REPORTAGE – Un défilé plutôt atypique était organisé, ce samedi 22 novembre, dans les rues du centre-ville de Grenoble par les Jeunes écologistes : une stagiaire pride. Leur objectif ? Dénoncer la précarité des jeunes diplômés et leurs difficultés à s’insérer sur le marché du travail.
« Tout travail mérite stagiaire », « Sois stage et tais-toi », « Travailler plus pour gagner moins »… Tels étaient les slogans que l’on pouvait lire samedi sur les nombreuses pancartes de la Stagiaire pride.
Ce rassemblement visant à protester contre l’usage intensif des stages était organisé par les Jeunes écologistes de France, en déplacement à Grenoble. La capitale des Alpes, devenue leur « Terre sainte » depuis l’élection d’Eric Piolle, accueillait en effet leur forum fédéral sur le thème du travail, du 21 au 23 novembre.
Stages café et photocopie
Dans une ambiance chaleureuse et humoristique, stagiaires et demandeurs d’emploi se sont réunis dès 15 h 30 place Notre-Dame. Ils étaient une bonne centaine à affirmer, non sans humour, leur amour des photocopies et du café bien fait… ainsi que leur satisfaction à toucher 436 euros mensuels d’indemnisation.
Car, sans tomber dans les clichés, la réalité du marché du travail pour les jeunes diplômés n’est vraiment pas réjouissante. Les entreprises ont de plus en plus recours à des stages et au volontariat pour bénéficier d’une main‑d’œuvre qualifiée et à faible coût.
« Dans les offres d’emploi, les entreprises demandent de l’expérience, mais comment en avoir quand personne ne veut nous en donner ? » interroge Lucile, ingénieure en énergies renouvelables, actuellement au chômage. « On se recentre sur le stage qui n’est plus un tremplin, mais une nouvelle forme de contrat. »
Écologistes militants et premiers concernés
Aux alentours de 16 heures, les jeunes manifestants se sont mis à défiler dans les rues du centre-ville de Grenoble, tout en poussant la chansonnette et en gardant le sourire. Très politisés, les jeunes écologistes n’en étaient pas moins concernés à titre personnel par la question des stages. La plupart s’exprimaient ainsi à la fois en leur nom et au nom de ceux qu’ils représentaient : les nouvelles générations.
Rosalie, porte-parole au niveau fédéral du mouvement des jeunes écologistes, a ainsi commencé son parcours politique en même temps que ses premiers pas dans la vie active.
Manger des pâtes pendant six mois…
Diplôme en poche et des rêves pleins la tête, ces anciens étudiants sont contraints de faire rapidement des choix : poursuivre par un stage pour étoffer leur curriculum vitae, sans être autonomes financièrement et en galérant, ou opter pour un job alimentaire afin de payer le loyer et remplir le frigo. Survivre ou vivre en somme.
Pierre*, lui, a mangé des pâtes pendant ses six mois de stage. Cela valait le coup. Enfin, le pensait-il, un emploi sous contrat étant à la clé. Une promesse qui est restée sur le papier.
Un léger mieux
En France, le sujet est sensible. Selon le Conseil économique, social et environnemental, le nombre de stagiaires est passé de 600 000 en 2006 à 1,6 million en 2012. Les textes s’entassent et les mesures se discutent à l’Assemblée.
En février dernier, une proposition de loi sur l’encadrement accru des stages a tout de même vu le jour. A la clé, la gratification de 436 euros dès le premier jour pour les stages supérieur à deux mois, la prise en charge partielle des frais de transport et les tickets restaurants.
Autre point notable : le droit du travail a été renforcé. Les compétences de l’inspection du travail s’étendent désormais aux abus de stages et les prud’hommes ont des délais raccourcis pour se prononcer sur la requalification de certains stages en contrats de travail.
Quoi qu’il en soit, le problème risque de mobiliser quelques années encore les élus de tous bords.
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Arnaud Chastagner
* Certaines personnes ont souhaité garder l’anonymat afin de ne pas réduire leur chance de trouver un travail.