FIL INFO — La venue à Grenoble d’Emma Becker pour présenter son ouvrage La Maison devant les jurés du Prix du roman des étudiants fait enrager Osez le féminisme 38. Résolument abolitionniste, l’association dénonce un livre qui « glamourise et banalise » la prostitution outre-Rhin. Et ferait la promotion du « système prostituteur » auprès d’un jeune public.
Une rencontre avec une écrivaine dans le cadre d’un prix littéraire ? Non, la mise en avant d’un ouvrage qui « glamourise et banalise l’achat des femmes et qui légitime les violences masculines », selon Osez le féminisme 38.
L’association féministe qualifie en ces termes la venue sur le campus de Grenoble d’Emma Becker, invitée à venir présenter son livre La Maison aux jurés du Prix du roman des étudiants France Culture – Télérama, jeudi 14 novembre 2019 à 13 h 30.
Dans La Maison, l’auteure raconte son expérience de deux ans dans un bordel en Allemagne, pays où la prostitution est légale depuis 2002. Favorable à une légalisation semblable en France, Emma Becker juge les maisons closes comme des lieux où les prostituées peuvent exercer leur profession dans de bonnes conditions.
Et s’embarrasse peu des questions de domination ou de soumission dans le sexe. « [Ça] ne me fait pas bander », confie-t-elle ainsi à France Culture.
« Un récit alarmant » et un « vrai danger » pour Osez le féminisme
Sans surprise, Osez le féminisme aborde les choses sous un angle bien différent. Résolument abolitionniste, le mouvement dénonce dans un communiqué la venue de l’auteure sur le campus. « Promouvoir son livre sans donner d’éléments contextuels (…), c’est encenser la prostitution et le système prostitueur auprès du jeune public, qui est susceptible d’être la cible du lobby pro-prostitution », écrit l’association.
Les « éléments contextuels » ? OLF 38 dresse un portrait désastreux de la prostitution en Allemagne. « La majorité des femmes en situation de prostitution en Allemagne sont victimes de la traite humaine », assène-t-elle. Et de décrire des femmes contraintes de se prostituer pour survivre, au détriment de leur santé « physique, psychique et mentale ». Une réalité bien éloignée, en somme, des « clients gentils, bienveillants » décrits dans le roman d’Emma Becker.
Pour les féministes, aucun doute : La Maison est « un récit alarmant relaté à destination des 18 – 26 ans, et qui invisibilise à dessein la réalité du système prostitutionnel ». La décision « de visibiliser » Emma Becker et son ouvrage est en outre ressenti comme un « choix politique » : celui « du maintien de la domination masculine contre l’émancipation des filles et des femmes ». À ce titre, l’association estime que la venue de l’auteure représente un « vrai danger ».