FOCUS – Franchir les 6 et 7 juillet le col de Mary dans les Alpes-de-Hautes-Provence avec une caravane composée de chevaliers en armure et d’un équipement de l’époque Renaissance. Voilà en quoi consiste le projet MarchAlp. L’objectif ? Expérimenter et mesurer avec les moyens scientifiques actuels la traversée des montagnes réalisée en 1515 par François 1er.
En l’an de grâce 1515, François 1er et son armée ont franchi les Alpes pour aller livrer bataille en Italie. En 2019, le projet MarchAlp se lance sur leurs traces dans une démarche d’archéologie expérimentale. C’est ainsi que, les 6 et 7 juillet, une caravane composée d’hommes en armures franchira le col de Mary, à 2 600 mètres d’altitude dans les Alpes-de-Haute-Provence.
En restituant les conditions matérielles et humaines de cette traversée, le projet cherche à mesurer la performance sportive de l’époque avec les techniques scientifiques d’aujourd’hui. « Revivre l’histoire pour mieux la comprendre », résume ainsi Stéphane Gal, enseignant-chercheur en Histoire à l’Université Grenoble Alpes (UGA) et instigateur du projet. Mais attention ! Il ne s’agit pas d’une reconstitution, mais bien d’une expérimentation au croisement de plusieurs disciplines.
De la forge aux capteurs
Pour reconstituer l’effort du chevalier en armure franchissant les montagnes, il faut d’abord une bonne connaissance des moyens de l’époque.
L’Université de Grenoble a ainsi joint ses recherches à celles des chercheurs du Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes (Larha), ayant l’habitude de faire de l’histoire appliquée. Dans un souci d’authenticité, les équipements ont été réalisés avec Georges Jolliot, batteur d’armure, ainsi que Ferey Médiéval.
Patrick Ceria, champion de cyclisme paralympique, également à l’origine du projet, souligne par ailleurs l’importance de l’entraînement dans ce projet. « Les chevaliers étaient les sportifs de haut niveau de l’époque, entraînés depuis l’enfance », rappelle-t-il.
Afin de mesurer les efforts déployés par le corps lors des exercices, une batterie de tests biométriques a été réalisée avec le CNRS et l’Institut national de recherche en sciences du numérique (Inria). Le but : mesurer le plus exactement possible les contraintes liées au port d’une armure.
Des chevaliers et des étudiants escortés par dix soldats pour la traversée
La caravane partira le samedi 6 juillet de la commune de Maljasset (1 910 mètres d’altitude) et poursuivra sa marche jusqu’au col de Mary (2 641 mètres). Elle franchira alors la frontière franco-italienne, avant de passer la nuit près de Chiappera (Acceglio, à 2 000 mètres).
Itinéraire de la traversée
Le dimanche 7 juillet en fin de mâtinée, l’équipe reviendra à Maljasset. Pour l’occasion, la commune prévoit des animations pour le public, en partenariat avec l’événement. Une façon pour le projet MarchAlp de contribuer à la médiation entre les recherches universitaires et le grand public. « Nous voulons rendre la science visible à nos concitoyens », souligne Jérôme Paret, délégué régional du CNRS.
Le groupe sera d’ailleurs composé des chevaliers, mais également de quatre étudiants de l’UGA en master et doctorat impliqués dans MarchAlp, incarnant la partie civile de la troupe. Et ta caravane sera escortée par dix soldats de la 27e brigade d’infanterie de montagne, en hommage au caractère militaire de l’expédition de 1515. « On va retirer de nombreux enseignements de cette expérience », se félicite à ce sujet le général Pierre-Joseph Givre.
« MarchAlp met en avant la modernité de l’histoire »
L’enseignant-chercheur à l’origine du projet MarchAlp, Stéphane Gal, insiste sur sa dimension mémorielle et fédératrice. Il a en effet sollicité des troupes de reconstructeurs, telles que Les écuyers de l’Histoire. Et le projet a reçu le soutien financier de Cameron O’Reilly, entrepreneur et philanthrope irlando-australien, fondateur de Bayard Capital.
De gauche à droite : Lionel Revéret, Jérôme Paret, Stéphane Gal, Pierre-Joseph Givre, Patrick Lévy et Cameron O’Reilly. © Thierry Morturier ‑UGA
Le dernier mot ira à Patrick Lévy, président de l’Université Grenoble-Alpes, pour qui MarchAlp met en avant la modernité de l’histoire, ainsi que la relation de la société à la montagne. Celui-ci déplore ainsi une tendance des Grenoblois à oublier leur patrimoine naturel. « Comme université, on a une responsabilité vis-à-vis de ça. La dimension historique explore ce que nous faisons [et permet de] se demander comment l’homme peut apprivoiser ce milieu ».
Pauline Defélix