FOCUS — Rassemblement mardi 28 janvier devant le lycée des Eaux-Claires à Grenoble. Comme au lycée Aristide-Bergès de Seyssinet la veille, enseignants et élèves contestent la mise en place des E3C. Des épreuves communes de contrôle continu qui viennent remplacer le bac traditionnel et sont considérées par certains comme une destruction volontaire du modèle de l’éducation publique.
« Je crois qu’on n’aura pas cours aujourd’hui », se disent entre eux trois lycéens. Après les lycées Vaucanson et Bergès, c’était au tour du lycée grenoblois des Eaux-Claires de contester les E3C (épreuves communes de contrôle continu) mardi 28 janvier. Une réforme du baccalauréat qui consiste à organiser des épreuves en cours de scolarité pour ne garder que quatre matières lors des épreuves finales de fin d’année.
Devant les grilles du lycée, une soixantaine de personnes s’est rassemblée dès 7 h 30 du matin. Des professeurs de l’établissement, mais aussi des élèves mobilisés contre la réforme. Pas de blocage toutefois : les manifestants n’empêchaient pas les élèves qui le souhaitaient de pénétrer dans l’enceinte du lycée. Il est vrai qu’une première épreuve d’E3C devait se dérouler à 10 heures, malgré la grève largement suivie par les enseignants chargés de leur surveillance.
Professeurs en colère… et élèves anxieux ?
Or le mouvement a de fortes chances de perdurer. « Les épreuves se déroulent sur plusieurs jours, du coup les professeurs répartissent leurs forces sur les jours où ils sont convoqués », nous explique Patrick (nom d’emprunt), enseignant aux Eaux-Claires. À côté de lui, Thérèse (idem) n’est pas prête à lâcher l’affaire. « Tant que nous ne serons pas entendus, le mouvement va continuer et doit continuer », juge la professeure.
Pourquoi une telle contestation ? Pour les deux enseignants, les E3C vont à l’encontre de l’idée qu’ils se font de l’éducation. « Faire des épreuves tous les quatre mois, ça contraint à faire du bachotage, cela nie que les élèves apprennent sur le long terme », juge Patrick. Et Thérèse de décrire des élèves anxieux, qui n’ont plus l’impression d’être au lycée pour apprendre mais pour régurgiter des connaissances.
Esteban, élève aux Eaux-Claires et syndiqué à l’Union nationale lycéenne (UNL), confirme. « Notre première épreuve est en janvier, avec une heure pour faire une composition. C’est démesuré et c’est vrai que c’est stressant car cela compte pour le tronc commun », explique l’adolescent. Qui espère arriver à mobiliser ses camarades, quand bien même boycotter un examen représente une certaine prise de risque pour un élève.
Un ministre très contesté par les enseignants grévistes du lycée des Eaux-Claires
N’en jetez plus ? La réforme du baccalauréat est également perçue comme inégalitaire. « Par exemple, les filières STMG [sciences et technologies du management et de la gestion, ndlr] ont moins d’heures pour préparer les mêmes programmes et les mêmes épreuves en anglais », décrit Patrick. Tout en évoquant des sujets préparés tardivement, présentés sans corrigés… et dont certains fuitent allègrement sur le Web.
Au-delà de la réforme, la personnalité même du ministre de l’Éducation nationale est largement contestée. « Jean-Michel Blanquer minimise la mobilisation actuelle. Pour moi, il n’a plus aucune légitimité et j’attends vraiment sa démission ! », lance Patrick. Qui l’accuse de chercher à favoriser l’enseignement privé. Et celui-ci de citer pour preuve l’abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans, qui contraint désormais les communes à financer les maternelles privées.
Le tout sur fond de disparition organisée de certains cours, juge encore Patrick. Le nouveau système des options se ferait ainsi au profit des matières les plus regardées par les universités… et au détriment de cours comme la philosophie. Thérèse décrit, pour sa part, une forme de spécialisation à outrance de l’enseignement délivré au lycée. « C’est la destruction de l’éducation publique ! », conclut Patrick.