UMP : “Les ques­tions d’égos secondaires”

UMP : “Les ques­tions d’égos secondaires”

ENTRETIEN – L’unité est-elle retrou­vée au sein de l’UMP gre­no­bloise ? Ayant obtenu la garan­tie qu’Alain Carignon aurait la neu­vième place sur la liste de Matthieu Chamussy, la Commission natio­nale d’investiture (CNI) du parti a confirmé, fin novembre, la dési­gna­tion de ce der­nier pour conduire la liste aux pro­chaines muni­ci­pales. Troisième acteur du feuille­ton de l’UMP38, l’ancien député de l’Isère, Richard Cazenave se satis­fait de cette « sor­tie de crise ». Il s’estime prêt à oublier les « conflits d’égos du passé » qui avaient pu autre­fois l’opposer à Alain Carignon.

© Nils Louna / placegrenet.fr

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Né il y a 65 ans à Paris et issu d’une famille « de résis­tants », Richard Cazenave a grandi en Algérie. De retour à Grenoble en 1962, il s’engage chez les jeunes gaul­listes, par admi­ra­tion pour cet « homme du sur­saut ». Après une for­ma­tion en droit, il sor­tira diplômé de l’é­cole supé­rieure des affaires (ESA, deve­nue IAE). Son par­cours pro­fes­sion­nel dans le sec­teur privé s’interrompra à l’occasion de son pre­mier man­dat poli­tique élec­tif en 1986, au conseil régio­nal de Rhône-Alpes. Vice-pré­sident en charge de la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale jusqu’en 1998, il occu­pera en paral­lèle d’autres fonc­tions élec­tives. Il a notam­ment été conseiller muni­ci­pal de Grenoble entre 1989 et 2001 et député de la 1ère cir­cons­crip­tion de l’Isère, de 1988 à 2007.
Le pro­ces­sus des pri­maires de la droite a été un échec qui s’est ter­miné par un duel d’influence entre Matthieu Chamussy et Alain Carignon. De votre point de vue de troi­sième homme de la droite gre­no­bloise, qui en est sorti gagnant ?
C’est avant tout l’unité. La situa­tion est aujourd’hui radi­ca­le­ment dif­fé­rente de celle du début du mois d’octobre. À l’époque, la com­mis­sion d’investiture de l’UMP avait dési­gné Matthieu Chamussy d’une inves­ti­ture d’apparence, en réa­lité écrite sous l’influence d’Alain Carignon qui appa­rais­sait en troi­sième posi­tion de la liste. C’était inac­cep­table en l’état. Il y avait deux issues à cette crise : réaf­fir­mer son inves­ti­ture, avec la liberté de consti­tuer sa liste, ou le risque d’une explo­sion en deux listes dif­fé­rentes. C’est fina­le­ment la pre­mière option – celle de l’unité – qui a été rete­nue fin novembre. 
Dans ces condi­tions – celles de la dési­gna­tion claire des res­pon­sa­bi­li­tés et du lea­der­ship – j’ai fait le choix de m’engager der­rière Matthieu Chamussy. Et pour­quoi se pri­ver de l’expérience d’Alain Carignon ? Il appa­raî­tra en neu­vième posi­tion de la liste pour y appor­ter sa contri­bu­tion et non plus la diriger.
Richard Cazenave municipales de Grenoble

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Vous n’étiez pas can­di­dat déclaré aux pri­maires. Après une période en retrait de la vie poli­tique locale, le silence était-il devenu un poids pour vous ?
Etant mécon­tent de la situa­tion, je ne voyais pas com­ment res­ter pas­sif alors que mon cou­rant poli­tique sou­hai­tait orga­ni­ser un débat démo­cra­tique local digne de ce nom pour confron­ter les per­son­na­li­tés et défi­nir celle en capa­cité de l’emporter. C’est du gâchis d’avoir une vision et une expé­rience de l’action publique et de ne pas la mettre à profit.
Le 5 sep­tembre der­nier, nous révé­lions que vous aviez secrè­te­ment envoyé votre can­di­da­ture à la CNI, après la sus­pen­sion de l’élection pri­maire. Souhaitiez-vous faire bar­rage à Alain Carignon, très intro­duit dans les ins­tances natio­nales de l’UMP ?
Ce n’était pas une can­di­da­ture de blo­cage, mais je vou­lais qu’il y ait un débat. Si l’option du choix démo­cra­tique de la pri­maire était écar­tée, il fal­lait que la dési­gna­tion de la tête de liste soit effec­tuée après une enquête d’opinion. Conjointement avec Matthieu Chamussy, nous en avons com­mandé une à un ins­ti­tut de son­dage qui a révélé quelle était la per­sonne la plus à même de l’emporter. La vic­toire de l’alternance est pos­sible à Grenoble car la gauche est pro­fon­dé­ment divisée.
Richard Cazenave municipales de Grenoble

