ENTRETIEN – L’humour a son nouveau festival isérois : Aux rires etc. Soit cinq soirées réparties sur cinq salles de l’agglomération grenobloise, du 25 au 29 janvier. Tête d’affiche, Guillaume Meurice jouera « Que demande le peuple ? » à L’Heure bleue le 28 janvier. La forme du spectacle a toutefois peu à voir avec les chroniques radio de l’humoriste estampillé France inter, même si on retrouve son goût immodéré pour la satire. Explications du principal intéressé.
À la croisée du journalisme de terrain et de la satire. Voilà ce qu’on pourrait dire du comique d’investigation que pratique Guillaume Meurice dans l’émission Si tu écoutes, j’annule tout, animée par Charline Vanhoenacker et Alex Vizoreck, tous les jours, de 17 heures à 18 heures, sur France inter.
Envoyé (un peu) spécial, Guillaume Meurice tend son micro aux interlocuteurs les plus divers. Même s’il excelle particulièrement lors des meetings politiques et autres réunions de partis. Inutile de préciser que ses interlocuteurs ont de fortes chances d’en prendre pour leur grade.
Dans son seul en scène, Que demande le peuple ? – vu à la Basse cour en 2015 et critiqué ici –, il incarne un communicant aux dents longues. Un personnage que le public adore prendre en grippe grâce aux talents de comédiens de Guillaume Meurice. Qui eut cru que ce gauchiste patenté se glisserait si bien dans la peau d’un tel arriviste ?
Votre spectacle « Que demande le peuple ? » est passé à la Basse Cour en avril 2015. Il est maintenant programmé à L’Heure bleue au sein du festival Aux rires etc. dont vous êtes la tête d’affiche. Un signe parmi beaucoup d’autres de votre notoriété grandissante. Est-ce que cela vous réjouit ?
Oui, bien sûr ! Je ne vais pas cracher dans la soupe. Mais je reste vigilant. Je ne veux pas faire de trop grosses salles. Le spectacle est vraiment interactif. Je pose des questions aux gens. J’ai besoin d’entendre leurs réponses. Et puis, je n’ai aucun rêve de jouer dans des zéniths ou dans des hangars à bestiaux de ce genre. Ça ne m’intéresse pas du tout.
Le public qui vient vous voir connaît vos chroniques sur France inter. Est-ce que leur réception en est modifiée ?
C’est vrai que les gens viennent en connaissant déjà à peu près le style d’humour, si on veut utiliser un gros mot. Après, en tant que comédien et auteur, il ne faut pas se laisser berner. C’est un public assez exigeant, je crois. « Bon, il nous fait marrer sur cinq minutes mais est-ce que ça va tenir la route sur une heure et demie ? » Ils ne savent pas forcément que je viens du théâtre et que je fais ça depuis longtemps. C’est vrai que c’est un spectacle, dans sa forme, qui n’a rien à voir avec ce que je fais à la radio. Mais dans le fond, ils ne vont pas être surpris. Je ne vais pas défendre le nazisme et le sexisme sur scène !
Dans la première mouture de « Que demande le peuple ? », vous incarniez le communicant de Manuel Valls. Au vu de l’actualité de l’ex-Premier ministre, avez-vous dû réécrire partiellement le spectacle ?
Oui, j’ai un peu modifié le texte. Du coup, je ne joue plus le rôle du communicant de Manuel Valls mais un communicant de manière générale, qui travaille sur l’élection présidentielle avec plein de candidats. Toute la partie politique est actualisée. Par exemple, j’ai ajouté Macron qui gueule à la fin de son meeting, Valls qui dit qu’il veut supprimer le 49.3, Ségolène Royal qui dit des conneries à Cuba…
Lorsque vous avez joué à la Basse Cour en 2015, les spectateurs adoraient houspiller votre personnage de communicant aux dents longues. Le public joue-t-il toujours aussi bien le jeu ?
Oui, c’est ça qui est marrant. Le public est un personnage du spectacle. C’était vraiment dans mon cahier des charges d’écriture. Je suis un peu gêné avec le fait de dire aux gens « fermez vos gueules, regardez-moi, écoutez-moi pendant une heure et demie ». J’ai besoin d’interaction et puis de savoir ce qu’on fait là, tous ensemble, dans la même salle. Le fait qu’ils me répondent et qu’ils pigent la convention théâtrale, c’est hyper agréable. Ils me sifflent. Ils me huent. C’est une forme de duo.
Abordez-vous également la politique locale selon les salles dans lesquelles vous vous produisez ?
Oui, je me renseigne toujours sur la politique locale. J’aime bien. A Grenoble, vous avez toujours un maire écolo ? Bon, je vais pouvoir faire des blagues là-dessus. Je demande toujours au régisseur de la salle dans laquelle je vais jouer ce qui s’est passé d’un peu marquant dans les semaines qui ont précédé.
Comment articulez-vous la tournée du spectacle avec les chroniques quotidiennes sur France inter ?
