Femme Rom à Grenoble. © Victor Guilbert - placegrenet.fr

Roms : entre soli­da­rité et exclusion

Roms : entre soli­da­rité et exclusion

La période hiver­nale ter­mi­née, le soleil enfin là, où en est-on de l’hé­ber­ge­ment des Roms à Grenoble ? Le point sur les condi­tions d’ac­cueil de ces popu­la­tions, avec les asso­cia­tions et les res­pon­sables politiques. 
Dans le bidonville Stalingrad, à Grenoble. (c) Victor GuilbertDans le bidon­ville Stalingrad, à Grenoble. © Victor Guilbert
Coincées entre une voie de train désaf­fec­tée et une rue tor­tueuse, des tentes émergent, à quelques pas de la Maison de la Culture de Grenoble. Beaucoup d’en­fants dans ces habi­ta­tions de for­tune. Un camp de Roms ? « Chez Médecins du Monde, on ne parle plus de Roms dans des camps, mais de migrants euro­péens pauvres qui vivent dans des bidon­villes » explique Robert Allemand, res­pon­sable de l’antenne de Médecins du Monde de Grenoble. Une manière de dépas­sion­ner le débat, le mot « camp » ren­voyant à un passé dou­lou­reux pour ces popu­la­tions vic­times de la bar­ba­rie nazie. La volonté est la même du côté d’Olivier Noblecourt, adjoint à l’ac­tion sociale et fami­liale de la ville de Grenoble et copré­sident de la com­mis­sion loge­ment de la Métro. Celui-ci se refuse à faire la dif­fé­rence « entre les Roms et les autres ».
Près de la moitié des habitants des bidonvilles sont des enfants. (c) Victor GuilbertPrès de la moi­tié des habi­tants des bidon­villes sont des enfants. © Victor Guilbert
Tous insistent sur la dis­tinc­tion entre les arri­vants de Roumanie et de Bulgarie, « des Européens, comme les Anglais ou les Allemands », explique Robert Allemand, et les migrants extra-euro­péens, de Macédoine ou du Kosovo. Juridiquement, la dif­fé­rence est de taille. Les Roms rou­mains et bul­gares sont « sou­mis à la même règle que tous les res­sor­tis­sants de l’Union Européenne, c’est-à-dire qu’ils ont le droit de vivre trois mois dans un pays s’ils sub­viennent à leurs besoins » explique Olivier Noblecourt. Quid des autres ? En tant que deman­deurs d’a­sile, ils ont droit à un héber­ge­ment. Ils font donc une demande d’a­sile, « qui sera reje­tée » pré­cise Robert Allemand. « Il n’y a jamais de régu­la­ri­sa­tion », confirme Antoine, membre du col­lec­tif de soli­da­rité avec les Roms La Patate Chaude. « Les demandes sont sys­té­ma­ti­que­ment refu­sées »
L’accès à l’emploi, principal obs­tacle à l’intégration 
L’agglomération compte, selon les der­niers recen­se­ments, 671 Roms euro­péens. La moi­tié sont des enfants, dont beau­coup sont sco­la­ri­sés, selon Robert Allemand. Parmi eux, 384 sont héber­gés dans le cadre du dis­po­si­tif hiver­nal qui a été péren­nisé, en vertu de la cir­cu­laire Valls du 26 août 2012 inter­di­sant les expul­sions sans relo­ge­ment. Enfin, 68 Roms euro­péens sou­hai­tant s’ins­tal­ler dura­ble­ment en France par­ti­cipent à un dis­po­si­tif d’in­ser­tion mis en place par le Centre com­mu­nal d’ac­tion social de la ville de Grenoble (CCAS) et le Conseil Général. Ils sont ainsi logés dans des héber­ge­ments par­ti­cu­liers, reçoivent des cours de fran­çais, une for­ma­tion pro­fes­sion­nelle et les enfants sont scolarisés.
Un bidonville  (c) Victor GuilbertUn bidon­ville.
© Victor Guilbert
La Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale, pilo­tée par la Délégation Interministérielle à l’hé­ber­ge­ment et à l’ac­cès au loge­ment, devrait, à terme, per­mettre d’é­tendre ce dis­po­si­tif à 36 familles pour une durée de trois ans. Au-delà de cette période, les par­ti­ci­pants, consi­dé­rés comme « auto­nomes », seront ensuite diri­gés vers le loge­ment social.
