FOCUS – Après l’accident de chasse qui a coûté la vie à un étudiant grenoblois, le samedi 10 octobre, à Revel, les réactions se multiplient. La Frapna et la LPO Isère, deux associations de protection de la nature, dénoncent « une politique de laisser-aller » et demandent notamment de nouvelles mesures de prévention et de sécurité pour un meilleur partage des espaces. Le débat est lancé.
« La survenance d’un tel drame n’est pas une surprise », estiment la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna) et la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Isère dans un communiqué de presse commun en date du 12 octobre, suite à l’accident de chasse survenu deux jours plus tôt, à Freydières, sur la commune de Revel, en Isère.
Un accident au cours duquel un étudiant grenoblois de 20 ans a trouvé la mort. Le jeune homme, « originaire de Nîmes » et « étudiant en géographie » selon l’AFP, aurait été tué accidentellement par un coup de fusil de chasse alors qu’il se promenait sur un chemin forestier avec un ami.
Le chasseur âgé de 61 ans soupçonné d’être à l’origine de ce tir a, lui, été mis en examen en début de semaine pour homicide involontaire et libéré sous contrôle judiciaire, d’après le site internet de France 3 Alpes.
« Le résultat d’une politique de laisser-aller »
Face à cet événement, la Frapna Isère et la LPO Isère dénoncent la « prise en otage de la nature et des citoyens » par les chasseurs et « l’insuffisance des règles obligatoires de sécurité ». Les deux associations départementales de défense de l’environnement estiment également que cet accident « n’est pas fortuit mais le résultat d’une politique de laisser-aller irresponsable mise en place afin d’enrayer la réduction du nombre de chasseurs ».
« Si la chasse est autorisée, il est intolérable que cela soit au détriment de la sécurité et de la quiétude des non-chasseurs », ajoutent-elles. Les deux associations pointent notamment du doigt le manque de formation.
« L’aptitude technique du chasseur n’est jamais contrôlée, le permis de chasse une fois délivré est valable à vie. Aucune formation continue ou évaluation ponctuelle n’est obligatoire. Une infirme minorité de chasseurs a passé un examen pratique validant son permis de chasse, cet examen n’ayant été rendu obligatoire qu’en 2003, et près de la moitié des chasseurs n’a jamais eu à passer d’examen. La réforme de cet examen pratique depuis 2014 ne concerne que les nouveaux chasseurs », expliquent-elles.
La Fédération départementale des chasseurs de l’Isère, qui compte 18.000 chasseurs licenciés, se dit de son côté « profondément touchée par cet accident ». Elle rappelle par la voix de son président, Jean-Louis Dufresne, que « 750 chasseurs sont formés chaque année » en Isère et que, depuis 2007, plus de 6.000 chasseurs ont bénéficié d’une formation. « Depuis cette année, nous mettons en place des formations sur le terrain », ajoute-t-il.
Des problèmes récurrents ?
Ce nouvel accident serait-il l’arbre qui cache la forêt ? Des problèmes avec les chasseurs auraient en effet déjà été signalés à plusieurs reprises aux autorités compétentes, selon France 3 Alpes. Dans un article publié le 12 octobre sur son site internet, le média explique que plusieurs témoignages sont parvenus ces derniers jours à la rédaction. France 3 Alpes fait notamment part du témoignage d’une chasseuse surnommée “Mauricette” et d’une lettre qu’elle aurait adressée à l’Office national de la chasse, au maire de Revel, à la Fédération des chasseurs, au procureur de la République et au préfet de l’Isère.
Dans ce courrier, elle fait part d’un incident survenu le 20 septembre 2013, à Freydières. Un courrier qui serait resté sans réponse… De son côté, Jean-Louis Dufresne tient à rappeler que « le nombre d’accident de chasse est en baisse », ces dernières années. « Il y a entre un et trois accidents par an mais uniquement entre chasseurs et nous n’avions pas eu d’accident mortel depuis dix ans », précise-t-il.
Un appel à la mobilisation
Face à ce drame, la Frapna et la LPO Isère appellent à la mobilisation pour « exiger des autorités publiques et des élus de respecter l’aspiration légitime de tout un chacun à se promener, effectuer une activité sportive, randonner, cueillir des champignons, aller à la rencontre de la faune sauvage dans les espaces naturels en toute quiétude et en totale sécurité ».
Les deux associations demandent notamment que la chasse soit interdite « dans les espaces fréquentés et protégés », ainsi qu’ « aux abords de tous les sentiers et chemins de randonnées fréquentées toute l’année ». Elles veulent aussi de « vrais contrôles sur les aptitudes techniques et le respect des règles de sécurité des chasseurs » et qu’un « second jour de non chasse hebdomadaire soit fixé le dimanche ».
Actuellement, le seul jour de non chasse est le vendredi… La préfecture de l’Isère que nous avons contactée sur ce point n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.
La situation est-elle amenée à évoluer ? Peut-être… Dans un souci de dialogue et sans doute aussi pour redorer son blason, la Fédération départementale des chasseurs de l’Isère précise en effet dans un communiqué qu’ « une rencontre avec l’équipe municipale de Revel s’est tenue ce lundi 12 octobre afin d’établir des premières réflexions sur le partage de l’espace ».
L’association dit par ailleurs suivre « avec attention l’évolution de l’enquête et prendra les mesures nécessaires afin qu’un tel drame ne se reproduise pas ». « Une nouvelle réunion doit être organisée en début de semaine prochaine », assure en tout cas Jean-Louis Dufresne.
Maïlys Medjadj