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Le « feuille­ton » de l’UMP gre­no­bloise a cepen­dant laissé des séquelles internes et enta­ché la cré­di­bi­lité du parti. Y a‑t-il, mal­gré tout, un avan­tage à en tirer ?
Aujourd’hui, Matthieu Chamussy est le patron légi­time de la liste et a gagné, avec cette crise, en légi­ti­mité, en liberté et en cré­di­bi­lité. Il a su faire ce bras de fer qui a per­mis d’affirmer clai­re­ment les res­pon­sa­bi­li­tés de cha­cun. Il a toute l’attitude et les com­pé­tences pour faire sa liste avec une équipe qui lui assu­rera son sou­tien indé­fec­tible. Cette liste garan­tit le ras­sem­ble­ment de la droite et du centre. S’il n’avait pas été réa­lisé, on aurait pu nous le reprocher.
Après vous être déso­li­da­risé d’Alain Carignon en 2007, en pré­sen­tant une liste dis­si­dente contre lui aux élec­tions légis­la­tives dans la pre­mière cir­cons­crip­tion de l’Isère, quelles sont aujourd’hui vos rela­tions avec lui ?
Les ques­tions d’égos sont secon­daires. Les rela­tions d’aujourd’hui ne doivent pas être mar­quées par les batailles du passé. Je nous pense capables de dépas­ser ces his­toires. D’autant qu’aujourd’hui, c’est Alain Carignon qui vient sur notre liste. Si quelqu’un doit trou­ver cela dif­fi­cile, c’est lui ! Car il avait essayé de m’éliminer durant cette bataille légis­la­tive. Ce qui doit comp­ter aujourd’hui, c’est notre désir col­lec­tif de por­ter un pro­jet d’alternance cré­dible et solide pour Grenoble.
Richard Cazenave municipales de Grenoble

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Alain Carignon – par sa condam­na­tion pour cor­rup­tion, abus de biens sociaux et subor­na­tion de témoins en 1996 – ne sera-t-il pas un poids pour votre liste ?
Si on devait se fier aux son­dages d’opinion, on consi­dè­re­rait que ce n’est effec­ti­ve­ment pas une excel­lente affaire. Mais nous avons la capa­cité, non pas de faire oublier les choses, mais de les rame­ner à une plus juste pro­por­tion. Il faut tour­ner la page. On ne va pas éter­nel­le­ment repro­cher aux per­sonnes les erreurs qui ont pu être com­mises dans le passé. Il a payé.
Quand de telles fautes ont été com­mises dans l’exer­cice d’un man­dat public, le droit à l’oubli et à la pres­crip­tion sont-ils pos­sibles en politique ?
C’est, in fine, aux élec­teurs d’en déci­der. Le débat est engagé. Nous allons pou­voir confron­ter les pro­jets. J’espère et je pense que la cam­pagne ne por­tera pas seule­ment là-des­sus. Les ques­tions de per­sonnes qui ont suf­fi­sam­ment pol­lué notre début de cam­pagne sont désor­mais réglées. Place main­te­nant à la cam­pagne de fond.
Richard Cazenave municipales de Grenoble

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L’unité est, selon vous, retrou­vée. Quels seront les autres ingré­dients néces­saires à la victoire ?
Avoir une liste unique est un atout consi­dé­rable. Nous pour­rons addi­tion­ner les éner­gies et y asso­cier les diverses sen­si­bi­li­tés poli­tiques. Désormais, il va fal­loir com­mu­ni­quer avec les Grenoblois et réus­sir à les inté­res­ser à notre pro­jet pour la ville et à nos priorités.
Comment vous impli­que­rez-vous per­son­nel­le­ment dans la campagne ?
Je sou­haite par­ti­ci­per à la syn­thèse des pro­jets exis­tants et à la rédac­tion du pro­jet final. Il faut répondre à un défi qui tra­verse les thé­ma­tiques muni­ci­pales. Celui de l’impuissance qui marque aujourd’hui l’action publique, en par­ti­cu­lier à Grenoble qui aura une image de « petite sous-pré­fec­ture » si rien ne change. Nous ris­quons l’isolement et la remise en ques­tion du vivre ensemble.
Richard Cazenave municipales de Grenoble