Il faut avouer que je dors assez peu (rire). Les tournées le week-end, les chroniques la semaine : le rythme est assez soutenu, je ne vais pas le cacher. Mais je m’amuse tellement que j’aurais vraiment du mal à me plaindre. J’ai quand même du bol d’être exposé dans une émission faite avec des copains et, en plus, le week-end, de tourner mon spectacle dans des salles pleines avec des gens accueillants. Si le sacrifice, c’est de ne pas dormir beaucoup, ça va !
Votre entrée à France inter a‑t-elle si fortement changé la donne ?
Oui, surtout depuis que j’ai intégré l’émission Si tu écoutes, j’annule tout. Avant, j’étais chroniqueur dans l’émission de Frédéric Lopez, entre 11 heures et 12 h 30 [de 2012 à 2014, On va tous y passer, ndlr]. Mais je n’y étais pas tous les jours et on était nombreux. Ma chronique avait une forme plus classique aussi.
Ce “comique d’investigation”, mélange de témoignages recueillis sur le terrain et d’interventions en direct, l’avez-vous spécialement conçu pour Si tu écoutes, j’annule tout ?
À la base, je ne devais pas être en studio quand Charline Vanhoenacker et Alex Vizoreck ont pensé l’émission. Alex savait que j’aimais bien discuter, aller au contact des gens, emmerder un peu le monde. En rapportant les sons de mes entretiens sur le terrain, on s’est rendu compte que ça marchait mieux si je contextualisais en expliquant où je me trouvais. Du coup, comme j’étais présent en studio, je me suis mis à ajouter des blagues dans les textes, à essayer de trouver un angle marrant. Aujourd’hui, il y a une moitié de sons ramenés du terrain et une moitié d’écriture.
Les auditeurs font-ils beaucoup de retours sur vos chroniques ? De quelle nature ?
J’ai pas mal de retours sur les réseaux sociaux mais plutôt de la part de gens qui me suivent et qui m’aiment bien. Comme je fais une chronique par jour et qu’à chaque fois il y a un thème différent, il arrive qu’on m’envoie des mails du type : « D’habitude, je t’aime bien mais, là, t’as déconné. » Souvent, le thème en question les concerne directement. Une fois, un flic m’a dit : « J’aime bien tes chroniques. Même s’il y en a deux, trois que j’ai moins aimées. – Celles sur les flics ? – Oui. »
Quand je fais des chroniques sur la religion, il y a forcément des gens qui écrivent pour dire que c’est un scandale. Dès que tu fais un truc sur une religion précise, on te dit : « Vous n’oseriez pas le faire sur les autres. » Alors je leur envoie les liens des chroniques que j’ai faites sur les autres. Normalement, ça les calme.
Mais bon, en règle générale, c’est plutôt des réactions de gens qui m’encouragent. C’est con, d’ailleurs, parce que j’aime bien les mails d’insultes !
Dans les chroniques à venir, on peut imaginer que les présidentielles seront très présentes. C’est du pain béni pour vous, non ?
Il y a plus de sujets, oui. Forcément, il va y avoir les petites phrases. Les candidats vont être obligés de se positionner sur tous les sujets. Et puis, après ces quatre mois, il y aura les législatives. Jusqu’à juin, il va y avoir beaucoup de meetings, de réunions publiques, de conférences de presse… Ça va être riche, je pense. Mais je vais quand même faire gaffe de ne pas faire que ça. Aujourd’hui, par exemple, j’ai parlé du cannabis, histoire de varier un peu les plaisirs. J’avais vu que Macron s’était positionné sur le sujet. Alors j’ai saisi l’occasion !
L’émission sera-t-elle reconduite l’année prochaine ?
On ne sait pas. Là, j’ai un contrat jusqu’à juin. Ça se fait année par année. Ils appellent ça des “contrats de grille”.
Au rayon des projets, vous fait-on des propositions côté fiction (théâtre, cinéma), au vu de votre formation de comédien ?
Pas du tout ! Ah si… J’ai reçu une pièce qu’il faut que je lise.
Des regrets ?
Ah, non ! Le cinéma, avec le peu d’expérience que j’en ai, ça m’a toujours fait chier. Je ne dis pas que je n’en ferai jamais plus. Mais il faudrait vraiment un propos que j’aime bien. En fait, le cinéma, tu attends deux heures pour tourner trois minutes. Après, il faut que les caméras se replacent, ça prend dix minutes. Moi, j’aime bien jouer. Avoir la scène pendant une heure et demie où tu peux t’amuser, improviser, ça c’est génial ! Je n’ai même jamais très bien compris le plaisir que les comédiens prenaient au cinéma, mis à part ce truc égotique d’avoir sa tête en quatre mètres par trois !
Propos recueillis par Adèle Duminy
Infos pratiques
Festival Aux rires etc., créé par TéléGrenoble et De la Lumière dans la Boîte
Du 25 au 29 janvier 2017
L’heure bleue de Saint-Martin-d’Hères
28 janvier / Complet
Programme des cinq soirées sur le site du festival Aux rires etc.