ENTRETIEN – Il y a quelques jours aux Jeux paralympiques de Rio, David Smétanine, 41 ans, décrochait sa neuvième médaille en quatre Olympiades dont une quatrième consécutive, en argent, sur le 50 m nage libre catégorie S4. Une fierté pour le Grenoblois, d’une longévité impressionnante au plus haut niveau… et en conflit ouvert avec la mairie de Grenoble.
Le Grenoblois David Smétanine, médaillé d’argent sur 50 m nage libre catégorie S4 aux Jeux paralympiques de Rio. © DR
Sportivement, que retenez-vous de vos Jeux paralympiques à Rio ?
Un soulagement, parce que c’était ma dernière chance de gagner une médaille à Rio et qu’elle m’avait échappée pour un centième [sur 100 m nage libre sur sa première épreuve, ndlr]. C’était dur… Le temps était bon. Je pense que c’était de la malchance.
Et puis le plaisir à la fin des Jeux avec ce podium olympique, une médaille d’argent sur 50 m [50 m nage libre catégorie S4 le dernier jour, ndlr]. C’est une médaille qui a permis aussi à la France de remonter un peu au classement, en étant 12e au final avec 28 récompenses. On n’en avait que quatre en argent. Avec les médailles d’or [neuf au total, ndlr] obtenues le dernier jour, ça a permis de finir en fanfare.
Vous aviez de la pression avant ce 50 m ?
J’avais les crocs. Un peu de pression oui, mais surtout il fallait que je reste concentré. Je me suis dit : « Tu as fait de bonnes courses jusqu’à présent [5e aussi sur le 200 m, ndlr]. Ne grille pas tes chances, sois propre, récupère bien, fais ce qu’il faut dans la course, place toi bien, etc. Ça va se jouer dans les derniers 5 – 10 mètres. Si tu vas au bout aussi bien que tu l’as fait sur les autres courses, tu gagneras ta médaille. » Il faut partir convaincu. Sur 50 m, il faut nager le mieux possible, c’est-à-dire faire le moins de fautes possible.
Le Coréen Seon Jo Gi qui a remporté l’or était-il intouchable ?
Justement c’est ça qui m’a un peu attristé quand j’ai touché. Je vois le plot qui s’éclaire avec deux diodes sur le côté. Je savais, du coup, que j’étais médaille d’argent. J’aurais espéré qu’une seule s’allume. Cela aurait voulu dire que j’avais l’or.
Je me retourne et je vois le chrono. J’ai eu un moment de soulagement, on le voit à la télévision, j’ai eu chaud aux fesses et en même temps de la déception, parce qu’il fait 39’’3 et l’année passée aux Mondiaux j’ai fait 39’’6. Je pense qu’il était vraiment prenable. Après, c’est le contexte d’une finale… Peut-être aussi que si j’avais gagné cette médaille le premier jour, j’aurais été plus relâché sur le 50 m.
David Smétanine a décroché à Rio sa neuvième médaille lors de Jeux paralympiques. © DR
Le 50 m était votre meilleure chance de décrocher un podium ?
En l’occurrence, c’était la dernière. Je n’avais pas trop le choix mais au-delà de ça, ça été une vraie chance puisque l’histoire expliquera après coup que je suis une quatrième fois médaillé sur quatre Jeux sur la même distance. Le 50 m m’aura particulièrement réussi.
Est-ce une fierté de marquer l’histoire ?
Je n’y pensais pas sur le coup mais, quand on y réfléchit, bien sûr que je suis content d’avoir laissé mon empreinte à chaque fois sur le 50 m après chaque Olympiade [depuis Athènes en 2004, ndlr]. Et surtout, d’être médaillé une quatrième fois sur quatre Jeux. Peu de sportifs peuvent s’en vanter. Et en natation en équipe de France, je suis le seul. Au total, j’ai décroché neuf médailles sur quatre Jeux.
L’émotion est-elle la même pour une neuvième médaille olympique que pour la première ?
C’est différent. Chaque course, chaque médaille, chaque histoire est différente. Surtout quand on remet les compteurs à zéro. Il faut partir en combattant à chaque fois, pas comme je l’avais fait à Londres. Je m’étais dit sur la finale du 100 m : « Mince ! J’ai peut-être trop observé », alors qu’il fallait être plus agressif. J’avais le meilleur temps des séries le matin, je pensais pouvoir gagner le titre, ou au moins faire deux[ième], et je finis médaille de bronze. C’est toujours un plaisir différent et un soulagement différent.
