FOCUS – La région Auvergne-Rhône-Alpes gardera son nom. Ainsi en a décidé son président, Laurent Wauquiez, passant outre le vote des citoyens (envisagé dans un premier temps, puis balayé), l’avis des élus régionaux et même la consultation des habitants de la grande Région. Lesquels avaient placé Rhône-Alpes-Auvergne devant Auvergne-Rhône-Alpes…
La nouvelle région, réunion de Rhône-Alpes et de l’Auvergne, devrait s’appeler Auvergne-Rhône-Alpes. De provisoire depuis six mois, le nom devrait être définitivement adopté le 23 juin par l’assemblée régionale avant d’être validé par le Conseil d’État le 1er octobre 2016.
« Le choix du bon sens et de l’évidence », pour son président Laurent Wauquiez. Évident ? Pour en arriver là, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy et actuel numéro deux des Républicains a visiblement dû manœuvrer. Initialement, la Région avait prévu de consulter en premier les lycéens. Leurs propositions devaient être mises en ligne pour être soumises au vote des habitants. Le vote relégué aux oubliettes, la consultation a finalement été élargie à l’ensemble de la population.
Trente mille contributions plus tard, les Auvergnats et les Rhônalpins ont fait leur choix. Résultat : Auvergne-Rhône-Alpes (ARA) et Rhône-Alpes-Auvergne (RAA) se partagent, à eux deux, les trois quarts des suffrages, reléguant Centrealpes, Rhovergne, Auvralpes ou Monts de France loin derrière. C’est en tout cas ce qui a été annoncé officiellement en fin de semaine dernière.
Sans AURA, Rhône-Alpes-Auvergne en tête de la consultation
Combien ont recueilli respectivement ARA et RAA ? C’est là où ça se complique… Histoire de rééquilibrer les comptes, la balance penchant fortement côté Rhône-Alpes au regard du nombre d’habitants*, les services de la Région se sont lancés dans des calculs au prorata de la population. Logique.
Mais voilà, Rhône-Alpes-Auvergne est sorti en tête. Devant Auvergne-Rhône-Alpes, et devant l’acronyme AURA (AUvergne-Rhône-Alpes), bon troisième. Si l’on suit donc le raisonnement, Rhône-Alpes-Auvergne aurait dû s’imposer. Sauf que les services de la Région, après avoir proratisé, ont additionné. Partant du principe qu’ARA et AURA, c’était pareil, ils ont cumulé les suffrages.
C’est ainsi qu’Auvergne-Rhône-Alpes est, par un tour de passe-passe, sorti victorieux de la consultation.
Un choix entériné par Laurent Wauquiez, que le président de région a expliqué dans une interview à La Montagne, le quotidien régional auvergnat : « On me disait que Rhône-Alpes Auvergne se prononçait plus facilement, que c’était plus dynamique. Beaucoup de personnes ont fait pression en ce sens mais, finalement, je suis resté fidèle à l’Auvergne ».
Les conseillers régionaux, à qui sera soumis le choix du nom le 23 juin prochain, apprécieront d’être mis devant le fait accompli.
« C’est symptomatique des méthodes employées par Laurent Wauquiez », constate à moitié désabusé le conseiller régional Stéphane Gemmani (Cap21/société civile). « Le processus pose question, souligne de son côté Émilie Marche (Rassemblement citoyen écologique et solidaire). En Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand a fait beaucoup plus consultatif** ! »
Une solidarité avec l’Auvergne qui interpelle
Décision arbitraire ? « Laurent Wauquiez décide seul dans son coin », pointe une autre élue. Au risque de diviser. Les Auvergnats d’un côté, les Rhônalpins de l’autre. Au risque d’en favoriser certains aussi. Un de ses vice-présidents, l’Auvergnat Brice Hortefeux est ainsi délégué à l’aménagement du territoire et à la solidarité avec les territoires auvergnats…
Une solidarité qui en interpelle certains. « On en est au cinquième rapport de réhabilitation de logements dans le Cantal, comptabilise Émilie Marche. Et rien dans le Rhône ou en Isère ! »
Et la liste est longue. Il y a eu les 300.000 euros pour la mise en lumière du Puy-en-Velay, ville dont Laurent Wauquiez fut maire pendant sept ans. Les 70.000 euros pour rénover une église au Puy toujours. La participation attendue de la Région à la restauration d’une statue à Espaly, non loin du Puy…
« J’ai toujours dit que l’Auvergne ne serait pas oubliée, soulignait encore Laurent Wauquiez dans La Montagne. Pour moi, président auvergnat, c’est important ». Symbolique ? Sur les tables de la cantine du Conseil régional, une bière a fait son apparition. Elle vient du Puy-en-Velay…
Patricia Cerinsek
*1,3 million d’habitants pour l’Auvergne et 6,5 millions pour Rhône-Alpes.
**Les 170 conseillers régionaux avaient à choisir entre trois noms, sur proposition du président Xavier Bertrand (LR). Finalement, c’est Hauts-de-France qui l’a emporté.