REPORTAGE - Un hommage à Doona, étudiante transgenre qui s’est donné la mort à Montpellier le 23 septembre 2020, s’est tenu devant les locaux du Crous de Saint-Martin-d’Hères ce mardi 29 vers midi. À l’initiative de l'appel : des femmes transgenres, profondément touchées par le drame, qui luttent contre la transphobie.
L’atmosphère est morose sur l’allée de Berlioz ce mardi 29 septembre aux alentours de midi. La colère se devine sur la centaine de visages endeuillés, par-delà les coupes de cheveux atypiques et colorées des manifestants. « Si je meurs […] faites péter un scandale ! ». Il s’agirait de l’ultime vœu de Doona, étudiante en psychologie à l’université Paul-Valéry, transgenre et souffrant de mégenrage. À savoir le fait de considérer et appréhender une personne selon un genre auquel elle ne s'identifie pas.
Le 23 septembre, Doona s'est ainsi jetée sous un train, gare de Saint-Roch. D'où la mobilisation, conformément à cette dernière volonté d'associations LGBTQIA+ : En Tout Genre, Ressort intersexe et trans en action (Rita), et l’Association transféminine de l’agglomération grenobloise (Atfag). Mais aussi des syndicats étudiants Unef-Acle (coutumiers des rassemblements) et Solidaire étudiant-e-s Grenoble.
Une affaire révélatrice "d’une violence systématique à l’égard des transidentitaires"
Sous l’œil attentif de gardes du campus installés dans leur fourgonnette, les femmes transgenres à l’origine du rassemblement prennent la parole face à l’assemblée silencieuse. D’après elles, la mort de Doona est symptomatique d’une violence chronique et enracinée à l’égard des transgenres.
"Elle nous rappelle toutes les fois où nous avons été poussées à bout de notre envie de vivre, de notre santé mentale par les insultes quotidiennes, le harcèlement dans l’espace public, les humiliations sur nos lieux de travail et le mépris à notre égard des milieux médicaux."
Ce rassemblement quasi-cérémonial est l’occasion de dénoncer le traitement médiatique "toujours déplorable et insultant" à l’égard de la mort des femmes transgenres. "La presse présente les femmes trans décédées comme des hommes, voir des hommes déguisés", précisent-elles, avant de conclure que "même après notre mort, nous ne sommes que très rarement respectés".
Les organisatrices ont choisi de se rassembler devant le Crous, celui-ci portant, selon elles, une lourde responsabilité dans ce décès. La jeune femme, qui se trouvait dans un état de fragilité psychologique, avait en effet réitéré les tentatives de suicides ces derniers mois, la troisième ayant eu raison d’elle. Mais le point sensible du dossier concerne les circonstances de sa mort, et plus particulièrement le suivi administratif du Crous dont elle aurait bénéficié.
"Le Crous de Montpellier n’a rien trouvé de plus délicat à faire que menacer de l’expulser de son logement, si elle n’arrêtait pas avec ses crises." Et de poursuivre : "En situation de détresse psychologique, quelques jours avant sa mort, elle [Doona] a été accueillie de manière tellement transphobe par le service des urgences [du service social, ndlr] qu’elle n’a pas pu recevoir les soins dont elle avait besoin."
Des allégations sérieuses, émanant du courrier que le Syndicat de combat universitaire de Montpellier (Scum) avait adressé à la direction du Crous de Montpellier. Et que ce dernier récuse strictement.
Suite à leur discours incisif, les femmes trans invitent la foule à se recueillir devant la couronne mortuaire portant le nom de la défunte. S'ensuit une minute de silence dans une atmosphère saturée d’amertume.
Discrimination de genre, transphobie et précarité étudiante : même combat ?
Pour Mickaël, coordinateur interne chez Solidaires étudiants Grenoble, cette affaire cristallise la convergence de deux luttes. "Le but de ce rassemblement est de mettre en évidence à la fois la précarité des étudiants, mais cette fois plus encore, les associations de lutte contre la transphobie", explique-t-il.
