Octobre rose, le dépis­tage du can­cer du sein entre inci­ta­tion et critiques

Octobre rose, le dépis­tage du can­cer du sein entre inci­ta­tion et critiques

DÉCRYPTAGE – Campagne natio­nale de lutte contre le can­cer du sein orga­ni­sée par l’as­so­cia­tion Le Cancer du Sein, Parlons-en !, Octobre rose 2016 est l’oc­ca­sion de nom­breuses ren­contres et de nom­breux évé­ne­ments en Isère. Enjeu : invi­ter les femmes de 50 à 75 ans à rejoindre un grand pro­gramme gra­tuit de dépis­tage. Une opé­ra­tion qui ne fait cepen­dant pas l’u­na­ni­mité, dans le fond comme dans la forme.

« La pre­mière étape du can­cer du sein, c’est le dépis­tage », rap­pelle Philippe Gabelle, chi­rur­gien vis­cé­ral atta­ché au Groupe hos­pi­ta­lier mutua­liste de Grenoble et tout nou­veau – il a pris ses fonc­tions voilà trois mois – pré­sident de l’Office de lutte contre le can­cer (ODLC).

Chargé d’or­ga­ni­ser le dépis­tage des can­cers du sein, du col uté­rin et du colon en Isère, l’ODLC est tout natu­rel­le­ment à la manœuvre pour la cam­pagne Octobre Rose. Une cam­pagne certes natio­nale mais décli­née dépar­te­ment par dépar­te­ment, impli­quant à chaque fois les col­lec­ti­vi­tés ainsi que les acteurs de santé locaux.

« La volonté, c’est de dédramatiser »

Le but d’Octobre rose ? Inviter les femmes âgées en 50 et 75 ans à par­ti­ci­per au pro­gramme gra­tuit de dépis­tage du can­cer du sein. Un pro­gramme qui consiste en la réa­li­sa­tion d’une mam­mo­gra­phie tous les deux ans, assor­tie d’une double lec­ture : celle de l’é­ta­blis­se­ment de radio­lo­gie qui a pra­ti­qué l’exa­men, puis celle des méde­cins de l’ODLC. Un relec­ture qui peut faire la dif­fé­rence, assure l’établissement.

L'ODLC,c'est entre autres, de gauche à droite, Jocelyne Chevallier, chargée de mission, Philippe Gamelle, président, et Catherine Exbrayat, épidémiologiste et coordonnatrice. © Florent Mathieu - Place Gre'net

L’ODLC, c’est entre autres, de gauche à droite, Jocelyne Chevallier, char­gée de mis­sion, Philippe Gabelle, pré­sident, et Catherine Exbrayat, épi­dé­mio­lo­giste et coor­don­na­trice. © Florent Mathieu – Place Gre’net

« Tous les ans, en Isère, 90 000 femmes font leur mam­mo­gra­phie dans le cadre du suivi orga­nisé. On trouve en moyenne un peu moins de 330 can­cers, et entre 20 et 30 sont décou­verts lors du deuxième contrôle », détaille Jocelyne Chevallier, char­gée de mis­sion et de com­mu­ni­ca­tion à l’ODLC.

Ce mois de sen­si­bi­li­sa­tion est aussi l’oc­ca­sion de nom­breux évé­ne­ments et inter­ven­tions sur l’en­semble de l’Isère. Repas, théâtre et même des “zum­bas roses” sont ainsi pré­vus jus­qu’à la fin du mois.

Des opé­ra­tions qui revêtent bien sou­vent une dimen­sion convi­viale et ludique. « La volonté, c’est de dédra­ma­ti­ser, explique Jocelyne Chevallier. Nous vou­lons éclai­rer chaque per­sonne sur l’in­té­rêt, mais aussi les limites, de la mam­mo­gra­phie. Le fait de dédra­ma­ti­ser, d’in­for­mer, d’en par­ler, per­met aux per­sonnes de manière très incar­née de dis­cu­ter, de poser les ques­tions, de lever des peurs très pré­sentes. »

« Toutes les femmes sont égales devant la maladie »

