ENTRETIEN – Enseignant et maître de conférences en sociologie à l’Institut d’études politiques de Grenoble, Gilles Bastin revient sur le traitement médiatique des attentats perpétrés à Charlie Hebdo et sur les événements qui ont touché la France ces derniers jours. Chercheur au CNRS et spécialiste des médias, il nous livre aussi sa pensée sur la liberté d’expression et d’opinion.
La ligne éditoriale de Charlie Hebdo divise la presse américaine. Pensez-vous que cela puisse être le cas aussi en France ?
Le dessin de presse et la satire ont une dimension très “culturelle”. Ils ne passent pas facilement les frontières, qu’elles soient géographiques ou sociales. Aux États-Unis, la religion est très respectée. On s’en moque peu. Et les anglo-saxons préfèrent le plus souvent un humour en douceur, cultivant le nonsense, l’absurde.
Ceci étant dit, la décision du rédacteur en chef du New York Times, Dean Baquet, de ne pas publier les caricatures de Mahomet a suscité un très large débat dans le public américain. Dans le contexte actuel, la question n’est plus en effet de savoir si ces caricatures sont réussies ou si elles font rire. Il s’agit, avant tout, de marquer un attachement de principe à la liberté d’expression. Le Washington Post a, quant à lui, bien publié une Une de Charlie Hebdo caricaturant le prophète.
En France, il me semble que c’est l’unanimisme qui prévaut pour le moment. La proximité de l’événement joue évidemment, comme la gravité politique de ce qui est en train de se passer. Il ne faut pas non plus négliger le fait que les dessinateurs de Charlie Hebdo avaient tous une sensibilité différente et, parfois, une très longue histoire comme chroniqueurs de notre société. Chacun peut s’identifier à l’un ou l’autre. Il paraît peu probable, en revanche, que tous ces nouveaux lecteurs le restent très longtemps quand la phase du symbole aura été dépassée. Le caractère “clivant” de la caricature reprendra sans doute le dessus.
Selon vous, la liberté d’expression a‑t-elle des limites ? Et si oui, lesquelles ?
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