REPORTAGE – « Le plan de sauvegarde des services publics locaux » de la Ville de Grenoble continue de faire des remous, jusqu’à Paris. Ce vendredi 24 mars, l’intersyndicale CGT, FO, Sud ne s’est pas contentée d’un appel à la grève dans les services publics grenoblois. Une délégation a tenu une conférence de presse au Salon du livre, porte de Versailles, afin de dénoncer la fermeture de bibliothèques à Grenoble, tandis qu’une autre rencontrait la directrice adjointe du cabinet de la ministre de la Fonction publique.
Une soixantaine d’agents grévistes et de syndicalistes sont venus, ce vendredi 24 mars au matin, au pied de l’Hôtel de Ville de Grenoble pour manifester – une nouvelle fois – leur opposition farouche au plan d’économies de la Ville.
Eux se sont déplacés, d’autres font la grève dans leur service, une heure ou davantage… « C’est nouveau, constatent satisfaits les porte-parole de l’intersyndicale CGT, FO, Sud qui a appelé à la grève, tous les services de la Ville et du CCAS sont représentés, ici, au point de rassemblement. »
Depuis que le plan de sauvegarde des services publics locaux a été lancé, il y a dix mois, les bibliothécaires sont particulièrement mobilisés en raison de la fermeture de deux équipements, et de la conversion d’une troisième en “tiers lieu”. Les voilà rejoints par des agents de la restauration, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), des animateurs, agents d’entretien, puériculteurs, aides soignants, agents des sports, responsables de services, mais aussi assistants d’élus… Une diversité des profils qui en dit long, de l’avis des syndicats, sur l’étendue des dégâts causés par le plan d’austérité qui n’en est qu’à ses débuts, puisque prévu jusqu’en 2018.
« Nous ne voulons pas de services publics low cost pour les usagers »
Les leaders syndicalistes prennent la parole pour rappeler le but du rassemblement et de cette énième grève. « La Ville déclare assumer la dégradation du service public. Oui, c’est ce qu’ils nous disent ! […], pourfend Dolorès Rodriguez, secrétaire générale du syndicat CGT. Ce n’est pas notre vision du service public.
Nous ne voulons pas de services publics low cost pour les usagers […] Les directions souffrent, les agents souffrent. Il faut stopper l’hémorragie ! », harangue la secrétaire CGTiste. Et donc, que faire ? L’intersyndicale demande « un moratoire » et que la Ville « fasse le bilan des premières répercussions négatives de ce plan ».
« On ne parle plus que de chiffre d’affaires et pas des gens qu’on soigne ! »
Quelques syndicalistes et agents prennent à leur tour la parole. Avec un même constat qui revient : équipes moins étoffées, surcharge de travail, stress, burn-out qui guette, pression qui s’accroît, mauvaise ambiance, agents démotivés, arrêts de travail et, au final, « perte de sens de [leurs] missions ». « On ne parle plus que de chiffre d’affaires et pas des gens qu’on soigne ! », déplore une jeune aide-soignante devant ses collègues.
Une autre agente déclare sobrement au micro : « J’ai perdu mon emploi à la MDH et j’en cherche un autre. » Un appel à la direction des ressources humaines ?
Au tour d’Isabelle de dresser un tableau très sombre de son service : « Des agents me disent qu’ils veulent se foutre en l’air contre un mur en bagnole. » Un témoignage qui refroidit l’assistance… Puis le ton vindicatif reprend de plus belle. « Marre qu’on nous méprise, lance à plusieurs reprises la responsable CGTiste. Comme cet adjoint qui nous disait encore lors d’une récente réunion : “Vous avez de la chance, vous n’êtes pas dans le privé !” »
« Maud Tavel a été sensible, cette fois, à nos propos »
Après cette série de prises de paroles, l’intersyndicale annonce qu’elle devrait rencontrer des élus ce samedi, sans se faire d’illusions toutefois sur ce qu’il en sortira. « Ils nous écoutent beaucoup, mais il faudrait qu’ils s’appareillent ! Parce qu’ils ne nous entendent pas », persifle Dolorès Rodriguez qui, dans la seconde suivante, se prépare de nouveau à en découdre : « On va se battre service par service, et on va gratter les postes les uns après les autres ! »
De fait, l’adjointe en charge de l’administration générale et du personnel Maud Tavel et le directeur général des services François Langlois ne tardent pas à les recevoir, longuement. Une bonne heure d’entretien se déroule, à huis clos, dans l’une des salles de la mairie, en présence d’une vingtaine d’agents.