Une expé­ri­men­ta­tion saluée, puis­qu’elle se base sur la volonté des popu­la­tions de s’in­té­grer, contrai­re­ment au dis­po­si­tif lyon­nais. Ce que regrettent les asso­cia­tions sur place, selon Le Monde et Rue89 Lyon. Au niveau natio­nal, d’autres villes mènent des poli­tiques volon­ta­ristes, mais « le prin­ci­pal obs­tacle à l’in­té­gra­tion reste l’ac­cès à l’emploi » sou­ligne Robert Allemand, qui pointe du doigt les res­tric­tions d’ac­cès à l’emploi des Roumains et des Bulgares. Une res­tric­tion qui devrait s’a­che­ver à la fin de l’an­née 2013.
Essayer au maximum d'améliorer les conditions d'hygiène plaide Robert Allemand (c) Victor Guilbert
Essayer au maxi­mum d’a­mé­lio­rer les condi­tions d’hy­giène plaide Robert Allemand
© Victor Guilbert
Les 287 Roms euro­péens res­tants sont répar­tis dans douze squats. « Nous étu­dions les implan­ta­tions pour voir si c’est dan­ge­reux. Les squats sont d’as­sez petite taille. Quand nous le pou­vons, nous essayons de ne pas détruire, ce qui ne fait que dépla­cer le pro­blème, mais d’a­mé­lio­rer les condi­tions de vie » explique Robert Allemand, qui pré­co­nise un meilleur suivi social de ces popu­la­tions. Même constat chez Olivier Noblecourt qui regrette que l” »Etat soit revenu trente ans en arrière, à une logique huma­ni­taire. Il va fal­loir tout recons­truire ».
Explosion des demandes d’asile 
Bien que le chiffre soit stable et éta­bli autour de 20 000 per­sonnes en France, le nombre de primo-arri­vants d’o­ri­gine extra-euro­péenne à Grenoble « a explosé du fait de la régio­na­li­sa­tion des demandes d’a­sile » explique Olivier Noblecourt. Cette régio­na­li­sa­tion, déci­dée en 2009, ins­taure comme seuls lieux de demandes d’a­sile dans la région Rhône-Alpes les villes de Lyon et de Grenoble. « On est passé de 400 à 1400 nou­veaux arri­vants par an. Il y a une sur­con­cen­tra­tion de l’ef­fort sur deux ter­ri­toires : le Rhône et l’Isère. Il n’y a pas de hordes de Roms ou de tsu­nami migra­toire, comme on l’en­tend sou­vent. Ce sont là les effets de la régio­na­li­sa­tion » déplore Olivier Noblecourt. Une régio­na­li­sa­tion décriée par­tout et sur laquelle le ministre de l’Intérieur pour­rait reve­nir, explique l’élu. Avant de s’in­ter­ro­ger : « Reste-t-on une agglo­mé­ra­tion qui peut inté­grer ? Mon espoir c’est que oui ! Mais on ne peut pas inté­grer pour quatre départements ». 
La vie sous les tentes. (c) Victor Guilbert
La vie sous les tentes. © Victor Guilbert
Pas de fata­lisme ou de défai­tisme donc pour les asso­cia­tions comme Romsaction ou La Patate Chaude, mais une cri­tique pro­fonde des décla­ra­tions de Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur qui sous-enten­dait que les Roms n’é­taient pas inté­grables. « Tous ne veulent pas s’ins­tal­ler, mais ceux qui le veulent peuvent s’in­té­grer » conclut Robert Allemand. 
Lucas Piessat
Notes :
Selon la Préfecture, les res­sor­tis­sants rou­mains font l’ob­jet d’un sta­tut tran­si­toire jus­qu’au 31décembre 2013. Ils relèvent du droit com­mun lors de l’ac­cès à l’emploi. Il leur faut déte­nir l’au­to­ri­sa­tion de tra­vail exi­gée par l’article L 5221 – 2 du Code du Travail. Il faut, d’autre part, un titre de sejour dont la durée est condi­tion­née par la durée du contrat de tra­vail détenu. Si la vali­dité du contrat de tra­vail est infé­rieure à un ans, celle du titre de séjour est d’un an. Si le contrat est un CDI, le titre de séjour est d’au moins 5 ans. 
Deux mesures ont été insé­rées dans l’ar­ticle L121‑2 du Ceseda. Une liste de métiers sous ten­sion, acces­sibles sans titre de séjour, a ainsi été dres­sée (291 métiers à ce jour, arrêté du 1 octobre 2012). D’autre part, une dis­pense d’au­to­ri­sa­tion de tra­vail et donc de titre de séjour est accor­dée aux res­sor­tis­sants rou­mains titu­laires d’un Master. Enfin, sous réserve de jus­ti­fi­ca­tif, les res­sor­tis­sants rou­mains et bul­gares peuvent exer­cer une acti­vité libé­rale avec un titre de séjour de 10 ans. 

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