EN BREF – Quatorze perquisitions “administratives” suivies de six interpellations se sont déroulées à partir de 1 heure du matin, ce lundi 16 novembre, dans l’agglomération grenobloise. S’engouffrant dans les nouvelles possibilités ouvertes par la déclaration d’état d’urgence, le préfet de l’Isère a donné un premier coup de pied dans la fourmilière. En ligne de mire, des personnes proches du milieu des stupéfiants, susceptibles de détenir des armes et de fréquenter des individus radicalisés.
Les premières réactions de l’État suite aux attentats meurtriers de Paris ne se sont pas fait attendre. Pas moins de 23 personnes ont en effet été arrêtées en France, ce lundi 16 novembre, au cours de 168 perquisitions administratives touchant 19 départements, dont l’Isère.
Dès 1 heure du matin, les forces de police ont ainsi investi plusieurs quartiers de Grenoble, Échirolles, Saint-Martin-d’Hères et Fontaine. À Grenoble, ce sont notamment les quartiers Teisseire, Mistral et de l’Arlequin qui étaient dans le collimateur des forces de l’ordre.
Quatorze “cibles” – pour la plupart déjà connues des services de police et de justice –, susceptibles d’apporter un soutien logistique ou financier à des activités terroristes, ont ainsi fait l’objet de perquisitions administratives. Contrairement aux perquisitions judiciaires, ces procédures, autorisées dans le cadre de l’état d’urgence récemment décrété, permettent aux préfets d’ordonner des perquisitions. Et ce, sans que le contrôle d’un magistrat soit nécessaire.
Des individus sans rapport avec les attentats parisiens
« Il s’agissait pour nous, en priorité, de découvrir des armes en général utilisées par des délinquants de droit commun mais susceptibles d’être utilisées par des terroristes », a précisé Jean-Yves Coquillat, procureur de la République de Grenoble, lors d’un point de presse, ce lundi 16 novembre. Et de souligner avec insistance : « Ces individus n’ont aucun rapport avec les attentats parisiens. »
Sur ces quatorze objectifs, six personnes ont finalement été interpellées. Pour les huit autres, soit elles n’étaient pas présentes à leurs domiciles respectifs, soit les perquisitions se sont avérées infructueuses.
Deux Colt 45, un 357 Magnum et un AK-47
Le bilan est éloquent. Cinq armes de poing ont en effet été découvertes et saisies. Notamment deux Colt 45, un revolver 357 Magnum et un fusil d’assaut AK-47 sommairement neutralisé [facilement remilitarisable, ndlr]. De faibles quantités de stupéfiants ont également été découvertes : 35 grammes de cocaïne et 100 grammes de résine de cannabis. La somme de 28.000 euros, en petites coupures, a par ailleurs été saisie. Une somme rondelette appartenant à la personne détentrice du cannabis.
L’un de ces six individus faisait l’objet d’une fiche de recherche pour une peine de huit mois d’emprisonnement prononcée par la cour d’appel de Grenoble. Il a été incarcéré dans la foulée afin de la purger.
Sur les cinq personnes restantes, quatre feront l’objet de comparutions immédiates, ce mardi 17 novembre, pour détention d’armes de catégorie B et infraction à la législation sur les stupéfiants. Le cinquième individu ainsi qu’une autre personne découverte à son domicile feront, quant à elles, l’objet d’une ouverture d’information.
En effet, elles nient la possession d’armes jetées par la fenêtre et retrouvées à l’extérieur.
« L’état d’urgence permet des perquisitions décidées par le préfet qui ne sont pas forcément reliées à une infraction, explique le procureur. Nous aurions pu faire ces perquisitions dans le cadre d’une enquête judiciaire mais encore aurait-il fallu avoir des éléments qui nous permettent de savoir que ces personnes détenaient des armes. Si nous avions demandé au juge des libertés une autorisation de perquisition, nous ne l’aurions pas obtenue ».
Des individus déjà connus des services de police
Jean-Yves Coquillat en convient : « Il s’agit aujourd’hui de découvrir des armes et ces textes nous facilitent la tâche. Ceci étant, si les perquisitions s’avèrent positives, on revient dans une procédure normale. Les règles de droit restent applicables et elles seront appliquées. Il s’agit de faire preuve de fermeté mais dans les règles de la République », affirme le magistrat du parquet.
Quid du profil des personnes mises en cause ? Jean-Yves Coquillat dresse le portrait d’individus âgés de 29 à 55 ans. « Ce sont tous des gens bien connus des services de police. Certains ont déjà été condamnés et trempent dans le domaine des stupéfiants ; d’autres sont connus pour avoir détenu ou transporté des armes », précise le procureur.
Quant au lien avec les attentats de Paris, il est cousu de fil blanc pour le magistrat. Ces personnes ont été ciblées « parce qu’elles sont susceptibles de fréquenter des gens radicalisés. Il s’agit bien de répondre aux attentats de Paris et à la guerre qui nous est déclarée », conclut le procureur.
Joël Kermabon