Résultats des courses ? « Maud Tavel a été sensible cette fois à nos propos, et s’est engagée à parler au maire de Grenoble », annonce l’intersyndicale quelque peu méfiante. « Maud Tavel, c’est celle qui comprend le mieux ce qu’on vit. Elle est issue de la fonction publique », souligne une agente.
« 4,9 % de grévistes dont deux sur trois ont fait grève une seule heure »
Néanmoins que compte faire précisément l’adjointe au personnel ? S’agit-il de revenir sur le plan de sauvegarde ? Si oui, comment ? Un peu, beaucoup ? Contactée dans l’après-midi, elle décline notre demande d’interview.
Mais à 16 h 09 une réponse lapidaire du service communication nous parvient par texto : « Il n’y a pas de réaction de la Ville prévue. » Tout en précisant, à l’attention de Place Gre’net, que « 4,9 % de grévistes dont deux sur trois ont fait grève une seule heure. »
Pas de quoi démonter Cherif Boutafa, délégué FO, pour qui la grève du jour est plutôt une réussite : « On est passé à un stade supérieur. Certains manifestent pour la première fois, et ont pris la parole. L’information est bien passée. Il y a eu une bonne mobilisation dans les services et ce n’est pas fini… »
Séverine Cattiaux
DES BIBLIOTHÉCAIRES « EN LUTTE » AU SALON DU LIVRE À PARIS
Ce vendredi 24 mars, des grévistes opposés au plan d’économies de la Ville de Grenoble étaient aussi à Paris pour dénoncer, au niveau national, « la politique d’austérité décidée par Eric Piolle », maire de Grenoble (EELV), et la « mise à mal de la culture », avec la fermeture de deux bibliothèques et la conversion d’une troisième en “tiers lieu”.
Une petite trentaine d’agents, syndicalistes FO, CGT, Sud, des bibliothécaires de Grenoble en lutte et des membres du collectif « Touchez pas à nos bibliothèques » ont planté un barnum devant le salon du livre, distribué des tracts, et discuté avec les visiteurs.
Un collectif va se mettre en place
A 11 heures, le groupe se sépare en deux délégations. Une premier groupe se charge d’assurer une conférence de presse au salon du livre. « Nous avons eu assez peu de médias présents. Mais c’était difficile de concurrencer la venue de Jean-Luc Mélenchon, [candidat au présidentielle, chef de file de La France insoumise ndlr] au salon du livre au même moment », lance un bibliothécaire grenoblois, au sortir de la conférence de presse.
Il est toutefois satisfait : « Nous avons pu rencontrer des collègues d’autres bibliothèques confrontés à des coupes budgétaires, des fermetures également, partout en France. Un collectif va se mettre en place. »
Également présente, l’Association des bibliothécaires de France (ABF) qui a apporté son soutien aux bibliothécaires venus des différentes villes. « Un soutien un peu tardif », tance l’agent. Et de souligner la présence d’Eric Piolle, invité à son 63e congrès. Le maire devrait intervenir lors la table ronde « Fermer une bibliothèque : est-ce source d’inégalités ? »
Une heure d’entrevue au ministère de la Fonction publique
Pendant la conférence de presse, un autre groupe avait rendez-vous avec Myriam Bernard, directrice adjointe du cabinet de la ministre de la Fonction publique, Annick Girardin. Françoise, syndicaliste CGT, résume l’entretien : « Elle voulait aller droit au but, et avoir des cas concrets. Elle nous a parlé sans langue de bois, et nous aussi. » En plus d’une heure d’entrevue, de nombreux thèmes ont été abordés : dotations de l’État en baisse, plan de sauvegarde de la Ville de Grenoble, risques psycho-sociaux, extension des horaires des agents le dimanche, déroulement de carrière et précarité des agents de la filière culture. Pour les détails, les syndicats communiqueront prochainement sur cette rencontre.