EN BREF – On sait détecter le mercure dans les organismes mais on savait moins jusque-là identifier l’origine de la contamination. Des expériences conduites par une équipe de chercheurs internationaux au Synchrotron européen de Grenoble sur un cheveu viennent de faire la lumière sur ces zones d’ombre.
Le mercure, on le retrouve dans le poisson ou le riz. Dans les amalgames dentaires, certains vaccins et médicaments aussi.
Si on sait détecter ce puissant neurotoxique qui s’accumule dans les organismes, notamment au travers des analyses d’urine, identifier l’origine d’une contamination au mercure pour évaluer le risque toxicologique et mettre en place un traitement, était jusque-là relativement hasardeux.
Des chercheurs du CNRS, de l’Université de Bordeaux, de l’Université Grenoble Alpes, de l’ESRF, le synchrotron européen de Grenoble, et de l’Université de l’Illinois à Chicago viennent de trouver la solution en développant de nouvelles techniques d’analyses permettant d’identifier les formes chimiques du mercure*.
Au moyen de deux lignes de lumière du synchrotron de l’ESRF, ils ont découvert qu’un pic de mercure observé sur un cheveu provenait du retrait d’un amalgame dentaire. Les expériences conduites à Grenoble permettent même de dater la période d’exposition, à un ou deux jours près.
En effet, avec un taux de croissance moyen d’un centimètre par mois, les cheveux peuvent capturer des événements de contamination avec une haute résolution temporelle. Un témoin clé qui vient ébranler quelques certitudes.
Après le mercure, place à d’autres métaux toxiques ?
« Les études épidémiologiques de la contamination au mercure par consommation de poisson font l’hypothèse que le mercure présent dans les cheveux provient uniquement de cette source, explique Kathryn Nagy, professeur de sciences de la Terre et de l’environnement à l’Université de l’Illinois à Chicago. Nos résultats montrent que ceci n’est pas forcément vrai. »
« Nous ne nous attendions pas à ce que le pic microscopique de mercure, de seulement 2,5 nanogrammes, ait une signature moléculaire aussi différente de celle du méthylmercure lié à la consommation de poisson, continue Alain Manceau, directeur de recherche au CNRS-Université Grenoble Alpes. Cependant, pour s’assurer que le mercure provenait bien de l’amalgame extrait, il était indispensable de connaître sa forme moléculaire, et notamment comment il était fixé aux protéines des cheveux. Ce travail minutieux d’investigation a pris plusieurs mois et nécessité l’utilisation de supercalculateurs pour modéliser les données. »
Patricia Cerinsek
* Les résultats ont été publiés dans la revue Environmental Science & Technology.