Caisse d'Allocations Familliales à Grenoble © Elodie Rummelhard - placegrenet.fr

Lutte contre la fraude : la Caf de l’Isère va miser plus sur la pré­ven­tion que sur la sanction

Lutte contre la fraude : la Caf de l’Isère va miser plus sur la pré­ven­tion que sur la sanction

FOCUS – En cette fin d’année sco­laire, l’heure est au bilan pour la Caf de l’Isère. Du fait de la baisse de ses moyens et de l’intégration du droit à l’erreur admi­nis­tra­tive dans la loi, le pres­ta­taire social a dû revoir sa poli­tique de contrôle des fraudes. Et déve­lop­per d’importants dis­po­si­tifs de pré­ven­tion. L’objectif ? « Un bon cal­cul des droits des allo­ca­taires », pré­cise la direc­trice finan­cière, afin d’éviter des fraudes indésirées.

Caisse d'Allocations Familliales à Grenoble © Elodie Rummelhard - placegrenet.fr

Caisse d’al­lo­ca­tions fami­liales à Grenoble. © Elodie Rummelhard – pla​ce​gre​net​.fr

Adoptée il y a moins d’un an, la loi Essoc* a cham­boulé la lutte contre la fraude : à la Caf, le cap est désor­mais tourné vers la pré­ven­tion plu­tôt que la sanction.

En effet, l’introduction d’un « droit à l’erreur de bonne foi » a poussé le pres­ta­taire à sen­si­bi­li­ser et pré­ve­nir ses allo­ca­taires de la néces­sité de mettre à jour leur dos­sier afin d’éviter de devoir rem­bour­ser des dettes involontaires.

Comme beau­coup de ser­vices publics, la Caf doit en outre « faire plus avec moins ». Une ten­dance qui ne risque pas de s’inverser puisque la nou­velle conven­tion d’objectifs et de ges­tion signée avec l’État pré­voit de nou­velles réduc­tions de ses dépenses de fonctionnement.

Pour palier ce manque à gagner, l’organisme mise sur l’au­to­no­mi­sa­tion de ses allo­ca­taires par le biais des outils numé­riques. Un pari ris­qué, mais en phase avec son temps, qui com­mence à peine à por­ter ses fruits.

« La Caf contrôle »

« La Caf contrôle » affirment au dia­pa­son son direc­teur et sa direc­trice comp­table et finan­cière. Et elle contrôle beau­coup puisqu’en Isère, plus d’un dos­sier d’allocataire sur deux est véri­fié chaque année. Soit au total, 540 000 contrôles effec­tués en 2018. Un nombre impor­tant rap­porté aux 242 148 allo­ca­taires du département.

Nicolas El Sawy, responsable du secteur Fraudes, Pascale Francezon, directrice comptable et financière et Claude Chevalier, directeur de la Caf de l'Isère © Nina Soudre - Placegrenet.fr

Nicolas El Sawy, res­pon­sable du sec­teur Fraudes, Pascale Francezon, direc­trice comp­table et finan­cière et Claude Chevalier, direc­teur de la Caf de l’Isère. © Nina Soudre – Placegrenet​.fr

Bilan ? Plus de 20 mil­lions d’euros régu­la­ri­sés l’année der­nière. Parmi les­quels près de 80 % sont des indus** et le reste des rap­pels. Autrement dit, 4 mil­lions d’euros ont été rever­sés aux allo­ca­taires qui ne per­ce­vaient pas assez selon leur situation.

Mais « tous ces contrôles ne se sub­sti­tuent pas à l’allocataire, qui doit res­ter acteur de son dos­sier », explique Pascale Francezon. Et c’est là tout l’enjeu de la com­mu­ni­ca­tion auprès du public. « Ce n’est pas parce qu’on contrôle qu’il ne faut pas décla­rer les chan­ge­ments de situa­tion », pré­cise-t-elle.

Des dettes liées à de l’incompréhension plus qu’à de la malhonnêteté

« Très sou­vent, l’allocataire ne com­prend pas. On a un lan­gage très admi­nis­tra­tif (…) Il faut vrai­ment qu’on soit com­pré­hen­sible pour tout le monde », sou­tient la direc­trice finan­cière. Conséquence de cette incom­pré­hen­sion ? 80 % des cas de « fraude » pro­viennent d’er­reurs invo­lon­taires liées à la com­plexité du dispositif.

