FOCUS — Les agents de l’ONF se sont rassemblés ce jeudi 13 février au matin dans le square de Belmont à Grenoble. Objectif ? Dénoncer « la marchandisation de la forêt » et les choix stratégiques de l’Office. Un rassemblement rejoint par des soutiens disparates qui s’est conclu dans les locaux vides de l’ONF par une séance de collage d’affiches et de banderoles.
Drôle d’ambiance square de Belmont à Grenoble, ce jeudi 13 février au petit matin. Une trentaine de personnes s’étaient donné rendez-vous à proximité des locaux grenoblois de l’Office national des forêts (ONF). Objectif ? Dénoncer la « marchandisation » de la forêt par le biais d’un établissement public à caractère industriel et commercial (Épic) « structurellement déficitaire », en quête désespérée de rentabilité.
Dans l’assistance, quelques agents de l’ONF mobilisés, souvent syndiqués CGT ou Solidaires… et venus en renfort des syndicalistes, mais aussi des militants locaux des Gilets jaunes et une conseillère régionale d’opposition en la personne d’Émilie Marche. De quoi donner au rassemblement un air de « concordance des luttes » toujours d’actualité. Et de parler autant de forêts que de fermetures de bureaux de poste ou de Macron au Mont-Blanc.
« On fait de nos forêts une marchandise », dénoncent des agents de l’ONF
Un rassemblement quelque peu fourre-tout ? Le discours prononcé par Emmanuel Dupont, agent de l’ONF, syndiqué Snupfsen Solidaires et élu du CHSCT, se concentrait en tout cas, lui, sur la forêt et son exploitation.
Une forêt gérée par une ONF de plus en plus encline à vendre du bois à outrance, selon lui, ou à travailler auprès des entreprises pour la réalisation de « compensations ».
Le tout, poursuit l’agent, en cessant de recruter des fonctionnaires au profit de contractuels, jugés plus malléables. « Les fonctionnaires garantissaient encore une certaine indépendance et un certain service à la société », déplore l’agent.
Le principe même des compensations irrite particulièrement Emmanuel Dupont. « Les grosses entreprises peuvent saccager un endroit et, en échange, pour se donner bonne conscience, faire quelque chose ailleurs. Mais quand on détruit un lieu, il est détruit ! », estime-t-il. Et de s’interroger, alors que l’ONF œuvre à ces compensations : « Est-ce que c’est le but de l’Office de permettre à ces groupes de se donner bonne conscience ? »
Face à ce modèle, Emmanuel Dupont plaide pour « un service public avant tout de la forêt, ensuite de l’usager ». Si l’agent ne s’oppose pas à l’idée de fournir des prestations, il estime qu’aujourd’hui la logique est renversée. « Le but, ce n’est pas d’abord de délivrer du bois ou d’abord de vendre de la compensation : on fait de nos forêts une marchandise ! », insiste-t-il. Une catastrophe à ses yeux, pour des forêts « sources de biodiversité » et « pièges à carbone ».
Collage d’affiches dans les locaux de l’ONF
Contexte social oblige, Emmanuel Dupont n’a pas oublié d’évoquer la réforme des retraites dans son discours. « La logique qui prévaut à l’ONF est la même que celle qui vise la réforme de notre système de retraite par répartition. Cet outil de solidarité entre générations est aussi un bien commun. Son seul défaut du point de vue des penseurs néo-libéraux, c’est de ne pas produire de dividendes pour les actionnaires », lance-t-il.
Autres prises de paroles, même tonalité : le rassemblement s’est ainsi transformé en exercice de critique généralisée des orientations sociales du gouvernement, les médias étant quant à eux accusés de relayer la « propagande macroniste ». L’occasion aussi, pour certains, d’évoquer le sort du bureau de poste Stalingrad de Grenoble, dont le plan de fermeture a pourtant été annulé. « La Poste va le ressortir, avec force sans doute, après les élections ! », croit savoir une militante.
Retour à l’ONF en fin de rassemblement. Alors qu’une réunion de direction devait s’y tenir ce jeudi 13 février au matin à Grenoble, celle-ci a finalement été délocalisée à La-Tour-du-Pin. En raison du rassemblement ? Les agents en sont convaincus. Et n’ont pas manqué d’aller se rappeler au bon souvenir de leur directeur en “investissant” les locaux vides de l’Office pour y coller dans la bonne humeur affiches et banderoles, en compagnie de leurs soutiens.