Et la char­gée de mis­sion de rap­pe­ler que, si l’o­pé­ra­tion cible la tranche d’âge 50 – 75 ans, toutes les femmes doivent se mon­trer atten­tives. « Il est impor­tant de res­ter en alerte sur ce qui pour­rait sur­ve­nir : une colo­ra­tion de la peau, la forme du sein qui se bos­selle un peu… Des choses comme cela qu’il est impor­tant de signa­ler à son méde­cin. Cette vigi­lance, en plus du dépis­tage, elle est vrai­ment néces­saire toute la vie ! »

Magali Guillot, vice-présidente du Département déléguée à la santé. DR

Magali Guillot, vice-pré­si­dente du Département délé­guée à la santé. © Républicains38

Nouveauté pour cette édi­tion 2016 en Isère ? Une atten­tion toute par­ti­cu­lière por­tée aux per­sonnes han­di­ca­pées, en par­te­na­riat notam­ment avec l’Afipaeim, l’Association fami­liale de l’Isère pour enfants et adultes han­di­ca­pés intellectuels.

Sur l’af­fiche, réa­li­sée par le Département en par­te­na­riat avec l’ODLC et l’Afipaeim, pose ainsi Anne, une quin­qua­gé­naire atteinte de tri­so­mie habi­tant Bourgoin-Jallieu.

« Nous avons voulu faire res­sen­tir que toutes les femmes sont égales devant la mala­die, et faire valoir que le han­di­cap n’empêche pas d’être une femme consciente de l’u­ti­lité du dépis­tage », reven­dique Magali Guillot, vice-pré­si­dente du Conseil dépar­te­men­tal délé­guée à la santé.

Polémiques

La cam­pagne Octobre rose ne fait cepen­dant pas l’u­na­ni­mité, et s’ac­com­pagne volon­tiers chaque année de polé­miques ou de voix dis­cor­dantes. Sur le fond tout d’a­bord, où cer­tains dénoncent un “mammo-busi­ness”, quand d’autres remettent en cause la réa­lité de l’im­pact médi­cal du dépis­tage systématique.

L'affiche Octobre Rose 2016 réalisée par le Département met en avant les femmes atteintes de handicap. DR

L’affiche Octobre Rose 2016 réa­li­sée par le Département met en avant les femmes atteintes de han­di­cap. DR

Si Alexia, pré­si­dente d’Osez le fémi­nisme 38, se réjouit que l’on parle de ce can­cer « alors que la méde­cine en géné­ral se sou­cie peu du corps des femmes », elle ne s’en montre pas moins dubi­ta­tive : « Il n’y a pas vrai­ment de consen­sus scien­ti­fique. Une étude montre que des femmes vont avoir des sur­diag­nos­tics, voire des faux posi­tifs… »

« On pense qu’il est impor­tant de don­ner le choix aux femmes de peser, en leur âme et conscience, le pour et le contre. De savoir si elles prennent le risque de faire une mam­mo­gra­phie, ou si elles prennent le risque de ne pas en faire. Dans tous les cas, il faut res­pec­ter le choix indi­vi­duel des femmes », note encore Alexia, qui juge la cam­pagne d’Octobre rose trop anxio­gène ou auto­ri­taire. Sans pour autant pré­tendre, insiste-t-elle, que la mam­mo­gra­phie est inutile.

Le fond… et la forme ?

Autres cri­tiques, sur la forme : choix esthé­tiques, cou­leur rose omni­pré­sente… À l’o­ri­gine de cette grande cam­pagne de dépis­tage du can­cer du sein et de son ruban rose ico­nique ? Une marque de… cos­mé­tique. Estée Lauder, cofon­da­trice avec son mari de l’en­tre­prise qui porte son nom, s’est impli­quée dans cette lutte après avoir elle-même sur­vécu à un can­cer. Ceci expli­que­rait-il cela ?

