FOCUS – Lancé par le réseau d’autopartage Cité Lib, le service « Ma chère auto » devrait taper dans l’œil d’un certain nombre d’automobilistes grenoblois. Le principe ? Faire don de sa voiture à Cité Lib et se débarrasser d’un poids financier. En contrepartie, changer son mode de déplacement et toucher une petite rente mensuelle…
Le réseau de voitures en autopartage Cité Lib vient de frapper fort, avec son service « Ma chère auto ». « C’est un service qui va permettre à beaucoup d’automobilistes qui utilisent très peu leur voiture de s’en séparer en douceur », affirme, convaincu, Martin Lesage, directeur général de la Scic Alpe-AutoPartage, qui gère le réseau Cité Lib.
Il s’agit ainsi pour le propriétaire de donner sa voiture à Cité Lib et de se décharger au passage de tous les frais inhérents à la possession d’une auto (frais d’assurance, contrôle technique, entretiens, réparations)*. De fait, privé de sa voiture personnelle, l’« homo automobilis » n’a plus qu’à se convertir à l’autopartage ou à d’autres moyens de déplacement : vélo, tram, bus, etc. Cerise sur le gâteau, l’ex-propriétaire peut percevoir chaque mois, jusqu’à 200 euros, en fonction des recettes issues de la location de son ancienne voiture.
« Vous avez réussi votre coup : je lâche ma voiture ! »
Martin Lesage indique qu’une centaine de personnes, intéressée par le service « Ma chère auto », a déjà contacté Cité Lib. « C’est à Grenoble que nous attirons le plus de candidats à ce service, car c’est là où il y a le plus de contraintes urbaines » remarque-t-il.
Pas si étonnant… « Grenoble a été pensée comme un circuit automobile, commente Eric Piolle, maire de Grenoble. Notre politique de déplacement […] et ce type ce service visent à regrignoter de la qualité d’usage, et de l’espace public sur la voiture ».
Maxime Tassin, président de la Scic, abonde et va plus loin : « Une voiture en autopartage, c’est 9 voitures en moins sur la voie publique ! »
De quoi faire sérieusement réfléchir les habitants de Grenoble, tout particulièrement ceux du centre-ville… S’ajoute, en effet, à la difficulté de trouver chaque jour une place de stationnement, la hausse récente du ticket résident qui touche 60 % des ménages. Et le maire de Grenoble de rapporter, avec satisfaction, cette anecdote : « J’ai rencontré récemment une personne qui manifestait sa désapprobation à l’égard de la hausse des tarifs stationnement… Elle a fini par dire : “Vous avez réussi votre coup : je lâche ma voiture !” »
Entre 20 à 40 utilisateurs par voiture partagée
Yoann Morlé fait partie des cinq pionniers grenoblois à avoir franchi le pas. Sa chevrolet spark rouge n’est désormais plus « sa » chevrolet. Elle est même susceptible désormais d’être utilisée par 20 à 40 personnes, selon les chiffres de Cité Lib.
Yoann travaille sur la Presqu’île scientifique, au CEA, où les salariés utilisent déjà particulièrement bien le service d’autopartage Cité Lib. Quand il a eu connaissance du nouveau dispositif « Ma chère auto », il a immédiatement voulu saisir l’opportunité. « J’habitais Tullins, auparavant. Mais depuis quatre ans, je vis à Grenoble. Je n’utilisais ma voiture que pour faire les courses. J’ai voulu la revendre, mais ce n’était pas intéressant ! »
Sa voiture étant encore suffisamment en bon état, condition pour être acceptée par le réseau. Citélib l’a prise sous son aile.
Le réseau a trouvé un emplacement idéal pour la petite Chevrolet rouge, à proximité du CEA. Elle pourra par ailleurs être empruntée par les habitants du nouveau quartier Cambridge (à condition qu’ils soient abonnés à Citélib). Quant à Yoann, il a rejoint, cette fois pour de bon, la communauté des 8 000 adeptes que compte le réseau de Cité Lib (présent également à Saint-Étienne, Chambéry, Annecy, etc.) dont 2 000 abonnés, rien que sur l’agglomération grenobloise.
Quand le maire écolo donne l’exemple
« Ce nouveau service questionne la notion de possession », pointe Eric Piolle, maire EELV de Grenoble. Une question qu’Eric Piolle s’est posée et qu’il a tranchée, puisqu’il a lui-même renoncé à sa voiture, qu’il fait du vélo comme chacun sait, et qu’il pratique l’autopartage – ce que l’on sait un peu moins.
En outre, le maire de Grenoble est également sociétaire de la coopérative [à l’instar de nombreux particuliers et collectivités, selon le principe d’une scic, ndlr].
Selon Eric Piolle et les dirigeants de Citélib, l’heure de la mutualisation des voitures individuelles serait ainsi venue… « Il sera bientôt aussi naturel de partager une auto que les résidents d’un immeuble, l’ascenseur », estiment Eric Piolle et Maxime Tassin, président de Cité Lib. Pour ne pas perdre de vue trop brutalement leur « chère voiture », Cité Lib s’engage à trouver un emplacement sur la voirie, non loin du domicile ou du lieu de travail de son ancien propriétaire…
Séverine Cattiaux
* Le coût d’une voiture représente le deuxième poste de dépenses dans un ménage avec une moyenne de 5 000 euros par an, selon les chiffres de Cité Lib.
CAMPAGNE DE FINANCEMENT PARTICIPATIF SUR KOCORIKO
Dans l’agglomération, Cité Lib dispose d’une centaine de véhicules en autopartage classique (en boucle) et de 250 sur tout son réseau. Le service « Ma chère auto » doit aussi permettre au réseau d’autopartage de faire face à son rapide développement (+ de 40 % de nouveaux adhérents en 2016).
150 voitures « ma chère auto » en 2017
Le réseau espère ainsi intégrer, par le service « Ma chère auto », à moindre frais, de nouvelles voitures dans sa flotte : 50 voitures « ma chère auto » en 2016 et 150 en 2017. Il en coûte toutefois encore 1 000 euros à Cité Lib à chaque entrée d’une nouvelle voiture, entre l’installation du boîtier informatique dans la voiture et la création d’un emplacement réservé.
La Scic fait donc appel au financement participatif par la plateforme Kocoriko, pour récolter 250 000 euros… Il vaut mieux que l’ex-propriétaire soit content du service Cité Lib car, tous les ans, il peut décider de reprendre sa voiture. Cela dit, selon les statistiques de Cité Lib, un autopartageur a plutôt tendance à se servir de moins en moins d’une voiture.