FOCUS – Ce sont les Petits Poucets du scrutin municipal grenoblois. Tardivement entrés en campagne, ces trois candidats campent dans les dernières places des sondages d’intentions de vote. Leurs profils divergent autant que leurs ambitions électorales. Place Gre’net fait les présentations.
Dans la pré-campagne municipale, il croise le chemin de Gilles Dumolard, l’ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie de Grenoble qui, comme lui, souhaite monter une liste autonome.
« Gilles Dumolard avait un entourage néfaste. L’homme était respectable et respectueux. Malgré son âge, il était le plus jeune en politique ! Mais beaucoup de personnes voulaient profiter de sa notoriété pour leurs propres ambitions. Cela devenait opaque », commente l’ancien partisan. L’aventure a tourné court. La transparence justement, c’est la valeur qu’il souhaite incarner dans cette campagne. « La politique, c’est l’affaire de tous. Les techniciens de la politique, c’est les citoyens. Aujourd’hui, les partis veulent complexifier les dossiers pour empêcher le citoyen lambda de les comprendre », analyse-t-il. Son arme ? L’open-data. « Le numérique est un atout, utilisons-le ! Il faut rendre toutes les données municipales aux citoyens pour qu’ils puissent s’approprier leur ville ».
« Les élections font partie du combat politique pour populariser nos idées, même si nous pensons qu’elles ne changeront pas la vie des travailleurs. Elles ont toujours une signification politique. Il faut les utiliser pour permettre aux travailleurs de rejeter la politique gouvernementale, sans avoir à cautionner la droite et l’extrême droite », justifie la candidate.
Service public du logement, interdiction des licenciements et des aides publiques aux grandes entreprises… La candidate n’a aucun programme local. Et l’assume : « J’ai l’honnêteté de dire que les problèmes fondamentaux seront résolus par des interventions à l’échelle du national. Comme les luttes de mai 68 ou de juin 36. Je n’ai aucun mépris pour les problèmes locaux car ce sont les mêmes partout : la misère et le chômage massif. Mais ce ne sont pas les municipalités qui ont les moyens de lutter. »
Derrière les élections locales, les scrutins auront aussi une signification politique nationale et seront en partie analysés comme tels. « Il faut montrer une opposition ouvrière à ce gouvernement qui a conduit une politique plus destructrice pour les milieux populaires que le précédent. » En revanche, c’est à l’échelle locale que s’amorce cette « opposition ouvrière », selon Catherine Brun. « J’étais la semaine dernière avec les travailleurs de Vencorex à Pont-de-Claix qui se mobilisent pour conserver leurs emplois. Puis avec les postiers qui luttent contre la réorganisation de leur travail ».
Lorsque sont évoquées des affinités idéologiques avec le candidat écologiste Eric Piolle – telles la lutte contre la spéculation immobilière, l’opposition au subventionnement d’entreprises privées ou la municipalisation de services essentiels – la candidate se braque. « Les écologistes sont au gouvernement. Je ne les ai pas entendus se désolidariser des mesures anti-ouvrières prises par leur gouvernement, comme l’accord national interprofessionnel. Je condamne ce jeu des partis qui se rangent finalement toujours derrière les socialistes. Ils trompent les travailleurs depuis des années et les mettent à la remorque du PS qui défend la bourgeoisie. » Elle n’oublie pas pour autant ses principaux adversaires. « Droite et extrême droite restent des ennemies mortelles ».
L’avant-dernière semaine de campagne était la première pour Maurice Colliat et son équipe du Parti ouvrier indépendant (POI). Il n’en est pas plus joignable pour autant. Sept jours auront été nécessaires pour contacter directement celui qui se plaint, par ailleurs, du manque de représentation de son parti dans les médias.
L’enseignant spécialisé de 64 ans, syndiqué depuis ses 20 ans, n’est guère précis sur le nombre de candidatures qu’il a portées. « Je participe aux scrutins électoraux depuis une vingtaine d’années ; trois ou quatre fois aux élections cantonales, quelques fois également aux élections législatives ». Il n’a jamais dépassé 1% des voix avec cette formation politique qui met peu en avant la personnalité des candidats. « C’est notre programme qui prime. Peu importe la personne qui le porte. J’ai été désigné tête de liste car j’avais un peu d’expérience. »
Pour le premier tour des municipales de ce dimanche, le tirage au sort a positionné le POI à l’extrême gauche des panneaux électoraux. C’est généralement de la même manière que ce parti est classé sur l’échiquier politique, même s’il s’en défend. « Nous refusons d’être qualifiés d’extrême gauche. Nous sommes très calmes, très patients. Nous n’organisons aucune action spectaculaire, s’agace le candidat tête de liste. Le parti a même entamé des démarches jusqu’au conseil d’État pour être qualifié de divers gauche » Une demande dont il a été débouté.