Affiche réalisée par Estée Lauder contre le cancer du sein. À l'exception du ruban rose, on retrouve tous les codes de ce que l'on appelle le « porno chic ». DR

Affiche réa­li­sée par Estée Lauder contre le can­cer du sein. À l’ex­cep­tion du ruban rose, on retrouve tous les codes de ce que l’on appelle le « porno chic ». DR

Le regard d’une mili­tante fémi­niste sur la plu­part des outils de com­mu­ni­ca­tion concer­nant le can­cer du sein est sans appel : « Beaucoup de rose, un côté paillettes… Et aussi beau­coup d’i­mages de femmes nues, sexua­li­sées, sou­vent jeunes – alors que la cam­pagne vise les femmes de 50 ans –, des seins, des femmes sans tête… Un peu comme si le pro­blème dans le fait qu’une femme soit malade repo­sait dans le fait qu’elle ne soit plus dési­rable, qu’elle ne soit plus un objet sexuel », sou­ligne Alexia.

Il est vrai qu’une pro­me­nade sur le Web per­met de voir que les choix esthé­tiques des cam­pagnes – ou des évé­ne­ments entou­rant les cam­pagnes – d’Octobre rose reposent sou­vent sur une repré­sen­ta­tion très par­cel­laire du corps de la femme.

Et Alexia de dres­ser le constat qui fâche : « Dans les cam­pagnes sur le tou­cher rec­tal, on ne met pas en avant la beauté mas­cu­line, et on ne montre pas des fesses d’hommes… »

« Le sein est un organe très sexua­lisé, comme si les seins des femmes n’ap­par­te­naient plus aux femmes, déplore-t-elle. Le pro­blème du can­cer du sein n’est pas que phy­sique, même s’il peut être impor­tant pour cer­taines. Le pro­blème, c’est aussi la santé des femmes, qui vont devoir gérer la mala­die et tout le pro­to­cole qu’il y autour. »

Au-delà des canons et des clichés

Alexia note et salue tou­te­fois une « amé­lio­ra­tion » avec la cam­pagne d’Octobre rose 2016 en Isère. « Il n’y a pas de femmes sexua­li­sées sur l’af­fiche, et c’est impor­tant de ne pas oublier une caté­go­rie de femmes. C’est bien d’a­voir mis des femmes de tous types, de tous styles, c’est un effort louable, même si ça ne per­met pas d’ou­blier tout le reste autour. »

Tout le reste autour ? Cette cou­leur rose, omni­pré­sente, « essen­tia­liste » pour Alexia. Côté Département, on prend la chose avec une pointe d’hu­mour : « La cam­pagne s’ap­pelle Octobre rose, heu­reu­se­ment qu’il y a du rose ! », s’a­muse Magali Guillot, qui pré­cise pour autant elle-même ne plus for­cé­ment asso­cier le rose à la fémi­nité. Le Conseil dépar­te­men­tal devait en fait aussi com­po­ser avec une charte gra­phique – cou­leur et ruban – impo­sée au niveau national.

« Cette ques­tion du rose est par­ti­cu­liè­re­ment anec­do­tique par rap­port à tout le reste, ajoute-t-on encore au Département. Quand on regarde l’af­fiche, on voit qu’il y a une vraie rup­ture avec cette per­sonne qui n’é­pouse pas les canons de la beauté comme on se la repré­sente de manière cari­ca­tu­rale. Si le seul défaut de cette cam­pagne qui met en valeur une femme han­di­ca­pée, c’est d’a­voir uti­lisé le cli­ché du rose, c’est que nous avons rem­pli tous nos objec­tifs ! »

Florent Mathieu

Octobre rose sur la glace avec les Brûleurs de loups

Le rose, une cou­leur fémi­nine ? Les virils Brûleurs de loups ren­ver­se­ront les cli­chés, ce mardi 18 octobre, en por­tant un maillot aux cou­leurs d’Octobre rose à l’oc­ca­sion de leur match contre Épinal.

Soirée Octobre Rose des Brûleurs de loups. DR

Soirée Octobre Rose des Brûleurs de loups. DR

Spécialement conçus pour l’oc­ca­sion, les maillots seront ensuite ven­dus aux enchères, et les béné­fices ver­sés à l’as­so­cia­tion Grops, Groupe de ren­contre en onco­lo­gie psy­cho somatique.

Le Grops regroupe des femmes atteintes ou ayant été atteintes d’un can­cer gyné­co­lo­gique. Elles orga­nisent per­ma­nences, groupes de paroles, confé­rences ou encore sor­ties culturelles.

Florent Mathieu

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