Selon lui, "le décès de Doona fait écho à ce qu’il s’est passé en octobre dernier, lorsque notre camarade Anas, étudiant de 22 ans, précaire, s’était immolé par le feu pour dénoncer ses conditions de vie déplorables".
À travers ce parallèle, Mickaël pointe du doigt des conditions d’études qui "n’ont pas changé depuis un an, puisqu’il s’agit du deuxième étudiant qui se fout en l’air".
Quentin, militant de l’Unef Grenoble – Action collective & Luttes étudiantes pense lui aussi que ces deux formes de discriminations interagissent. "À l’échelle des facs, les violences de genres sont renforcées par les politiques d’austérité, avance-t-il. L'observatoire de la vie étudiante montre que 36 % des étudiantes étaient en détresse psychologique pendant le confinement contre seulement 20 % des étudiants." D’après lui, si certains étudiants craquent, c’est à cause de "l’absence de mesures d’accompagnement et d’isolement dont ils souffrent".
Une partie de l’assemblée s’agite pendant la prise de parole de l’Unef : la directrice générale du Crous Grenoble-Alpes, Bénédicte Corvaisier-Drouart vient d'arriver et demande à s’exprimer. Requête à laquelle les militants s’opposent fermement, provoquant le départ de la directrice. Elle est finalement rattrapée par une poignée de protestataires.
Une réunion prévue au Crous sur la transphobie
"Il ne s’agit ni du lieu ni de l’endroit pour avoir un débat. Nous sommes là pour exprimer notre colère et nous recueillir et c’est la raison pour laquelle le Crous n’est pas invité", lâche une militante d’En Tout Genre. Arc-boutée malgré les invectives successives, la directrice estime que les étudiants "se trompent d’ennemi dans cette histoire. […] au sein du Crous, nous sommes nombreux à travailler entre cinquante et soixante heures par semaine pour faire en sorte que les étudiants accèdent à une meilleure émancipation", témoigne-t-elle.
La militante s’insurge : "Vous êtes peut-être incommodée à travailler autant, mais sachez que la transphobie que subissent ces personnes est réelle vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept." Pour sa défense, Bénédicte Corvaisier-Drouart insiste sur les efforts du Crous à lutter contre la précarité.
"Il faut aussi reconnaître les actions concrètes faites en direction des étudiants les plus précaires, comme la mise en place du repas à un euro début septembre." Et la directrice de regretter "des hashtags très violents contre le Crous", improductifs pour faire avancer les choses selon elle. Mais les étudiants restent fermes quant à la nécessité de pointer du doigt les défaillances de l’institution, notamment pour faire émerger de telles discussions.
Finalement, la directrice affirme vouloir "tendre une main" aux étudiants, et estime que "le questionnement autour des thématiques de la transphobie aurait tout à fait sa place dans le dialogue". Même si elle n’est pas prête à se "rendre devant les grilles d’un ministère pour demander plus de moyens", elle assure avoir d’ores et déjà prévu une réunion pour travailler sur les questions liées à la transphobie.
De leur côté, la communauté LGBTQIA+ et les syndicats étudiants assurent qu’ils veilleront au respect de ces engagements par le Crous. L’escarmouche aura duré une quinzaine de minutes, pendant que les manifestants se dispersaient peu à peu dans le calme.
Simon Marseille
2 réflexions sur « Rassemblement contre la transphobie en hommage à Doona devant les locaux du Crous à Saint-Martin‑d’Hères »
LGBTQIA+ c’est quoi ? Il y a 20 ans c’était tout simplement LG. Ensuite LGB(T). Aujourd’hui LGBTQIA+.
Demain : LGBTQIA+@€*KA!=+/&é« “(-è_çà)= ?
Ils n’ont pas d’autre chose à faire ?
LGBTQIA+ c’est quoi ? Il y a 20 ans c’était tout simplement LG. Ensuite LGB(T). Aujourd’hui LGBTQIA+.
Demain : LGBTQIA+@€*KA!=+/&é« “(-è_çà)= ?
Ils n’ont pas d’autre chose à faire ?