FOCUS – La campagne Lundi vert débute officiellement ce lundi 7 janvier. Le concept ? Un jour par semaine sans viande ni poisson lancé par Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à l’Université Grenoble-Alpes. L’opération est portée par des célébrités comme Juliette Binoche, Isabelle Adjani ou Stéphane Bern, mais rassemble surtout universitaires et scientifiques autour d’une étude menée par des laboratoires du CNRS et de l’Inra sur le changement alimentaire.
« Nous nous engageons à remplacer la viande et le poisson chaque lundi ». Cinq cents signataires ont lancé d’une même voix la campagne Lundi vert ce mercredi 2 janvier, via une tribune dans le journal Le Monde. Et appellent les lecteurs à faire de même.
L’affiche de la campagne Lundi vert placardée dans le métro parisien dès ce 10 janvier 2019. © Lundi vert
Tout est parti de Grenoble. Et plus précisément de Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à l’Université Grenoble-Alpes et directeur de la Maison des sciences de l’Homme Alpes. Ce dernier a commencé en mai 2018 à développer un protocole d’observation sur la modification d’un comportement complexe : les habitudes alimentaires. Avant d’être rapidement rejoint par Nicolas Treich, directeur de recherche à l’Inra Toulouse, et par tout un groupe de chercheurs.
Chaque lundi, des messages pour motiver les participants à continuer
Depuis ce lundi 7 janvier, tout un chacun peut s’inscrire sur le site lundi-vert.fr pour participer à l’étude scientifique. Les participants reçoivent alors un questionnaire très personnel composé de questions comme « Diriez-vous que vous êtes actuellement : heureux ? Très heureux ? Pas du tout heureux ? Plutôt pas heureux ? »
Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à l’université Grenoble-Alpes, est directeur scientifique de la campagne Lundi vert. © Nils Louna – placegrenet.fr
« On va ensuite tirer au sort des participants qui vont recevoir chaque lundi des messages, parfois de manière ciblée, parfois de façon aléatoire, afin de les encourager à maintenir leur motivation », explique Laurent Bègue.
Objectif : observer quels messages sont plus aptes à motiver les participants à poursuivre l’expérience.
Bénéfices en matière de santé, impact sur l’environnement et le bien-être animal… Autant de raisons qui justifient la diminution de la consommation de viande et de poisson. Mais seront-elles suffisantes pour maintenir la motivation des personnes qui prennent part à l’étude ? Chaque mardi, les participants recevront ainsi un second message afin de leur demander s’ils ont respecté leur engagement la veille.
Grenoble, ville française la plus engagée dans la campagne
Outre les signataires “people”, « qui portent ce projet et lui assurent une visibilité », se réjouit Laurent Bègue, le texte est surtout soutenu par des universitaires. Dont plus d’une soixantaine de l’université Grenoble-Alpes. Pas étonnant : « C’est Grenoble qui a initié le processus », rappelle le chercheur du CNRS.
Et d’affirmer que « Grenoble est la ville française la plus engagée dans cette campagne ». Il en tient pour preuve la signature du texte par le maire de la ville, Éric Piolle. Mais également la diffusion de l’opération dans les transports en communs de l’agglomération dès ce mois de janvier. Enfin, le Crous Grenoble est pour l’instant le seul de France à s’engager en faveur du Lundi vert. Ce qui se manifestera concrètement par la disparition de la viande et du poisson dans l’assiette des étudiants chaque lundi.
Le maire de Grenoble Eric Piolle fait partie des signataires de l’appel pour un Lundi vert. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net
Grenoble prend donc de l’avance dans un pays… en retard. Le Lundi vert est en effet déjà appliqué dans une quarantaine de pays depuis parfois une vingtaine d’années, sous le nom de “meatless Monday”. Comme chez les voisins, les initiateurs de l’opération en France comptent bien la faire perdurer. « Mais le suivi des participants par l’envoi de messages hebdomadaires ne dure qu’un an », précise Laurent Bègue.
« Ça ne vient pas d’un petit collectif de bobos »
Lundi vert, c’est « un protocole d’observation d’une cohorte avec des variables contextuelles impliquées », selon les mots du chercheur grenoblois. Mais certains internautes n’y voient que des conseils d’alimentation promulgués par de riches célébrités donneuses de leçons. La publication de l’appel des 500 dans Le Monde a ainsi entraîné de vives réactions sur les réseaux sociaux.
Le Crous Grenoble-Alpes s’associe à l’opération Lundi vert et ne proposera plus de viande ni de poisson dans ses menus le lundi. © Alimentation.gouv.fr
« Cette critique est ridicule ! », tranche Laurent Bègue : « Elle est adressée par des personnes qui n’ont pas lu le texte. Tous ceux qui l’ont lu ont pu constater qu’il est écrit sur un ton tout sauf moralisateur. Ça ne vient pas d’un petit collectif de bobos. Quelques célébrités, oui, mais surtout des chercheurs. »
Qu’elle soulève la critique ou l’adhésion, la campagne Lundi vert fait en tout cas grand bruit. Ce qui pourrait déboucher sur un taux de participation important. Une probabilité qui réjouit la communauté scientifique impliquée dans le projet car les expériences menées à une telle échelle sont très rares. En cas de réussite, la campagne Lundi vert pourra porter fièrement sa double casquette : à la fois aubaine pour l’environnement, mais aussi pour la recherche scientifique.
Jules Peyron