DÉCRYPTAGE – Plusieurs projets de giga-usines de panneaux photovoltaïques ont été officialisés depuis début 2023, notamment à Fos-sur-Mer et en Moselle. Mais à Bourgoin-Jallieu, Photowatt, pionnière du secteur, connaît une situation quasiment désespérée. EDF Renouvelables, actionnaire majoritaire en quête d’un repreneur, refuse d’investir, selon les salariés de la filiale. Pire encore, il n’a pas recouru à Photowatt pour sa centrale solaire de Creys-Malville, à 30 km, mais à des panneaux photovoltaïques chinois. Un choix purement économique mais à l’impact écologique et social désastreux, dénoncent syndicats et élus locaux.
Le 3 mars 2023, la start-up Carbon annonçait l’implantation à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) de sa méga-usine de panneaux solaires, avec une capacité annuelle de 5 gigawatts. Le 15 mai suivant, Emmanuel Macron en personne confirmait, lors du sommet « Choose France », la construction en Moselle d’une autre gigafactory par le consortium européen Holosolis. Là aussi pour produire 5 GW par an. Partout en France, et même en Europe, des projets pharaoniques fleurissent dans le photovoltaïque… Sauf chez la berjalienne Photowatt, détenue par EDF.

Malgré le boom du photovoltaïque et les projets fleurissant dans le Sud et en Moselle, Photowatt, à Bourgoin-Jallieu, voit toujours sa production tourner au ralenti, EDF cherchant toujours un repreneur. © Photowatt
L’entreprise nord-iséroise fait en effet presque figure de paria depuis quelques années, restant désespérément bloquée à quai, tandis que le train de l’industrie solaire défile à toute vitesse. Au point que Sabir Ramic, délégué syndical CGT chez Photowatt, s’avoue aujourd’hui très inquiet. « S’il n’y a pas d’investissements d’ici la fin de l’année 2023, c’est fini pour nous ! », s’alarme le salarié, qui peine à cacher son pessimisme.
Les salariés de Photowatt, « seuls en Europe à maîtriser toute la chaîne »
Photowatt ne manque pourtant pas d’atouts. Pionnière du secteur, la société, créée en 1979, bénéficie ainsi d’un « savoir-faire unique avec [ses] 44 ans d’expérience », souligne Sabir Ramic. « On est les seuls en Europe à maîtriser toute la chaîne de fabrication du photovoltaïque. » Des compétences que les salariés berjalliens n’ont cependant plus l’occasion de mettre en pratique au quotidien.

Des lingots de silicium, l’une des deux spécialités de Photowatt avec le découpage des plaquettes, alors que l’entreprise gérait auparavant toute la chaîne de fabrication des panneaux solaires. © Photowatt
Jusqu’en 2018, en effet, Photowatt était bien une entreprise intégrée sur toute la chaîne de production de la filière solaire : lingots, plaquettes de silicium, cellules et modules photovoltaïques. Mais il y a cinq ans, EDF Renouvelables, actionnaire majoritaire, a choisi de recentrer l’activité de sa filiale sur les lingots et le découpage des wafers, ces fines plaques de silicium, délaissant ainsi la fabrication des panneaux entiers.
Tournant stratégique manqué et fermeture de deux ateliers
Pour cela, Photowatt devait s’associer à l’entreprise grenobloise ECM Greentech et surtout au groupe chinois Canadian Solar, géant mondial du secteur. Un pari à la fois ambitieux et risqué, à même de relancer la société, pensaient alors ses dirigeants. Mais cette alliance a échoué in fine pour des motifs demeurant toujours aussi obscurs aujourd’hui.
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