FOCUS – La France va-t-elle être sanctionnée par la Commission européenne pour non-respect des valeurs réglementaires en matière de pollution aux particules fines et au dioxyde d’azote ? Alors que Bruxelles menace, Paris aligne les plans. En attendant, un habitant de Mistral inhale deux fois plus de dioxyde d’azote que son voisin de La Villeneuve.
La France va-t-elle être sanctionnée par l’Europe ? Depuis 2007, la Commission européenne enjoint l’Hexagone de respecter les valeurs réglementaires en matière d’émissions de polluants atmosphériques.
Dans le collimateur de Bruxelles : les dioxydes d’azote (NO₂) et les PM 10, ces particules en suspension dans l’air dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres. Deux polluants majoritairement issus du trafic routier et notamment des véhicules diesel.
Les valeurs limites mesurées sont trop hautes, pointe Bruxelles. Pas partout en France mais à Grenoble oui. Que ce soit pour les PM 10 ou le NO₂, les seuils sont régulièrement dépassés dans l’agglomération, dès lors que l’on se trouve à proximité d’un axe routier.
Premiers touchés, les habitants du centre-ville et riverains d’axes routiers
La pollution de fond urbaine reste, elle, dans les clous. Mais comment s’en satisfaire ? Un habitant de Mistral inhale deux fois plus de dioxyde d’azote que son voisin de La Villeneuve…
Un état des lieux dressé pour le plan de protection de l’atmosphère montre qu’en 2007 la totalité de la population du cœur de l’agglomération grenobloise, soit 319.000 habitants, était soumise à des niveaux de pollution aux particules PM 10 supérieurs à la valeur limite. Pendant plus de 35 jours, la concentration en particules en suspension était supérieure à 50 microgrammes/m³ en moyenne annuelle.
Premiers touchés ? Les habitants du centre ville, les riverains de la rocade et des axes routiers principaux. Et pas que dans l’agglomération grenobloise. Le début des deux vallées du Grésivaudan et du Voironnais est concerné.
La pollution de l’air est l’une des premières causes environnementales de décès par cancer dans le monde. Elle est responsable de 600.000 morts, chaque année, en Europe. De 42.000 en France.
D’après une étude de l’Institut de veille sanitaire menée dans quarante communes autour de Grenoble, entre 100 et 200 personnes y succomberaient chaque année.
La France devant la cour européenne de justice ?
Le double contentieux qui oppose Bruxelles à Paris pourrait se traduire par une saisine de la Cour européenne de justice. En avril dernier, la Commission européenne a menacé la France de nouvelles poursuites judiciaires si le gouvernement français n’adoptait pas rapidement des mesures efficaces pour lutter contre la pollution aux particules fines dans une dizaine de zones. Dont Grenoble. Avec pénalités financières à la clé.
Rien que pour les PM 10, les Français s’exposeraient à une amende de 11 millions d’euros et à des astreintes journalières d’au moins 240.000 euros par jour jusqu’à ce que la qualité de l’air soit respectée, précise l’association Santé environnement France. « Une année de dépassement pourrait ainsi coûter 100 millions d’euros », calcule l’association.
« L’État a indiqué qu’il reporterait sur les collectivités le coût de l’amende », souligne Yann Mongaburu, le président du SMTC, le syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération grenobloise.
Grenoble l’écolo, se met au pli. Outre les certificats de qualité de l’air, qui seront expérimentés dès l’automne 2015, la ville vient d’actionner le 22e point de son plan de protection de l’atmosphère, en mettant en place un nouveau protocole pour anticiper et réduire les pics de pollution.
Cela suffira-t-il à rassurer Bruxelles ? « L’Union européenne condamne surtout l’inaction de l’État », souligne Camille Rieux, chef de projet à Air Rhône-Alpes, l’organisme chargé de surveiller la qualité de l’air.
En France, les plans d’action se succèdent. Se font, voire se défont, comme feu les Zapa, ces zones d’actions prioritaires pour l’air dont Grenoble devait hériter. Prochain sur la liste ? Après les territoires à énergie positive et les territoires zéro déchets, un appel à projets a été lancé pour les « villes respirables dans cinq ans ». En septembre, on saura si Grenoble est retenue. En attendant, on est prié d’arrêter de respirer…
Patricia Cerinsek