Or, « ce qui nous inté­resse c’est l’intention », explique M. El Sawy, res­pon­sable des fraudes. Notamment depuis l’adoption de la loi pour un État au ser­vice d’une société de confiance* en août 2018. Pour Francezon « [avec cette loi] on a une res­pon­sa­bi­lité sup­plé­men­taire dans le fait que l’allocataire com­prenne bien ce qu’il doit décla­rer ».

Caisse d'Allocations Familliales à Grenoble © Elodie Rummelhard - placegrenet.fr

Caisse d’al­lo­ca­tions Familiales à Grenoble. © Elodie Rummelhard – pla​ce​gre​net​.fr

« On ne fait pas de la lutte contre la fraude pour faire des éco­no­mies. C’est un impé­ra­tif de jus­tice sociale qui nous anime (…) On garde à l’esprit qu’on a un public fra­gile qui peut ne pas com­prendre com­ment faire sa décla­ra­tion », sou­tient Nicolas El Sawy. « Une fraude invo­lon­taire n’entraîne pas de sanc­tion mais doit être rem­bour­sée ». Une notion par­fois dif­fi­cile à inté­grer. Surtout lorsque l’erreur ori­gi­nelle pro­vient elle-même d’une incompréhension.

Toutefois, l’allocataire endetté contre son gré peut for­mu­ler une demande de remise de dettes. Elle sera exa­mi­née par un comité spé­cia­lisé au regard de la situa­tion fami­liale du demandeur.

« Pour évi­ter de rem­bour­ser, mieux vaut tout déclarer »

Dans une vidéo publiée sur son site inter­net, la Caf tente d’expliquer au mieux son fonc­tion­ne­ment à base décla­ra­tive. Le mot d’ordre ? « Pour évi­ter de rem­bour­ser, mieux vaut tout décla­rer ».

© Oups.gouv.fr

© Oups​.gouv​.fr

Elle a éga­le­ment éla­boré le site oups​.fr dédié au droit à l’erreur. Un moyen de « décrire les erreurs com­mises pour pou­voir les évi­ter »

En effet, « toute res­source doit ren­trer. Tout compte, même le RSA, un héri­tage ou un gain de jeu », explique la res­pon­sable com­mu­ni­ca­tion, en charge du dia­logue avec le public. Qui ajoute : « Plus on déclare, plus on évite de rem­bour­ser des indus à la caisse ».

« La même situa­tion peut être favo­rable aux impôts et défa­vo­rable à la Caf »

Le hic pour les allo­ca­taires dési­reux d’optimiser leurs pres­ta­tions, c’est que « la même situa­tion peut être favo­rable aux impôts et défa­vo­rable à la Caf », explique la direc­trice des finances. Parmi les situa­tions à double tran­chant : la mise en ménage, le départ d’un enfant, un voyage de longue durée à l’étranger…

Pôle Emploi

Les par­te­na­riats sont de plus en plus impor­tants avec d’autres pres­ta­taires publics comme les impôts ou Pôle emploi. © Julien Faure – Pôle Emploi

Toutefois, les par­te­na­riats de plus en plus impor­tants avec d’autres pres­ta­taires publics comme les impôts ou Pôle emploi, per­mettent à la caisse d’effectuer de nom­breux contrôles auto­ma­ti­sés (488 000 en 2018).

En com­pa­rant les décla­ra­tions des ayants-droit aux dif­fé­rentes ins­tances, la Caf peut « invi­ter l’allocataire à pré­sen­ter ses obser­va­tions ». Et mettre en lumière sa véri­table situa­tion afin de régu­la­ri­ser les aides per­çues. C’est là tout l’en­jeu des contrôles : véri­fier que les décla­ra­tions de l’al­lo­ca­taire cor­res­pondent à sa situa­tion familiale.

Une com­mu­ni­ca­tion de plus en plus numérique

Trop de cour­rier tue le cour­rier. C’est pour­quoi la Caf a cessé d’en envoyer depuis trois ans. Un gain à la fois finan­cier et fonc­tion­nel puisque le dis­po­si­tif s’é­tait révélé inefficace.

Désormais, les allo­ca­tions fami­liales misent tout sur le numé­rique. Mail, SMS et noti­fi­ca­tions sont envoyés aux allo­ca­taires afin de les infor­mer des chan­ge­ments dans leur dos­sier ou de leur deman­der des pièces jus­ti­fi­ca­tives. « Il faut vrai­ment que les allo­ca­taires ren­seignent leur mail et consultent leur compte sur le site ou l’appli (…) C’est très bien fait et acces­sible », assure la res­pon­sable communication.

