé à une réunion avec la Ville de Grenoble et la Métro au soir du 19 septembre. Verdict ? « Il apparaît que rien ne va fondamentalement changer, on le déplore ! »