ÉVÉNEMENT – Ce dimanche 23 novembre 2014, Éric Piolle a officialisé le démantèlement des mobiliers urbains pour l’information dans Grenoble. En clair, l’affichage publicitaire va reculer, comme le prévoyait le quinzième engagement du programme du Rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes. Sans compter que la suppression des panneaux publicitaires éclairés de nuit, s’inscrit aussi dans une optique de dépollution lumineuse de la ville.
C’est acté. Grenoble va devenir la première ville européenne à avoir dit non à JCDecaux, leader mondial de l’affichage. Tout le mobilier urbain pour l’information va ainsi être démonté par la multinationale à partir du mois de janvier 2015. Soit 227 sucettes (120 x 176 cm), 64 panneaux (8 m²), 15 panneaux (2 m²) sur kiosques et 20 colonnes Morris. Un coup de balai qui devrait quelque peu changer le visage de la cité.
La fin de l’opération de démontage est prévue pour début mai 2015. Resteront, temporairement, les quelques panneaux fixés aux murs des copropriétés que la ville entend bien voir démontés rapidement. Pour ce faire, une révision du règlement local publicitaire sera voté au conseil municipal dès le mois de décembre prochain.
Après São Paulo, Grenoble est la deuxième ville au monde à franchir le pas. Son contrat avec la multinationale JCDecaux, spécialisée dans la publicité urbaine et en situation de monopole sur la ville, arrivait à son terme le 31 décembre 2014. Il ne sera pas renouvelé. Tout simplement.
150 000… ou 645 000 euros de pertes
Une mauvaise nouvelle pour JCDecaux, d’autant que la multinationale – devenue le premier afficheur mondial – a bâti toute sa réputation sur la normalisation de la communication extérieure. Elle propose, de son point de vue, un affichage plus propre, plus rare et faisant office d’outil de service urbain. Comme les abribus, posés et entretenus par JCDecaux.
Avec 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaire l’an dernier, le premier afficheur mondial ne devrait pas trop souffrir financièrement de ce revers. D’autant que les mille abribus existants dans l’agglomération grenobloise seront maintenus, le contrat de JCDecaux avec le Syndicat mixte de transports en commun (SMTC) n’arrivant à échéance qu’en 2019.
Pour ce qui est de la municipalité grenobloise, elle estime le manque à gagner à “seulement” 150 000 euros annuels, mettant en avant le recul du marché publicitaire depuis 2008. Une somme contestée par l’opposition de gauche, qui rappelle que la redevance payée par JCDecaux à la ville s’élevait à… 645 000 euros par an, sous la municipalité Destot de 2004 à 2014. De son côté, le groupe JCDecaux, sollicité à plusieurs reprises, n’a pas souhaité s’exprimer pour le moment.
Développer l’affichage libre
Plan lumière oblige, ce n’est donc pas à Grenoble que JCDecaux installera ses nouveaux panneaux publicitaires numériques. Un premier pas dans le respect du 40ème engagement de la municipalité verte visant à réduire la pollution lumineuse en ville.
« Les responsables publics traditionnels ont pris du retard sur les nouvelles aspirations des habitants, sur les nouvelles façons de vivre et d’échanger, affirme le maire Eric Piolle. Alors que la réalité a évolué depuis longtemps, ils maintiennent en vie les vestiges des Trente Glorieuses et de la société de consommation : affichage publicitaire, grandes surfaces, grands projets inutiles… »
Ainsi la municipalité va-t-elle libérer l’espace public de 2 051 m² de publicité pour le remplir autrement. Avec des arbres et de nouveaux panneaux. Pour reverdir la ville, 30 à 50 arbres seront ainsi plantés en lieu et place d’anciens espaces publicitaires. 160 nouveaux panneaux seront également installés dans la ville, en vue de développer l’affichage libre. Le tout, à partir de juillet 2015.
300 points d’affichage libre
La taille de ces nouveaux panneaux sera relativement réduite puisque ceux-ci sont destinés aux piétons et non plus aux automobilistes. Ces derniers s’ajouteront aux 160 qui existent déjà. Au total, la ville comptera ainsi plus de 300 points d’affichage libre, culturel et citoyen.
Pour ne pas tout mélanger, la municipalité entend réserver une part des panneaux aux associations, une autre à la communication culturelle locale (annonce de spectacles, concerts, expositions) et enfin, un dernier jeu à l’expression citoyenne et artistique. Quant à la communication municipale (plan de la ville etc.), elle subsistera. Tout n’est pas encore fixé.
Dans un esprit de co-construction, la ville entend, en effet, consulter dès janvier 2015 les acteurs culturels (intervenants, associations etc.), l’idée étant de réfléchir ensemble aux meilleurs lieux d’implantation des nouveaux panneaux. Ce nouveau dispositif endiguera-t-il l’affichage sauvage ? La municipalité l’espère.
Et Éric Piolle d’ajouter : « Il est temps d’aller de l’avant, et de faire émerger une ville plus douce et plus créative. Une ville pensée à hauteur d’enfant. Une ville moins agressive et moins stressante, au service de notre créativité et de notre identité. Libérer l’espace public de Grenoble de l’affichage publicitaire est un pas dans cette direction. »
Bientôt des hommes-sandwich ?
Comment le commerce va-t-il réagir à Grenoble ? Verra-t-on un jour sur les trottoirs le retour des hommes-sandwich ? Grenoble convaincra-t-elle d’autres villes de l’agglomération ? Fera-t-elle des émules ailleurs ? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, tous les yeux sont pour l’heure rivés sur la capitale des Alpes, qui devient la nouvelle ville-laboratoire sans pub.
Car São Paulo qui faisait jusqu’alors figure d’exception n’a finalement résisté que cinq ans avant de succomber aux sirènes de la publicité. Depuis 2011, le retour de l’affichage publicitaire dans l’espace public s’était opéré très progressivement. Mais cette année, la ville a clairement cédé aux avances juteuses de JCDecaux…
Véronique Magnin
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