FOCUS – Le premier festival de l’association Zero Waste France prônant une démarche zéro déchets se tient à Paris du 30 juin au 2 juillet 2016 avec comme invité d’honneur Robert Reed, représentant du mouvement dans le monde et porte-parole de la coopérative américaine Recology. Avant de rejoindre la capitale, l’intéressé a donné une conférence à l’Institut polytechnique de Grenoble (INP) pour présenter les programmes mis en place par la coopérative et échanger avec le public. Rencontre.
Une cinquantaine de personnes de tous âges se sont réunies mardi 28 juin à l’Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP) pour assister à une conférence-débat organisée par le collectif Zero Waste Grenoble (Zéro déchets) et le Laboratoire G‑Scop de Grenoble INP. Invité d’honneur de cette soirée placée sous le signe de la pédagogie, et surtout de l’échange : Robert Reed. Cet ancien journaliste spécialiste des questions environnementales, devenu porte-parole de la coopérative américaine Recology, œuvre depuis bientôt vingt-trois ans à la promotion d’un monde sans déchets.
Invité à la première édition du festival Zero Waste France se déroulant à Paris du 30 juin au 2 juillet 2016, Robert Reed en a profité pour faire quelques arrêts dans certaines villes françaises afin de promouvoir la démarche et de développer le mouvement en Europe avant de rejoindre la capitale.
L’occasion de revenir sur l’expérience Recology, initiée à San Francisco, et les programmes emblématiques développés par la coopérative au fil des années. Exemplaire, la ville portuaire est devenue la référence en matière de zéro déchets aux États-Unis mais également dans le monde. Russie, Écosse, France, Chine… Des représentants de 62 pays s’y sont rendus pour voir le travail effectué. Et piquer au passage quelques idées à mettre en place dans leur pays.
« RECOLOGY » EN BREF
Créée en 1921, Recology est passée du statut de déchetterie à celui de coopérative proposant des programmes et services pour limiter la production de déchets des particuliers et des professionnels. Son credo : « Réduire, réutiliser, recycler ». Collecte de déchets en porte-à-porte, plateforme de compostage, programmes de sensibilisation… l’entreprise travaille de concert avec la municipalité de San Francisco qui finance pour partie ses actions, les usagers contribuant pour le reste. Elle emploie au total 173 personnes qui, grâce à elle, bénéficient des régimes de protection sociale, de retraite et gagnent 25 dollars de l’heure, soit 22,5 euros.
ROBERT REED : « PLUS VOUS JETEZ, PLUS VOUS PAYEREZ »
Quels sont les tarifs du service de collecte de Recology ?
A San Francisco, une famille lambda paye chaque mois 34 dollars [30,51 euros, ndlr] pour le service de collecte. Nous venons quatre fois par mois et nous ramassons les trois poubelles [bleue pour les matières recyclables comme le verre, le carton, l’aluminium…, noire pour les déchets et verte pour le compost, ndlr]. Cela revient à un peu plus d’un dollar [90 centimes d’euro, ndlr] par jour.
Ensuite, nous trions les matières en 14 produits : papier, verre, plastique, aluminium, compost… que nous vendons. Grâce à ces sources de revenus, le prix du service de collecte reste raisonnable pour les usagers. La Ville régule le programme. Chaque mois, elle est chargée de faire les comptes pour estimer les dépenses concernant le carburant, les salaires, l’assurance, les uniformes… Les dépenses étant supérieures, il y a un écart que les 34 dollars mensuels par foyer viennent combler.
La poubelle noire coûte 25 dollars et les deux autres 4 dollars par mois. Si vous recyclez très bien vos déchets et que l’on ne passe qu’une seule fois dans le mois pour collecter votre poubelle noire [au lieu des quatre fois prévues, ndlr] alors vous aurez une remise. C’est la politique fixée par la ville « Pay as you throw » (« Payez ce que vous jetez »).
Cette politique implique que plus vous jetez, plus vous payerez. Si vous produisez beaucoup de déchets et qu’il vous faut des poubelles plus grosses ou si vous avez besoin que l’on se déplace plus souvent pour collecter vos déchets, alors vous utilisez nos services plus régulièrement et il est normal que vous payiez davantage. Les tarifs vous donnent deux bonnes raisons, financière et environnementale, d’être plus écolo et de produire moins de déchets.
Comment votre conscience environnementale a‑t-elle été éveillée ?
J’ai travaillé comme journaliste pendant dix ans avant de me lancer dans le recyclage et j’écrivais des papiers sur l’environnement dans ce cadre. Mais j’ai vraiment commencé à m’y intéresser quand j’étais petit.
Un jour, à l’école, j’ai ouvert mon livre d’histoire et j’ai vu un dessin représentant un Indien d’Amérique qui creusait un trou dans le sol avec le talon de son pied. Il y déposait des arêtes de poissons, des graines de maïs au milieu et recouvrait le tout avec de la terre. Le professeur nous a demandé pourquoi il faisait ça, pourquoi les Indiens d’Amérique enterraient des arêtes de poisson avec des graines de maïs. La réponse était parce qu’ils avaient compris que les arêtes fourniraient des nutriments aux graines de maïs qui, en grandissant, fourniraient davantage de maïs.
Ainsi, ils pourraient récolter davantage de maïs et faire plus de pain. Et ce fut une révélation pour moi. C’est une leçon importante que la société a oubliée et j’essaye de faire en sorte qu’on s’en souvienne.
Pensez-vous que les gens se sentent davantage concernés par les problématiques environnementales ?
Je pense que Demain est un film très important, emblématique d’un nouveau mouvement consistant à mettre en lumière des solutions.
Problèmes environnementaux, augmentation des températures, fonte des glaciers… Les gens entendent en permanence tout un tas de problèmes et en arrivent au point où ils sont las des discours déprimants. Du coup, beaucoup de jeunes militants, de jeunes activistes ont clairement compris qu’il est temps de partager des informations concernant des solutions car il en existe de très bonnes.
Il faut juste qu’il y ait davantage de sensibilisation, que davantage de gens s’y intéressent afin que l’on puisse exiger de nos gouvernements qu’ils les mettent en place et commencent à réagir pour ralentir le réchauffement climatique.
Propos recueillis par Alexandra Moullec
A Grenoble, des solutions existent aussi
L’association Zero Waste France a lancé la démarche zéro déchets, zéro gaspillage en 2014. Pour démocratiser la démarche dans Grenoble et son agglomération, le collectif Zero Waste Grenoble a été créé il y a six mois. Il organise par ailleurs une réunion le 25 juillet à 19 heures à la Chimère citoyenne.
Bacs de compostage collectifs, lombricomposteurs pour appartements, site de donneurs de lombrics pour composteurs, ateliers Do it yourself (Faites-le vous-même)… Les initiatives ne manquent pas dans l’agglomération grenobloise pour développer les éco-réflexes.
La Métro a même lancé, dans le cadre de sa campagne de communication « Moins jeter, la bonne idée », une page Facebook répertoriant les bonnes idées et bons plans sur l’agglomération. En septembre, La bonne pioche, une épicerie privilégiant les produits locaux et 100 % sans emballages ouvrira ses portes en plein centre-ville.