Si l’al­lo­ca­taire ne donne pas suite aux demandes de la Caf et n’en­voie pas les pièces jus­ti­fi­ca­tives deman­dées, la caisse sus­pend les pres­ta­tions. « En géné­ral, c’est le moment où on vient se mani­fes­ter à la caisse », s’a­muse la direc­trice financière.

© caf.fr

© caf​.fr

Un pari gagnant puisque 90 % des allo­ca­taires ont fourni leur adresse élec­tro­nique et que le site de la caf est l’un des plus visi­tés du pays. En effet, 80 % des allo­ca­taires effec­tuent leurs décla­ra­tions sur inter­net. Pour les 20 % res­tants, la Caf met en place des outils pour com­battre la « frac­ture numé­rique ». Ateliers d’i­ni­tia­tion, “visio-gui­chets”, par­te­na­riat avec des asso­cia­tions de quar­tier, tout est bon pour aider les concer­nés à s’autonomiser.

En sen­si­bi­li­sant les allo­ca­taires sur les consé­quences d’erreurs ou d’oublis décla­ra­tifs et en favo­ri­sant l’accès aux outils numé­riques, l’or­ga­nisme espère ainsi dimi­nuer le nombre de contrôles d’ici quelques années.

La Caf sanctionne

Au total, 643 cas de fraudes ont été détec­tés à la suite des 540 000 contrôles effec­tués par la Caf en 2018. Toutefois, les sommes déro­bées inten­tion­nel­le­ment ne repré­sentent que 0,54 % de la tota­lité des pres­ta­tions ver­sées aux allo­ca­taires. A contra­rio, la caisse estime à 2 % les per­sonnes qui ne réclament pas leurs droits.

Dans ces cas de fraudes volon­taires voire orga­ni­sées, la Caisse d’allocations fami­liales dis­pose de plu­sieurs outils pour punir les usur­pa­teurs. D’abord, un aver­tis­se­ment, envoyé aux allo­ca­taires réci­di­vistes, empê­chant ces der­niers de deman­der une remise de dette ou de se décla­rer en surendettement.

Panneau Tribunal administratif. © Joël Kermabon - placegrenet.fr

Tribunal admi­nis­tra­tif. © Joël Kermabon – pla​ce​gre​net​.fr

En l’absence de rem­bour­se­ment, le ser­vice des fraudes attri­bue des péna­li­tés aux allo­ca­taires irré­gu­liers. Une sanc­tion appli­quée dans 83,5 % des cas et qui ras­semble autour de 450 000 euros. Souvent, elle repré­sente 10 % de l’indu.

Et si les allo­ca­taires jouent vrai­ment à la sourde oreille, l’affaire peut se ter­mi­ner au tri­bu­nal. 58 plaintes ont effec­ti­ve­ment été dépo­sées l’année der­nière dont trois ont donné lieu à des peines de pri­son ferme.

Nina Soudre

* Loi Essoc : loi pour un État au ser­vice d’une société de confiance

** Indus : pres­ta­tions reçues à tort par un allocataire

BILAN ET PERSPECTIVES EN ISÈRE

Pour l’an­née 2018, les 242 148 allo­ca­taires de la Caf de l’Isère ont perçu des pres­ta­tions à hau­teur d’1,2 mil­liard d’euros (en baisse par rap­port à 2017). La famille et le han­di­cap sont les deux domaines les plus « coû­teux » pour la caisse.

Plus d’un Isérois sur deux est allocataire

En tout, la Caf de l’Isère couvre plus de 630 000 per­sonnes (plus d’un Isérois sur deux) et embauche 639 per­sonnes dans les 51 points d’ac­cueil département.

En février 2018, l’or­ga­nisme a élu un nou­veau conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Anne-Laure Malfatto et Olivier Goy occupent désor­mais res­pec­ti­ve­ment les postes de pré­si­dente et vice-président.

Des moyens tou­jours en baisse

La nou­velle conven­tion d’objectifs et de ges­tion signée avec l’État pré­voit une réduc­tion de 12 % des dépenses de fonc­tion­ne­ment de la Caf d’ici quatre ans. Des dépenses qui ont déjà été réduites de 23 % depuis cinq ans.

La conven­tion sti­pule éga­le­ment la sup­pres­sion de 70 postes d’ici 2022. Là encore, le mou­ve­ment a déjà été enclen­ché puisque, depuis 2017, les effec­tifs sont pas­sés de 674 postes à 639.

Avec la reva­lo­ri­sa­tion de la prime d’ac­ti­vi­tés, 33 000 nou­velles demandes ont été adres­sées à la caisse. Bien entendu, une grande par­tie concerne des per­sonnes déjà allocataires.

NS

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