FOCUS – À l’occasion d’un séminaire réunissant les acteurs du tourisme de montagne, l’agence du Département Isère Tourisme a posé la question de l’avenir et du devenir des refuges. Si la satisfaction des usagers est toujours là, les refuges sont partagés entre nécessité de s’assumer comme des « produits » et préservation de leurs valeurs.
Quel avenir et quelles perspectives pour les refuges en montagne, lieux d’accueil bien souvent devenus des destinations en elles-mêmes ? C’est la question qu’a posée Isère Tourisme, à l’occasion d’un séminaire baptisé « Le refuge, un lieu d’accueil emblématique », le 16 mai dernier à Grenoble. Un événement organisé avec l’Association pour la formation des ruraux aux activités de tourisme (Afrat) et l’Association des gardiens de refuge de l’Isère,
Objectif de cette réunion de réflexion qui a mobilisé de nombreux acteurs du tourisme en montagne ? Présenter un état des lieux touristiques des refuges, suite à une enquête réalisée début 2018, et associer les participants à des ateliers dédiés à la « co-construction d’un plan d’action pour optimiser l’accueil et la venue de tous les publics dans les refuges ».
Les usagers des refuges majoritairement satisfaits
Basée sur 535 réponses, l’enquête présentée par Isère Tourisme délivre un portrait positif de l’attractivité des 29 refuges que compte le département. Une attractivité qui semble concerner en priorité des personnes âgées de 35 à 64 ans, qui représentent à elles seules près de 70 % des répondants, avec une légère prédominance des hommes (53,8 %).
Quelles habitudes pour les adeptes des refuges ? 85,8 % des personnes interrogées expliquent s’y rendre dans le cadre de balades, de randonnées, de pratique du VTT ou du trail. L’alpinisme ou le ski sont ainsi des disciplines bien moins représentées. La perception même du refuge varie : s’il est largement ressenti comme un lieu d’étape ou de restauration, beaucoup le décrivent aussi comme « un lieu pour découvrir la montagne », ou même « un but de balade ».
Dans ce contexte, les conditions d’accès aux informations sur les différentes refuges apparaissent primordiales. Plus de 90 % des répondants disent avoir obtenu « plutôt facilement » ou « facilement » les informations désirées, en majorité sur des sites dédiés à la montagne. Mais aussi en s’adressant au refuge lui-même ou à travers des guides ou des brochures. Le bouche à oreille fonctionne aussi : 30,9 % des personnes interrogées disent, sur plusieurs réponses possibles, avoir obtenu des informations via des amis, des collègues ou des commerçants.
En règle générale, la satisfaction est de mise. Dans leur grande majorité, les répondants se disent satisfaits ou très satisfaits de l’accueil en refuge, de la décoration et de l’ambiance, des repas ou du cadre extérieur. Quelques ombres au tableau ? Les sanitaires, les salles hors sac (partie du refuge non payante), la literie ou les moyens de paiement soulèvent un enthousiasme plus modéré, malgré une satisfaction qui demeure, là encore, largement majoritaire.
Des difficultés d’accès aux informations ou aux sites
Autant de données encourageantes qui n’ont en rien empêché les acteurs de la montagne et des refuges de réfléchir aux points d’amélioration possibles pour les refuges. La multiplicité des sources d’information peut ainsi s’avérer « confusante », notent, sans crainte du néologisme, les participants. Qui déplorent que « l’offre refuge [soit] peu lisible depuis Grenoble » et « manque d’éléments palpables à communiquer et présenter ».
Quant à l’accessibilité proprement dite, l’absence de signalétique routière indiquant les refuges apparaît comme un point à améliorer. « Les panneaux d’indication “ouverture / fermeture” des refuges ne sont pas systématiques, tout comme une information minimale sur les services disponibles », font remarquer encore les participants au séminaire.
