FOCUS – Trop à l’étroit dans l’ancien musée du XIXème siècle construit place de Verdun d’après les plans de Charles-Auguste Questel, les collections ont été déplacées il y a 20 ans. Le 29 janvier 1994, le musée ouvrait pour la première fois ses portes au public, place de Lavalette. Si celui-ci reste d’une étonnante modernité, il manque aujourd’hui à nouveau un peu d’espace.
« Nous avions une collection, l’une des toutes premières de France et d’Europe. A partir de cette collection, nous avons écrit le programme muséographique et ensuite nous avons construit le bâtiment » confiait, le 28 janvier 1994, Serge Lemoine, alors conservateur du musée de Grenoble. L’humilité du projet architectural, entièrement dévoué aux œuvres, ne doit toutefois pas masquer la formidable performance des trois architectes retenus, Olivier Félix-Faure, Antoine Félix-Faure et Philippe Macary. L’utilisation des dernières technologies et l’agencement complexe et judicieux des formes a donné lieu à la construction d’un édifice moderne et adapté. Celui-ci permet en effet de mettre en valeur et d’exposer largement les pièces les plus importantes et les plus célèbres, tout en préservant les chefs-d’œuvre pour les générations futures.Une création artistique qui reste moderne
Le climat, la lumière, la pollution, les infestations d’insectes… Tout devait être maîtrisé. Des mesures ont donc été prises pour réduire au maximum le nombre et la gravité des dégradations que les facteurs environnementaux aidés par le temps ne manquent pas de produire sur les œuvres exposées. De quoi limiter le travail de restauration qui fait partie des missions du musée. Au-delà de son côté parfaitement fonctionnel, cet édifice est réussi, surprenant. « C’est une création artistique qui n’a pas vieilli en vingt ans. Il suffit d’interroger les visiteurs pour se rendre compte immédiatement du plaisir que procure cette architecture avec sa lumière, ses espaces, ses ouvertures sur l’extérieur et sa dimension très vivante » assure Guy Tosatto, directeur et conservateur du musée depuis 2002. « L’architecture a permis de montrer la collection au public comme on ne l’a jamais montrée jusqu’alors ». Et le musée « permet au visiteur de trouver tout ce qu’il est en droit d’attendre d’un musée moderne digne de ce nom ». A savoir, en plus des salles d’exposition et d’un auditorium, une bibliothèque autour de l’histoire de l’art, un centre de documentation accessible aux chercheurs, une librairie et aussi, un restaurant.Un musée à l’étroit
Une loi française interdisant aux musées de vendre les œuvres inscrites à l’inventaire, les collections s’agrandissent inexorablement. « Le bâtiment a un petit peu atteint ses limites, après deux décennies d’existence » juge ainsi Guy Tosatto. Les salles – 1 et – 2, consacrées à l’art contemporain, sont les plus problématiques, « compte tenu à la fois du format des œuvres contemporaines, souvent assez imposant, et de la richesse de la collection d’art contemporain du musée de Grenoble » confie le conservateur. Pour autant, l’agrandissement du musée n’est pas d’actualité. Ce n’est aujourd’hui qu’un rêve. Une reprogrammation muséographique a déjà été réalisée il y a dix ans avec les architectes du musée. « J’ai entièrement repris l’accrochage du XXème siècle pour laisser une place plus importante à certains mouvements de l’art contemporain », explique Guy Tosatto. Le musée ne prévoit toutefois pas de reprogrammation muséographique à court terme. Aujourd’hui, en l’état des collections, cela nécessiterait de faire des choix cornéliens. « On a la nécessité de montrer nos grands chefs-d’œuvre du XXème siècle. Sinon, toute une partie de notre public serait très frustrée de ne pas voir un certain nombre d’œuvres qu’il vient voir régulièrement au musée ». Ainsi, la stratégie adoptée est-elle aujourd’hui de renouveler l’accrochage assez régulièrement, compte tenu de l’enrichissement permanent des collections, en particulier dans l’art contemporain. « Le renouvellement de cet accrochage permet de montrer d’autres œuvres qui font parties de nos collections ». Une stratégie qui permet au musée de Grenoble de se placer dans le peloton de tête des musées régionaux. Réalisation Véronique Magnin et JK Production. Texte : Véronique Magnin Photographies : musée de GrenobleLe Musée des sous-sols au plafond Le musée de Grenoble s’insère dans un cadre historique plus ancien, celui du parc où se côtoient quinze sculptures du XXème et des vestiges médiévaux. Il est lui-même bâti sur des ruines gallo-romaines et érigé au dessus d’un parking de trois étages préservant les collections de tout risque d’inondation en cas de crue exceptionnelle de l’Isère. En son centre, une large galerie baignée de lumière naturelle fait office de colonne vertébrale. Depuis cette vaste rue intérieure, s’ouvrent des passages à gauche vers les collections permanentes. A commencer par les salles d’art ancien avec, au bout, les salles consacrées à la sculpture du XIXème. Ces dernières étaient « totalement absentes dans l’ancien musée du XIXème, place de Verdun » tient à préciser Guy Tosatto. Les ouvertures à droite permettent d’accéder aux salles dédiées aux expositions temporaires. La galerie débouche sur un immense espace courbe, où se déploient les collections du XXème. Et aux niveaux ‑1 et ‑2, les visiteurs peuvent découvrir les dernières propositions de l’art contemporain. Il ne faudrait pas oublier les premières salles en sous-sol dédiées au fonds d’antiquités égyptiennes étudié et documenté par Champollion, lors de ses séjours à Grenoble. Enfin, dans la tour de l’Isle, accessible par une passerelle vitrée et aérienne, le cabinet d’art graphique et ses dessins anciens. Quant aux indispensables réserves du musée, elles permettent de conserver tous types d’œuvres, « du timbre poste jusqu’à l’installation qui fait plus d’une centaine de mètres carrés » précise Guy Tosatto.