Davis Smétanine, tout sourire, lors de son retour en France. © DR
Vous aviez laissé entendre que ce serait sûrement vos derniers Jeux…
C’est toujours la question. Je finis sur une belle note, c’est très bien comme ça. Je vais profiter de 2017 pour me faire plaisir et arrêter ma carrière sur une belle compétition, peut-être les championnats de « France Élite » à Strasbourg. Ce sera l’occasion de faire un grand au-revoir à toute la famille sportive de la natation.
Je ne vais pas pour autant couper avec l’entraînement cette année. Je vais prendre le plaisir de m’entraîner avec moins de pression. Ça va être un entretien et un entraînement cohérent pour arriver à trouver un bon équilibre entre la préparation physique pour une fin de carrière agréable et avoir un certain niveau pour rester en bonne forme. Car j’ai envie aussi de me mettre à d’autres sports, en loisir : le ski de fond par exemple.
Enfin, il y a une petite idée qui germe. Je me dis que si au bout de deux, trois ans, j’arrive à maintenir un niveau de forme physique assez bon et que dans l’eau je suis bien, que j’arrive à nager correctement, allez savoir si je ne m’offrirai pas un voyage au Japon pour aller chercher une cinquième médaille sur le 50 m nage libre [au JO de Tokyo 2020]. On verra si cette idée prendra forme ou pas. J’ai appris à ne jamais dire jamais.
Propos recueillis par Laurent Genin
DES JEUX SUR FOND DE CONFLIT AVEC LA VILLE DE GRENOBLE
Si des festivités sont d’ores et déjà prévues aux conseils départemental et régional pour fêter la médaille d’argent de David Smétanine aux JO de Rio, aucune cérémonie n’a pour l’heure été annoncée par la Ville de Grenoble. Rien d’étonnant alors que le sportif est en conflit avec la municipalité concernant sa non titularisation à la mairie.
En 2006, David Smétanine intègre la Ville de Grenoble en tant qu’agent contractuel à plein-temps, détaché pour le sport grâce à une convention d’insertion professionnelle (CIP). Avant de devenir conseiller spécial auprès du directeur général des services (alors, Gilles du Chaffaut) en charge du sport, de l’image de la ville et de l’accessibilité des personnes en situation de handicap.
Un « licenciement non fondé » pour David Smétanine
Cadre A de la fonction publique, le champion handisport était, à l’en croire, sur le point d’être titularisé. L’arrivée de la nouvelle municipalité a changé la donne.
Celle-ci a mis fin à son contrat au 31 décembre 2014 évoquant « un non renouvellement » en raison de « capacités professionnelles insuffisantes ».
Un « licenciement non fondé » pour David Smétanine qui a déposé un recours devant le tribunal administratif en 2015.
« Ce conflit avec la Ville a été un vrai souci dans ma préparation. Psychologiquement, je n’étais pas forcément libéré. Moralement, ça a été vraiment dur », confie-t-il. « Il est grand temps que la Ville pense à une solution qui soit acceptable. C’est quelque chose de secondaire mais qui me pèse. Et c’est difficile de fêter quelque chose alors que la Ville elle-même n’a pour l’instant pas prévu de fêter quoi que ce soit. »
Un « emploi de complaisance » pour François Langlois, actuel DGS
Pour François Langlois, l’actuel DGS de la Ville de Grenoble, rencontré ce mercredi 28 septembre, le poste de David Smétanine entrait plus dans la catégorie des « emplois de complaisance ». « A mon arrivée, je lui ai demandé un rapport sur son activité. Celui-ci m’a présenté des projets d’intervention qu’il avait pour la Ville et n’a pas pu prouver une quelconque activité passée. »
Pour le DGS, pas doute, son poste avait clairement une dimension politique. « Il était directement en lien avec le cabinet et n’avait pas de contacts avec les services. » Ce que conteste l’intéressé. Pour rappel, David Smétanine était conseiller régional PS avant le changement de majorité et a fait partie de la liste de soutien de Michel Destot aux législatives 2012.
François Langlois se demande aussi pourquoi David Smétanine n’a pas été titularisé lors du précédent mandat alors que son contrat a été prolongé 13 fois. « Il aurait dû être titularisé bien avant le changement de majorité, d’autant plus du fait de sa situation de travailleur handicapé », affirme le DGS qui se dit « serein » et laisse la justice suivre son cours.