Le programme de la liste tient sur l’affiche de campagne. La première mesure – l’abrogation de la réforme des rythmes scolaires – ne fait pourtant pas partie des compétences municipales. L’ancien enseignant estime que cette mesure « a été mise en place de façon anticipée à Grenoble. Les petites communes n’auront pas les moyens de faire appliquer cette réforme convenablement. Cela va à l’encontre de l’école républicaine. Nous ne pouvons que nous y opposer. »
Seconde mesure défendue par la liste : faire sortir Grenoble de la Métro. « Nous prônons le retour aux syndicats intercommunaux qui respectaient la souveraineté communale ». Le rétropédalage comme méthode politique au service d’une ambition de taille : « Nous souhaitons gagner et obtenir une majorité municipale ».
Victor Guilbert
Lahcen Benmaza, l’aventurier transparent« La première des victoires, c’est d’avoir présenté cette liste. Maintenant, c’est que du bonus », se félicite avec lucidité, Lahcen Benmaza. À 27 ans, le benjamin des candidats n’en est pas à son coup d’essai. Déjà candidat sans étiquette aux élections législatives de 2012 sur la première circonscription de l’Isère, il avait recueilli 0,55% des suffrages exprimés, soit 177 voix. Engagé dans le milieu associatif en tant qu’éducateur de football, il a pris la direction d’un centre de loisirs à Fontaine, puis est devenu animateur référent d’une école grenobloise. Il se lance aujourd’hui dans l’entrepreneuriat de communication. Après une période de réflexion et le lancement du Mouvement citoyen et solidaire – sa propre organisation politique – il s’est finalement porté candidat, en janvier 2014. « En indépendant », précise-t-il, pour « faire évoluer la société, hors de ce système politique de bipartisme ». Réalisation : JK Production. « Je me sens hors de l’échiquier politique. Le clivage droite-gauche me dérange énormément. Les bonnes idées n’ont pas de couleur », résume-t-il désormais. S’il tient autant à son autonomie aujourd’hui, c’est cependant après une première expérience en tant que « spectateur » en politique, à l’UMP notamment. Il y a appris « comment fonctionnait un parti, la place des militants et ce qu’était une carrière politique ». Déçu, il a rapidement claqué la porte. « Je me suis rendu compte que les partis prenaient beaucoup de place, les citoyens nettement moins ».
Lahcen Benmaza, tête de liste Grenoble en valeur pour les municipales Grenoble 2014. © Véronique Serre
« Gilles Dumolard avait un entourage néfaste. L’homme était respectable et respectueux. Malgré son âge, il était le plus jeune en politique ! Mais beaucoup de personnes voulaient profiter de sa notoriété pour leurs propres ambitions. Cela devenait opaque », commente l’ancien partisan. L’aventure a tourné court. La transparence justement, c’est la valeur qu’il souhaite incarner dans cette campagne. « La politique, c’est l’affaire de tous. Les techniciens de la politique, c’est les citoyens. Aujourd’hui, les partis veulent complexifier les dossiers pour empêcher le citoyen lambda de les comprendre », analyse-t-il. Son arme ? L’open-data. « Le numérique est un atout, utilisons-le ! Il faut rendre toutes les données municipales aux citoyens pour qu’ils puissent s’approprier leur ville ».
Catherine Brun, lutteuse nostalgique« Je suis de la génération d’après mai 68 qui est toujours restée révoltée par cette société profondément injuste et inhumaine ». La mélancolie révolutionnaire revient régulièrement dans le discours de Catherine Brun. À 57 ans, cette enseignante d’histoire-géographie exerce en zone d’éducation prioritaire (Zep) depuis onze ans. Militante de toujours chez Lutte ouvrière depuis ses 17 ans, c’est avec la même opiniâtreté qu’elle participe aux différents scrutins électoraux pour représenter sa formation politique. Mais ses résultats sont moins linéaires. Après 1,43 % des voix aux municipales en 2008 et 0,49 % aux législatives de 2012, elle est aujourd’hui créditée de 1 % dans les sondages.
Catherine Brun, tête de liste Lutte ouvrière aux municipales de Grenoble 2014. © Véronique Serre
Catherine Brun, tête de liste Lutte ouvrière aux municipales de Grenoble 2014. © Véronique Serre
Maurice Colliat, le passéiste inoxydable
Affiche de campagne de Maurice Colliat du Parti ouvrier indépendant. © Nils Louna
© Nils Louna