FOCUS – Pas d’armistice à Pont-de-Claix autour de la place du 8 mai 1945. Sa semi-piétonnisation fait redouter des bouchons matinaux et vespéraux aux commerçants. Une manifestation a lieu ce jeudi 6 avril au matin. De son côté, la municipalité veut faire la démonstration de sa bonne foi et de son esprit de concertation, avec une pointe d’agacement face à des accusations qu’elle juge infondées.
« Mourir non, travailler oui ! » Dans leur lettre adressée au maire du Pont-de-Claix (et président de la Métro) Christophe Ferrari, l’Union des commerces et le collectif Pont-de-Claix à cœur ne mâchent pas leurs mots. Motif de leur colère ? La semi-piétonnisation du centre-ville pontois autour d’un aménagement de la place du 8 mai 1945.
Un projet qui court dans l’esprit de la municipalité depuis 2010. « La piétonnisation est apparue comme quelque chose qui pourrait redynamiser le centre-ville », explique Sam Toscano, premier adjoint délégué à l’urbanisme. Tandis qu’une zone d’activité commerciale (Zac) va voir le jour au nord de la commune, la municipalité explique ne pas vouloir « une ville à deux vitesses, avec un projet neuf au nord et un centre-ville vieillissant ».
Le projet repose notamment sur la suppression de deux voies de circulation automobile, au nombre de quatre aujourd’hui sur la place du 8 mai 1945. L’objectif étant aussi de dissuader le transit. « Il y a beaucoup de personnes qui passent et ne s’arrêtent pas. 76 % des gens sont en transit, contre 24 % qui viennent parce qu’ils ont quelque chose à faire. » Moins de voies inciterait les automobilistes à se reporter vers la rocade et à éviter le centre-ville du Pont-de-Claix.
Des bouchons matin et soir ?
Ce scénario, certains commerçants n’y croient pas. « Ce que nous prévoyons, c’est que cela va engendrer des bouchons le matin et le soir », affirme Julien Brancadoro, président de l’Union des commerces. Une inquiétude qu’il considère ne pas avoir été prise en compte par le maire. « Nous l’avons rencontré le 27 février, et c’est comme si nous parlions à un mur. »
Pour mieux faire la démonstration de leur colère, les commerçants et le collectif Pont-de-Claix à cœur organisent une manifestation le jeudi 6 avril au matin sur la place. Une opération escargot accompagnée de tractage. « Nous serons au moins une vingtaine, précise Julien Brancadoro, mais on espère être beaucoup plus ! » Les manifestants prendront aussi la parole au cours du conseil municipal se déroulant le soir même.
« Rien ne dit qu’il y aura des bouchons ! », répond Sam Toscano, s’appuyant sur des études menées par le cabinet Egis et le bureau d’études Transitec. Difficile de ne pas sentir une certaine lassitude dans le ton de la voix de l’élu. « Si les commerçants n’avaient pas eu d’explications, je pourrais comprendre, mais nous avons des discussions avec eux depuis 2010… »
« Des commerçants bien lotis en échanges et concertation » juge la municipalité
L’Union des commerces du Pont-de-Claix n’est visiblement pas convaincue par ces discussions. Sa proposition alternative, consistant à conserver une troisième voie de circulation sur la place, est restée lettre morte. « Ils nous ont imposé le projet », juge Julien Brancadoro. Qui souligne l’absence de Christophe Ferrari lors d’une réunion sur le projet, le 7 mars dernier.
Jérôme Brocard, adjoint délégué à la « relation avec le tissu économique », dresse en réponse une liste complète des actions de concertation depuis 2010 : présentations, réunions, questionnaires, parution d’une lettre d’information trimestrielle… L’élu déplore même un manque d’assiduité de la part des commerçants : parfois à peine une dizaine au cours de certaines réunions.
« Les commerçants ont été bien lotis par rapport à la mise en place de temps d’échanges, de concertation ou de modifications apportées », ajoute Jérôme Brocard. Parmi ces modifications, des places de parkings prévues sur la place du 8 mai 1945. En plus de l’extension du parking rue Bizet, à l’arrière des commerces.
La mise en place d’une commission d’indemnisation
L’adjoint met également en avant la constitution d’une commission d’indemnisation, chargée d’étudier les demandes d’indemnités des commerçants dont l’activité pourrait être pénalisée par les travaux. Une nouvelle réunion pour expliquer le fonctionnement de cette commission sera organisée prochainement.
Mais côté commerçant, c’est le scepticisme qui prédomine. « Entre ce qui est prévu et ce qui va se faire, c’est deux mondes différents », ironise le président de l’Union des commerces. Lui estime que les indemnités n’ont pas été intégrées dans le budget. Quant aux places de parking, Julien Brancadoro les juge en nombre insuffisant et se demande simplement « si ça va se faire ». Des travaux ont pourtant bien commencé, rue Bizet, notamment sur une cour d’école désaffectée.
Face à cette méfiance, Jérôme Brocard s’agace. « Il y a des arguments que je ne peux plus entendre. J’étais aux réunions, je les ai organisées. Il y a un moment où il faut faire preuve de bon sens. Quand les choses sont dites, elles sont dites. Ceux qui font du bruit avec cela sont des gens complètement réfractaires. Si quelqu’un ne veut pas de travaux devant son commerce, vous pouvez bien organiser tous les temps de concertation que vous voulez… »
Plus de 3 millions d’euros de travaux pour le Pont-de-Claix
Les travaux sur la place du 8 mai 1945 devraient commencer en août 2017, et s’étaler sur plusieurs phases. « La place ne sera pas fermée pour avoir le moins d’impact possible [sur les commerces] », souligne Sam Toscano. Si la totalité des travaux devrait courir jusqu’en 2019, c’est à la mi-2018 que ceux-ci devraient prendre fin sur la place du 8 mai 1945, avant de continuer sur la place Salvador Allende. « Onze mois sur trois phases qui ne vont pas impacter tout le monde ! », insiste-t-on à la mairie.
Le coût des travaux ? Pas moins de 4,2 millions euros, dont une grande partie réglée par la ville du Pont-de-Claix (3,18 millions d’euros) et le reste par la Métro (880 000 euros) et le SMTC (140 000 euros). Le projet, antérieur à la constitution de la Métro, s’est en effet intégré dans le cadre de Cœurs de ville, cœurs de métropole. Mais Pont-de-Claix en demeure le principal financeur.
Pour Jérôme Brocard, cette semi-piétonnisation constituait un engagement de campagne, et l’élu rappelle que Christophe Ferrari a été réélu en 2014 au premier tour. Pour les commerçants, elle représente surtout une dépense folle dans un « projet grandiose ». « On se demande où ils vont choper cet argent dans une ville de 11 000 habitants ! », s’interroge Julien Brancadoro.