Promouvoir le « produit “refuge” »
Isère Tourisme établit une nécessité supplémentaire : « Mieux promouvoir et commercialiser l’offre ». Alors que « le produit “Refuge” est un produit a fort potentiel marketing et médiatique », la « stratégie marketing » semble avoir du mal à se développer. Et l’agence du Département de l’Isère de plaider pour une meilleure lisibilité de la communication, y compris à travers de outils modernes comme une application “refuge” pour smartphones ou tablettes.
Autres aspects soulevés au cours du séminaire : la réservation en ligne très limitée, l’absence de suivi clientèle ou de fidélisation, ou encore la difficulté pour les refuges à travailler en réseau, en proposant par exemple une promotion mutuelle. En somme, si les points forts ne manquent pas, les refuges auraient du mal à se vivre et se considérer comme un « produit ».
Une évolution inévitable, juge la Fédération des clubs alpins et de montagne
L’esprit Montagne vendrait-il son âme en se tournant vers une démarche plus touristique ? « Les refuges sont un hébergement touristique, qu’on le veuille ou non », répond Nicolas Huguet, directeur adjoint de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM). « On commence à employer des mots comme finances, comme rentabilité, qui étaient proscrits par le passé mais sont une réalité aujourd’hui », ajoute-t-il.
Mais si les refuges, de par la baisse des financements des partenaires publics, se dirigent de plus en plus vers l’autofinancement, la FFCAM refuse de se renier pour autant. « On essaye de faire valoir que le refuge reste tout de même un hébergement particulier dans un contexte particulier, avec certaines valeurs à conserver », note encore Nicolas Huguet.« Ça n’empêche pas la communication ou la promotion : ce sont des choses sur lesquelles il faut aller doucement… mais sur lesquelles il faut aller de toute façon », conclut-il.
Florent Mathieu
EN 2019, UN REFUGE… À LA BASTILLE ?
Le projet est encore à l’étude, et Nicolas Huguet en parle avec prudence, mais la FFCAM, le Syndicat national des gardiens de refuge et gîte d’étape (SNGRGE), et la Ville de Grenoble caressent bel et bien l’idée d’installer un « refuge en ville » sur le site de la Bastille, durant quelques mois de l’année 2019, de début mai à fin juillet.
L’ambition du projet ? Apporter un peu de montagne à ceux qui, pour des raisons physiques, techniques ou financières, n’ont pas la possibilité d’aller à elle. Mais aussi, ajoute Nicolas Huguet, « fédérer différents acteurs autour de la montagne, et montrer que nous avons une stratégie et que que nous sommes aptes à travailler ensemble ! »
Un “vrai” refuge en ville, avant de rejoindre la montagne
Pas question que le refuge en question ne soit qu’une attraction, ou vienne concurrencer les lieux de restauration déjà présents sur le site de la Bastille : l’objectif est bien de recréer l’ambiance d’un refuge de montagne en ville, dans le cadre d’une fréquentation intime et modérée. La Bastille, située dans les hauteurs, se prête idéalement à l’exercice… quand bien même c’est le parc Paul-Mistral qui avait été initialement envisagé.
Refuge en ville ne signifie pas non plus faux refuge. Tout d’abord monté à Grenoble, le bâtiment de bois sera par la suite démonté puis transporté et remonté sur le site du Lac du Pavé, où il sera opérationnel à compter de 2020. Quel coût représente la construction d’un tel refuge, capable d’accueillir une trentaine de personnes ? « Environ 1,5 million d’euros », estime Nicolas Huguet. Le surcoût de l’opération refuge en ville devrait avoisiner pour sa part les 400 000 euros.
On l’aura compris, l’opération n’a pas vocation à se répéter chaque année : une fois au Lac du Pavé, le refuge ne sera plus démonté. Mais la FFCAM n’exclut pas dans l’avenir de renouveler l’expérience, à l’occasion de nouvelles constructions, dans d’autres villes de France telles Toulouse ou Marseille. Tout dépendra du succès de l’opération grenobloise, si celle-ci voit bien le jour. La validation et confirmation du projet devrait survenir en septembre.