FOCUS – À l’occasion de la trentième Journée mondiale de lutte contre le sida, fin 2018, le Comité de coordination régionale de lutte contre le VIH (Corevih Arc alpin) a pris l’engagement d’éradiquer la maladie dans les Alpes. « Vers des Alpes sans sida en 2030 », tel est l’ambitieux défi que ce collectif se propose de relever. Notamment en intensifiant le recours au dépistage, à l’information et à la prévention. Mais aussi en traitant toute personne infectée pour stopper la contagion.
Éradiquer le sida dans les Alpes à l’horizon 2030 ? C’est possible. C’est du moins ce qu’a assuré le le Comité de coordination régionale de lutte contre le VIH (Corevih Arc alpin), réuni fin 2018 au CHU Grenoble-Alpes. Un engagement pris à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida.
« Des Alpes sans sida en 2030 », telle est l’ambition de ce collectif réunissant les centres hospitaliers de l’Isère, de Savoie et Haute-Savoie. Mais pas seulement puisque des centres de dépistages et des associations les ont rejoints. En tout cas, un vrai défi quand on sait qu’on a recensé en 2017 pas moins de 2 622 personnes vivant avec la maladie dans le seul arc alpin.
Cette campagne au long cours résulte de réflexions, de discussions, de débats et de concertations sur plusieurs mois. Y participent des élus, des soignants, des travailleurs sociaux, ainsi que des personnes vivant avec le VIH ou au contact des populations concernées. Ce faisant, se félicite le Corevih, « nous avons emboîté le pas à la perspective de l’Organisation des nations unies de territoires où l’épidémie d’infection par le VIH aura pris fin ».
« Ensemble, nous pouvons aller vers une génération sans sida »,
Concrètement ? Le Corevih s’engage à faire en sorte qu’à l’horizon 2030 le sida ait complètement disparu dans les Alpes et qu’il n’y ait plus aucun décès dû à la maladie. Comment ? Notamment via la prévention, l’information et en intensifiant le recours au dépistage pour juguler la contamination de l’infection.
Mais aussi en tordant le cou aux préjugés et discriminations qui perdurent, stigmatisant encore trop souvent les personnes malades.
Un défi de taille, d’aucuns dirait une utopie. Non, assure Olivier Épaulard, professeur d’infectiologie au CHU Grenoble-Alpes et président du Corevih arc alpin. « Nous sommes à un tournant crucial de l’épidémie d’infection par le virus […] Nous avons des traitements très efficaces pour contrôler l’infection mais pas pour l’éradiquer, dans un contexte où nous n’avons pas de vaccin […] Mais, ensemble, nous pouvons aller vers une génération sans sida », explique-t-il.
Dépister régulièrement les personnes exposées au VIH
Pour parvenir à ce but ambitieux, le Corevih compte agir sur plusieurs leviers. Tout d’abord, mettre un coup d’accélérateur à la prévention combinée contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST).
Pour ce faire, tout l’enjeu consiste à réduire le temps entre la contamination et le dépistage, estimé actuellement à trois ans en France. « Il faut absolument comprimer ce délai, puisque c’est durant cet intervalle que se produit la contamination », insiste Olivier Épaulard.
Ainsi, est-il envisagé « de dépister chacun au moins une fois dans sa vie » et d’autre part « de dépister régulièrement les personnes exposées ». Ce, grâce à des tests en laboratoire, ou encore au plus près des personnes à risque via des autotests en accès libre dans toutes les pharmacies.
Là ne s’arrêtent pas les actions. Il va s’agir également de traiter toute personne chez qui l’infection est découverte.
Et pour cause : « Le traitement est aujourd’hui beaucoup plus simple, ce qui fait que la personne ne parviendra jamais au stade sida, précise le Corevih. Elle ne présentera, dès lors, aucune des complications auxquelles expose le virus et ne sera plus contagieuse après quelques mois, brisant ainsi la chaîne de le contamination. »
Enfin, pour les personnes vivant avec le VIH, l’objectif reste de poursuivre les efforts déjà entrepris en vue d’améliorer leur qualité de vie.
La PrEp, une petite pilule bleue pour éviter d’être contaminé
Autre levier, celui de la santé sexuelle. Un domaine plus vaste que celui de la prévention des infections, estime Olivier Épaulard. Ainsi, les pharmacies partenaires de l’opération ont-elles déjà distribué gratuitement 9 500 préservatifs masculins et féminins. Sans oublier le traitement d’urgence post-exposition à une prise de risque et le traitement préventif au quotidien pour les personnes exposées.
L’occasion pour Olivier Épaulard d’insister sur la PrEP, une petite pilule bleue qui existe depuis plus de deux ans. Cette dernière doit se prendre avant ou après un éventuel contact avec le VIH pour éviter de se faire contaminer. « Cela marche aussi bien que le préservatif », assure Olivier Épaulard. Deux précautions valant mieux qu’une, rien n’empêche d’utiliser conjointement les deux modes de prévention.
Quant à la recherche scientifique, elle est bien sûr au cœur de la stratégie du Corevih. Tout particulièrement sur le plan épidémiologique. « Il nous faut imaginer d’autres actions innovantes pour produire de nouvelles données scientifiques », appelle de ses vœux Olivier Épaulard.
Parmi les défis : dépister 95 % des personnes infectées
« Notre objectif intermédiaire pour 2022 est d’atteindre les “quatre 95”, expose l’infectiologue. Dépister 95 % des infectés, traiter 95 % au moins des dépistés, rendre indétectables 95 % des personnes traitées et faire en sorte que 95 % des personnes traitées se déclarent en bonne santé. »
Si certains chiffres sont d’ores et déjà atteints, le Codevih regrette que d’autres ne le soient pas encore… « Le plus difficile à atteindre est probablement le premier d’entre eux », reconnaît Olivier Épaulard.
Le Corevih entend par ailleurs lutter contre les préjugés dont sont victimes les malades porteurs du VIH. Xavier Duché, séropositif depuis vingt-quatre ans, qui, selon ses propres mots, en est « à un stade déjà bien avancé », essaie de faire, à son niveau, « bouger les choses ». Non, le sida n’est pas une maladie honteuse. Non elle ne touche pas que les personnes homosexuelles ou les usagers de drogues.
« Je suis pour ma part hétérosexuel et c’est vrai que j’aurais dû me protéger. Mais à l’époque on ne parlait pas encore de prévention », regrette-t-il. Le plus grave, selon Xavier Duché, c’est la discrimination qui persiste encore et toujours envers les personnes atteintes du VIH. Une forme de double peine bien difficile à affronter et dont il s’explique, en prenant toutefois soin de préciser qu’il n’a pas eu à subir cette forme de rejet.
« Nous pouvons y mettre fin »
Toujours est-il que « la baisse spectaculaire de la mortalité liée au VIH en France est un succès majeur », se réjouissent les acteurs du Corevih. Une baisse qui ne doit pas faire oublier que l’épidémie est toujours active. « Il est important de se mobiliser, tous et toutes, pour saisir cette possibilité historique. Aujourd’hui, ensemble, nous pouvons y mettre fin », conclut, optimiste, Olivier Épaulard.
Joël Kermabon