FOCUS – 2017 marque les 500 ans du mouvement de la Réforme, lancée par le théologien allemand Martin Luther en 1517. Une rupture avec l’Église catholique qui allait donner naissance à différentes Églises de par le monde. Mais c’est bien sous le signe du dialogue dans la diversité que les organisateurs du jubilé veulent placer la commémoration de ces cinq siècles.
« Mettre ce jubilé sous l’angle de la diversité », telle est la profession de foi de Joël Geiser. Le pasteur de l’Église protestante unie de Grenoble fait partie du comité grenoblois chargé de célébrer les 500 ans de la Réforme.
Un moment de commémoration et de mémoire qui se veut ouvert au dialogue avec toutes les sensibilités spirituelles.
Car il n’y a pas qu’un protestantisme. En se rebellant en 1517 contre le “trafic d’indulgences” pratiqué par le clergé1, Luther allait lancer un mouvement de réforme favorisant l’apparition de plusieurs Églises. Luthériens, baptistes, pentecôtistes… La « diversité interne au protestantisme » prêché par Joël Geiser n’est pas un vain mot.
La diversité du protestantisme à Grenoble
Une diversité que l’on retrouve au sein de la région grenobloise. Outre l’Église protestante unie, l’agglomération de Grenoble compte aussi une Église évangélique baptiste d’Échirolles, une Église adventiste du 7e jour de Grenoble, ou encore une Église protestante malgache. À elles seules, ces quatre Églises représentent 1 300 familles.
Mais il ne s’agit ici que des Églises ayant rejoint la Fédération protestante de France (FPF). Restent encore, par exemple, l’Église anglicane de Grenoble, l’Église luthérienne malgache, et bien d’autres encore. Toutes, à des degrés divers, participeront à ce jubilé.
Une commémoration associant les catholiques
Au-delà de la diversité interne au protestantisme, se pose la question de la relation avec le catholicisme. Aujourd’hui, le dialogue se veut une réalité. « Nous sommes dans une démarche mûre et mature, nous tournons la page sans oublier », explique Joël Geiser. Car les Protestants ont payé cher, par le passé, leur volonté d’adhérer à une Église réformée2.
Signe fort : cette “année Luther” 2017 commencera par une commémoration protestante-catholique de la Réforme, samedi 25 mars à 11 heures… à la Cathédrale Notre-Dame de Grenoble. La volonté d’associer les catholiques aux 500 ans de la Réforme en dit long sur le chemin parcouru. Et le site du Diocèse de Grenobe-Vienne relaie de son côté volontiers les événements qui marqueront cette année de jubilé.
« Il y a au sud de Grenoble un centre œcuménique qui témoigne de notre volonté d’être ensemble », insiste le Pasteur de l’Église protestante unie.
« Cette commémoration, ajoute-t-il, nous voulons la faire aussi avec les catholiques, en regardant lucidement ce qui s’est passé il y a 500 ans, sans faire de l’œcuménisme de façade. »
Une religion ouverte aux autres et « à l’aise avec la laïcité »
Les autres religions seront également impliquées dans cette commémoration de la Réforme, à travers notamment une rencontre interreligieuse organisée le dimanche 26 mars au Temple protestant de Grenoble, place Perinetti, à 17 heures. « Quels rapports les religions monothéistes entretiennent-elles avec leurs Écritures ? » Tel sera le thème de cette rencontre qui marquera la fin du week-end de lancement.
Quid de la société civile et de la laïcité républicaine ? À compter de novembre, la mairie de Grenoble accueillera une exposition consacrée aux Protestants de Grenoble à travers l’Histoire. L’occasion d’un vernissage et d’une réception officielle, le 31 octobre à 17 heures, dans le Hall de l’Hôtel de Ville.
« C’est avec la Révolution française et la Séparation de l’Église et de l’État que les Églises protestantes ont pu avoir leur place dans la société française, estime Joël Geiser. Le protestantisme est à l’aise avec la laïcité, pour distinguer les sphères et habiter l’espace public. Mais si la religion n’a plus la même forme que par le passé, nous sommes en présence de quelque chose qui est au cœur de l’humain, que même les politiques ne doivent pas ôter de leurs préoccupations. »
De nombreux événements cultuels et culturels
Si des événements cultuels marqueront naturellement ces 500 ans de la Réforme, le programme tout au long de l’année se veut également culturel et varié. Théâtre ou cinéma, déambulation historique dans les rues de Grenoble, “rallye” « sur les pas des Huguenots » dans le Trièves et le Haut-Diois…
Ou encore l’un des points d’orgue (si l’on ose dire) du jubilé grenoblois : l’exposition, « La Bible, patrimoine de l’humanité », qui se tiendra du 15 au 29 novembre à l’Espace diocésain de la basilique du Sacré-cœur de Grenoble. Parrainée par l’Unesco, cette exposition itinérante s’adresse à tous les publics, de tous âges et de toutes confessions ou… non-confessions.
Florent Mathieu
1 Le 31 octobre 1517, le moine théologien allemand Martin Luther affiche sur la porte de l’église de Wittenberg (Saxe) ses “95 thèses”, qui sont autant de critiques des scandales de l’Église. Et notamment celui des “indulgences”, des dons versés au clergé en échange d’un aller-simple pour le Paradis après sa mort. Les thèses et la théologie de Martin Luther auront un fort retentissement en Allemagne et mèneront à la constitution d’Églises dissidentes, dites réformées, sources du protestantisme.
2 Le massacre de la Saint-Barthélémy en 1572 reste l’un des plus fameux assassinats de masse de protestants de l’Histoire. Il aurait causé la mort de 10 000 à 30 000 protestants sur l’ensemble de la France. En 1685, la célèbre révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV poussera, elle, au moins 200 000 protestants à l’exil.