EN BREF – Les chercheurs perceront-ils un jour le mystère de l’apparition des fleurs sur Terre ? Arrivées il y a cent cinquante millions d’années, très longtemps après les mousses et les plantes à graines, les plantes à fleurs se sont depuis imposées. Pourquoi ? Comment ? Si l” « abominable mystère » que poursuivait Darwin est toujours entier, des scientifiques, notamment grenoblois, lèvent peu à peu des pans du voile.
Au départ, il y avait les plantes. C’était il y a 400 millions d’années. Les fleurs, elles, sont apparues bien plus tard, il y a cent cinquante millions d’années. Depuis, elles se sont imposées et représentent désormais 95 % des plantes. Pourquoi ? Comment ? Des années que les chercheurs travaillent à lever cet « abominable mystère » que poursuivait Darwin.
Comment les plantes à fleurs, dont le système reproductif est particulièrement sophistiqué au regard de leurs cousines les plantes à graines, sont-elles apparues sur Terre ? Les chercheurs lèvent un à un les pans du voile. En 2014, une équipe du laboratoire de Physiologie cellulaire et végétale de Grenoble avait découvert que la protéine Leafy, celle qui régule la formation des fleurs, existait avant l’émergence des plantes à fleurs.
Un pas de plus grâce à la Welwitschia mirabilis
Trois ans plus tard, c’est en étudiant une plante gymnosperme, la Welwitschia mirabilis, que les chercheurs grenoblois, aux côtés de scientifiques lyonnais et anglais* ont fait un pas de plus. Leurs travaux ont été publiés dans la revue New Phytologist.
Les gymnospermes sont apparues avant les fleurs, il y a 300 millions d’années. C’est une grande famille, au mode de reproduction somme toute rudimentaire, dont font partie les conifères notamment. Comme les autres gymnospermes, la Welwitschia mirabilis, qui peut vivre plus d’un millénaire et pousse dans les conditions extrêmes des déserts de Namibie et d’Angola, possède des cônes mâles et femelles séparés.
A la recherche de l’ancêtre commun aux plantes à fleurs et à graines
Mais, chose exceptionnelle, ses cônes mâles possèdent quelques ovules stériles et du nectar, révélant ainsi une tentative échouée d’inventer la fleur bisexuelle. Les chercheurs y ont d’ailleurs trouvé des gènes similaires à ceux responsables de la formation des fleurs. Un patrimoine génétique organisé selon la même hiérarchie, en cascade. Preuve que mécanisme n’a pas été inventé par la fleur mais a simplement été hérité et réutilisé.
« On sait que les plantes à fleurs et les plantes à graines ont un ancêtre commun », souligne François Parcy, directeur de recherches au CNRS. Toutes les fleurs dérivent d’un seul élément. Tout le reste est de la diversification. »
C’est cet ancêtre commun que les chercheurs traquent. Avec un objectif : en dresser le portrait-robot sans d’autres finalités que enrichir les connaissances. « L’objectif est de comprendre l’origine du monde qui nous entoure, continue le chercheur grenoblois. En représentant la majorité des espèces qui nous nourrissent, les plantes à fleurs revêtent une importance extraordinaire « .
Patricia Cerinsek
* Le laboratoire Reproduction et développement des plantes (CNRS/ENS de Lyon/Inra/Université Lyon 1) et les Jardins de Kew (Royaume-Uni).