FOCUS – La cérémonie de remise des prix du Concours des poètes de la Sémitag s’est déroulée mardi 14 juin 2016 à la bibliothèque du centre-ville de Grenoble. Objectif du concours : apporter une réflexion poétique sur la citoyenneté et le “vivre ensemble”, tout en offrant un moment d’évasion aux voyageurs du réseau Tag. Une 16e édition marquée par un record de participation avec 460 œuvres présélectionnées. Et une forte contribution des établissements scolaires.
Sandrine Duc, Nicolas Tauveron et bien d’autres poètes en herbe ou confirmés sont les heureux lauréats de la 16e édition du Concours des poètes.
Bon-cadeau, livres, stylos… Les gagnants ont reçu de nombreuses récompenses. La plus belle d’entre elles, sans doute : l’affichage de leurs œuvres sur le réseau Tag pendant tout le mois de juin.
Créé par le poète de rue Dominique Boitel de l’association Rime sans frime et la Sémitag en 2000, ce concours a vocation à lutter contre les incivilités dans les transports, à « susciter une réflexion et déclencher un échange autour des transports et des comportements dans les transports », explique Jean-Paul Trovero, maire de Fontaine et directeur de la Sémitag depuis 2015.
Cet évènement s’inscrit par ailleurs dans le cadre d’une manifestation nationale et internationale, le Printemps des poètes, visant à sensibiliser à la poésie sous toutes ses formes. Le thème cette année : « Le grand XXe, d’Apollinaire à Bonnefoy – cent ans de poésie ».
Pour Dominique Boitel, la poésie est une nécessité dans notre société. « La poésie est à la culture ce que la terre est à l’agriculture », précise-t-il.
S’associer avec la Sémitag ? Un choix stratégique pour la rendre accessible au plus grand nombre : « C’est un réseau qui s’adresse à beaucoup de personnes. Dans le tram, vous ne savez pas qui vous croisez, vous avez le gars en costume, le gars en survêtement… Il y a toutes les classes sociales ». Et d’ajouter : « Dans le tram ou les abribus, il y a plein de publicités. Donc pourquoi pas un peu de poésie de temps en temps ? »
« Dans le rétroviseur », un thème porteur
L’édition 2016 du Concours des poètes a été marquée par une participation record : 460 œuvres réceptionnées, dont 365 dans la catégorie texte et 95 dans la catégorie image. Le thème cette année « Dans le rétroviseur » en aura inspiré plus d’un.
« Une fois qu’on a eu lancé les élèves sur l’interprétation au sens figuré – regard vers le passé –, ça a donné des choses très intéressantes », souligne Nadine Ouabdesselam, professeure de français au collège Stendhal de Grenoble.
« Le thème était vraiment porteur. Au collège Henri Wallon, on a beaucoup d’élèves d’origines lointaines. Avec « Dans le rétroviseur », ils nous ont tous parlé de leur famille […] Ils ont vraiment écrit des textes magnifiques », s’émeut Carole Bourbon-Fourt, professeure de français au collège Henri Wallon de Saint-Martin‑d’Hères.
Même constat pour Nicolas Tauveron, lauréat du Concours des poètes dans la catégorie des plus de seize ans : « Le thème m’a parlé tout de suite. » Ses sources d’inspiration ? Le deuil, la page tournée et le jeu sur les mots rétro et viseur.
Pour Jean-Paul Trovero, le thème doit être lié à « la réalité Sémitag, le transport et le vivre-ensemble ». Jugé trop compliqué, le thème du Printemps des poètes (« Le grand XXe d’Apollinaire à Bonnefoy – cent ans de poésie ») n’a pas été retenu : « On veut éviter l’élitisme », souligne Dominique Boitel, membre du jury du Concours des poètes. « On préfère “rester Sémitag”. »
« Entre les lignes », « Correspondances »… le jury essaie donc toujours de trouver des thèmes accessibles et adapté aux publics scolaires qui participent massivement au concours. Pour Laurence Barray, chargée de communication à la Sémitag et membre du jury, « Dans le rétroviseur » fait référence au passé, élément présent dans le Printemps des poètes.
« Un record de participation »
« Au départ, on est toujours inquiets de savoir si les gens vont participer comme on l’espérerait et finalement, à chaque fois, c’est très bien et c’est même en progression puisqu’on a de plus en plus de retours, surtout chez les jeunes. Maintenant, les instits et profs […] partagent la poésie avec leurs élèves », sourit Dominique Boitel.
« Il y a même des petites classes avec des moins de douze ans qui participent en collectif. […] C’est tellement important de faire écrire des jeunes. »
Nicole Loynet, également membre du jury, précise : « C’était très difficile de départager les heureux gagnants et candidats […] Il y avait tellement de bonnes choses qu’on a eu beaucoup de mal à choisir. […] Il y a eu un record de participation de grande qualité, cette année ».
Avec 460 participants en 2016, contre 263 en 2015, le taux de participation a en effet fait un bond de 43 %. Et le concours a été marqué par une forte participation des établissements scolaires. Le collège Henri Wallon de Saint-Martin‑d’Hères s’est d’ailleurs distingué avec deux lauréats dans la catégorie des moins de douze ans et deux autres dans la catégorie des douze à seize ans.
« C’est une belle motivation pour les élèves car, la poésie, ils n’apprécient pas trop à l’origine mais, là, ils se sont tous pris au jeu. J’ai fait participer quatre classes, donc cent élèves et j’ai eu cent poèmes d’élèves motivés et intéressés par ce concours », souligne Carole Bourbon-Fourt. Et d’ajouter, avec enthousiasme : « Les élèves sont curieux de savoir pourquoi la Tag fait des concours de poésie et curieux de voir leurs travaux affichés aux arrêts de tramway. »
Pour sa consœur Nadine Ouabdesselam présente depuis le début de l’aventure poétique, on ne badine pas avec le Concours des poètes. Les élèves sont ainsi familiarisés avec la poésie dès septembre et ils travaillent toute l’année pour soumettre des œuvres abouties au concours.
Près d’une douzaine des élèves de l’enseignante ont été lauréats au cours de ces seize années. Approchant de la retraite, cette dernière devrait même rejoindre l’équipe du Printemps des poètes et du Concours des poètes de la Sémitag.
Seul petit bémol de cette édition 2016 : l’ouverture de la catégorie Images du concours aux vidéos n’a pas séduit les foules, avec une seule participation vidéo enregistrée. Un nouveau défi pour directeur de la Sémitag, qui compte bien développer cette section l’an prochain.
Alexandra Moullec