FOCUS – Dans le cadre de l’année du Japon en Isère, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère présente l’exposition « Hibakusha, dessins des survivants de Hiroshima et de Nagasaki », les bombardements atomiques qui ont frappé le Japon durant la Seconde Guerre mondiale. Elle est visible jusqu’au premier octobre 2018.
Les « Hibakusha » : c’est comme ça que les Japonais appellent les survivants des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki. Car les bombes qui ont frappé ces deux villes nippones n’ont pas, comme beaucoup le croient, tué tout le monde sur leur passage. Il y eut des survivants.
Les Hibakusha sont longtemps restés silencieux sur leur terrible expérience. De par la censure américaine d’abord, qui incitait au silence les survivants en leur interdisant toute prise de parole publique jusqu’en 1952. Mais peut-être aussi de par la traditionnelle manière réservée des Japonais d’exprimer leurs sentiments.
Une libération par le dessin
Curieusement c’est dans les années 1970 que les Hibakusha ont commencé à s’exprimer, par le dessin, notamment poussés à le faire par la rareté des photos du bombardement.
Vous en avez sûrement déjà vu présentant la dévastation de la ville quelques jours après les bombardements. Mais les clichés du jour même sont très peu nombreux, surtout ceux où l’on peut voir une présence humaine : cela est en partie dû au fait que ces clichés ont été irradiés.
Ainsi, en 1974 un homme a décidé d’envoyer un dessin qu’il avait fait du jour du bombardement à la chaîne de télévision japonaise NHK. Marquée par la force de ce travail, la chaîne a décidé de demander d’autres dessins aux Hibakusha en lançant un appel à témoignages. Ils en recevront plus de 3 600.
Japonismes 2018, l’occasion de fêter les liens entre la France et le Japon
À l’occasion de l’année du Japon en Isère, une exposition temporaire présentant une sélection de ces dessins a été organisée au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère. Elle sera visible du 14 juin au premier octobre 2018.
L’exposition s’inscrit, plus largement, dans le cadre d’un évènement national appelé « Japonismes 2018 : les âmes en résonance », qui vient célébrer le 160e anniversaire de l’ouverture des relations diplomatiques entre la France et le Japon.
Elle a été réalisée par le centre Joë Bousquet en collaboration avec les archives nationales et surtout, en partenariat avec le Musée mémorial de la paix d’Hiroshima et le Musée de la bombe atomique à Nagasaki.
L’exposition propose également une riche programmation : atelier manga, conférence, ou encore grande soirée autour de la culture nippone.
Des dessins uniques et marquants
Les dessins présentés ne sont pas les originaux car, trop précieux et fragiles, ils sont conservés aux musées précédemment cités. Mais cela n’enlève rien à leur force. Il ne s’agit pas de créations d’artistes, mais bien de survivants. Quelques mois pour certains, quelques années ou décennies pour d’autres.
Particularité de cette exposition, qui en fait son intérêt : la diversité des dessins. Car chaque Hibakusha a vécu différemment, à sa manière, les évènements. Et même si certaines thématiques récurrentes ressortent des dessins, chacun d’entre eux est unique et dégage une énergie particulière. Une diversité qui se traduit artistiquement, à travers la maîtrise technique des survivants mais aussi à travers les modes de représentation. Certains dessins sont abstraits, d’autres figuratifs, d’autres encore schématiques, comportant beaucoup d’écriture et de détails.
Tous cependant sont accompagnés du témoignage de leur auteur, expliquant ce qu’il a voulu représenter mais surtout ce que ce dessin représente pour lui. En plus de cela, sont indiqués sur les petits écriteaux le nom de l’auteur… et la distance à laquelle il se tenait de l’épicentre de l’explosion.
L’exposition est ainsi construite comme une chronique qui retrace la vie d’Hiroshima et de Nagasaki ; des heures précédant le bombardement, à la mémoire de ces évènements. À travers ce cheminement, l’exposition interroge « les mécanismes de mémoire et les modes de représentations développés autour d’épisodes traumatisants », selon Jean-Pierre Barbier, président du département.
Un objectif de paix
L’objectif de cette exposition n’est pas de retracer l’histoire du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Ni de réécrire le passé ou de se poser des questions sur les stratégies militaires retenues à l’époque. Non, l’objectif est de rendre hommage aux victimes et de laisser la parole aux survivants de ces bombardements.
« Il ne s’agit pas d’avoir un regard passéiste mais de tirer une leçon de ces évènements », explique Justine Decool, chargée de l’action culturelle au Musée de la Résistance et de la Déportation. Cela a été une demande du Musée mémorial d’Hiroshima : ils ont accepté de prêter ces dessins pour que l’on transmette un message de paix. »
Emilan Tutot