FOCUS – Le Réseau éducation sans frontière de l’Isère se mobilise contre l’expulsion, d’ici à la fin du mois de mars, de 35 familles de migrants hébergées par la Relève, à Échirolles. Des familles logées dans le cadre du dispositif d’hébergement d’urgence mis en place chaque année pendant l’hiver et dont personne ne semble vouloir assumer l’expulsion.
Alors que la trêve hivernale prendra fin le 31 mars au soir, le Réseau éducation sans frontière (RESF38) se mobilise contre l’expulsion prochaine de 35 familles logées par le centre d’hébergement de l’association La Relève.
Une cinquantaine de personnes se sont ainsi rassemblées le 16 mars dernier devant les locaux de l’association d’insertion, à Échirolles, pour leur venir en aide.
Ces familles, d’origines et de nationalités différentes, ont pour la grande majorité des enfants scolarisés dans des établissements de l’agglomération. La plupart ont été déboutées de leur demande d’asile et sont « en cours de demande de régularisation de leur séjour », explique Anne Villégier, membre de l’Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de protection (Apardap). « Ils mettent à la porte des gens en cours de demande de régularisation de titre de séjour et qui ont été déboutées en Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides, ndlr] et CNDA [Cour nationale du droit d’asile] », ajoute-t-elle.
Des familles en général déboutées de leur demande d’asile
Une situation inacceptable pour RESF38 qui a décidé de leur venir en aide. L’association estime, dans un communiqué de presse en date du 16 mars, qu’« il est illégal de mettre une personne hébergée à la rue si sa situation ne relève plus du dispositif dans lequel elle est hébergée. L’association qui l’héberge doit lui proposer une solution adaptée. Le droit à l’hébergement d’urgence est inconditionnel, il ne dépend pas de la situation administrative des personnes ».
Il semble que ce soit ce changement de statut qui “justifie” leur expulsion prochaine. Difficile toutefois d’en apprendre davantage sur leur situation juridique. « On doit préserver leur confidentialité », explique Marie Borne, présidente de la Relève.
Et celle-ci de rappeler que « ce sont des familles qui sont en général déboutées d’asile et qui ont pour certaines reçu des obligations de quitter le territoire ».
« Le choix de la poursuite de l’hébergement ne nous appartient pas »
De son côté, RESF38 déplore l’absence d’alternatives. « La Relève leur demande de quitter leur logement, sans leur proposer une autre solution d’hébergement, en contradiction avec les principes de continuité et d’inconditionnalité de l’hébergement », estime l’association dans ce même communiqué.
« Le choix de la poursuite de l’hébergement ne nous appartient pas. La Relève est une association de 50 salariés financée par la préfecture, la direction départementale de la cohésion sociale et le Conseil départemental. Tant que l’on est financé, on fait de l’accueil et de l’accompagnement social. Mis à part ces subventions, on n’a pas d’autres fonds. Si on n’est plus financé, on ne peut poursuivre l’hébergement et l’accompagnement social sans mettre en péril d’autres dispositifs », explique Marie Borne.
Avant d’ajouter que leur « responsabilité est de pérenniser l’association et les projets associatifs. On ne veut pas être réduit à l’association qui met les gens dehors. En ce moment, on fait aussi entrer des personnes dans des dispositifs post-hivernaux. […] On est dans des procédures et on va devoir les poursuivre car on n’a pas le choix. S’il n’y a pas de situation administrative claire, l’aspect logement a du mal à se débloquer », précise-t-elle.
Un désengagement de l’État ?
Sollicité à ce sujet, le Conseil général de l’Isère s’est contenté d’un bref courriel, dans lequel il estime ne pas avoir « de compétence pour l’hébergement d’urgence », celui-ci relevant selon lui de « l’État ».
Le Département rappelle également que « les 35 familles en cours d’expulsion avaient été accueillies dans le cadre du dispositif hivernal qui s’arrête chaque année au 15 mars [en réalité, le 31 mars, ndlr] » et qu’à « titre exceptionnel et suite à une évaluation individuelle au titre de la protection de l’enfance, le Département peut prendre en charge les femmes enceintes et les mères isolées, avec leur(s) enfant(s) de moins de 3 ans sans hébergement ».
Et l’État dans tout cela ? Les militants de RESF38 expliquent que l’État ne joue plus son rôle d’hébergement. Ils estiment qu’il n’assure pas « l’hébergement qui relève de sa compétence » et que « le conseil départemental n’assure plus sa mission de la protection de l’enfance, en suspendant toutes les aides d’urgence ».
Également mis en cause dans ce communiqué de presse, la préfecture de l’Isère, la Métro et la Ville de Grenoble n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Loin de vouloir s’avouer vaincues, les associations de défense des mal logés et non logés poursuivent leur combat. Elles organisaient d’ailleurs ce vendredi 25 mars, une journée solidaire, devant le Conseil général de l’Isère. Le collectif hébergement logement, qui rassemble plusieurs associations grenobloises, entendaient ainsi « dénoncer le processus général de déshumanisation des plus précaires orchestré par les Conseil départemental de l’Isère et la mise à mal de l’Aide sociale à l’enfance ».
Maïlys Medjadj