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Serions-nous impuis­sants à lut­ter contre des réseaux mafieux étran­gers qui exploitent des mal­heu­reux qui men­dient et se sou­mettent à la pros­ti­tu­tion ? Est-il rai­son­nable, quand on est aux res­pon­sa­bi­li­tés de la ville depuis vingt ans, de poin­ter l’Etat comme seul res­pon­sable de la situa­tion ? Est-il encore rai­son­nable de dire que l’état des finances d’aujourd’hui relève de la res­pon­sa­bi­lité de la pré­cé­dente majo­rité ? Ne croyez-vous pas que le vivre ensemble à Grenoble devrait être un objec­tif par­tagé par l’ensemble des moyens édu­ca­tifs, asso­cia­tifs et publics ? La cité n’est-elle pas l’échelle où l’on par­tage une des­ti­née, une res­pon­sa­bi­lité et un lan­gage communs ?
La capi­tale des Alpes doit-elle être réduite à voir se déve­lop­per la métro­pole lyon­naise d’un côté et celle de Genève de l’autre en regar­dant pas­ser le train de la struc­tu­ra­tion des métro­poles ? Est-il accep­table d’être la seule grande ville à ne pas être des­ser­vie par une véri­table liai­son TGV ? Les res­pon­sables publics n’ont-ils pas le devoir d’apporter des solu­tions aux mil­liers de per­sonnes coin­cées matin et soir dans les bou­chons qui font aujourd’hui la renom­mée de Grenoble ?
Richard Cazenave municipales de Grenoble

© Nils Louna / pla​ce​gre​net​.fr

Ce sont là beau­coup de ques­tions qui tra­duisent votre diag­nos­tic de la situa­tion gre­no­bloise et qui déli­mitent les contours de la cam­pagne que vous sou­hai­tez mener. Quelles sont les idées nova­trices et inédites que vous sou­hai­tez per­son­nel­le­ment apporter ?
C’est avant tout un style nou­veau qu’il faut insuf­fler. Ne pas lais­ser les Grenoblois seuls devant les lan­ci­nants pro­blèmes aux­quels ils sont confron­tés. C’est sur le plan de la méthode qu’il faut que les choses changent. Il faut s’atteler aux pro­blèmes, appor­ter des solu­tions et y remé­dier. Contrairement à la méthode de la muni­ci­pa­lité actuelle, qui consiste à reje­ter la faute sur les autres.
Propos recueillis par Victor Guilbert 
Photos de Nils Louna
L’entretien a été réa­lisé le ven­dredi 29 novembre, au café La City, 102 Cours Berriat à Grenoble. Il n’a pas été sou­mis à relec­ture. Une cor­rec­tion a été effec­tuée lundi 9 décembre dans le para­graphe bio­gra­phique concer­nant sa formation.
Extrait d’ouvrage choisi par Richard Cazenave
14440-gf« Le bon­heur déses­pé­ré­ment » d’André Comte-Sponville : 
« C’est bien beau d’espérer la jus­tice, la paix et la liberté. En tout cas, ce n’est pas condam­nable. Mais ce n’est pas non plus suf­fi­sant. Reste à agir pour elle : ce qui n’est plus une espé­rance mais une volonté. »
La convic­tion qu’il en tire
Cet extrait peut être pris comme un médi­ca­ment. C’est la com­pa­rai­son entre la volonté et l’espérance. Pour être heu­reux, il faut arrê­ter d’être dans la fuite en avant et l’espérance du len­de­main. Il faut apprendre à aimer ce que l’on fait, être dans le pré­sent et s’engager pour les valeurs qui sont les nôtres et que l’on sou­haite défendre.
- Consultez ici les autres entre­tiens poli­tiques du dimanche de Place Gre’net. 

VG

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