FOCUS – Et si Stendhal, en premier lieu, était amoureux du désir ? La Bibliothèque d’étude et du patrimoine consacre jusqu’au 30 mars 2018 une exposition baptisée “Désir & Des espoirs”. Un voyage au sein du désir stendhalien, que l’auteur lui-même analysera tout au long de ses écrits avec une honnêteté introspective bien éloignée de la pudibonderie de son siècle.
Quel écrivain, quel artiste en général, n’a pas parlé du désir ? À l’égal de l’existence ou de la mort, auquel il peut-être intrinsèquement lié, le désir occupe naturellement une place prépondérante dans l’imaginaire de chacun. Et tout particulièrement dans celui de Stendhal, chez qui il devient autant moteur de vie que fascinant sujet d’étude.
Ce n’est donc pas un hasard si la Bibliothèque d’étude et du patrimoine consacre jusqu’au 30 mars 2018 une exposition temporaire baptisée “Désir & Des espoirs”, dans laquelle Stendhal apparaît à la fois comme guide, sujet d’étude, narrateur et acteur.
L’occasion d’un parcours au sein des interrogations que pose le désir, dans le contexte d’un XIXe siècle où la bourgeoisie dominante, loin de l’esprit révolutionnaire, faisait peser sur la société une épaisse chape de pudibonderie.
Le désir sous toutes ses coutures
À mesure qu’il progresse, le visiteur est confronté aux interrogations de l’auteur. « Le désir nous révèle-t-il à nous même ? », « Les romans nous livrent-ils les clés du désir ? », et comment l’écrire ? Comment le décloisonner ? Toute l’œuvre de Stendhal interroge, depuis ses écrits les moins connus tels Armance ou l’inachevée Lamiel jusqu’à ses romans phares, sa Vie de Henry Brulard ou son journal.
Commissaire de l’exposition, Olivier Tomasini voit dans l’auteur du Rouge et le noir un « psychologue du désir » bien à part. « Il a intellectualisé cette notion de désir. Il est rentré dans une analyse fine de ce que peut être le comportement amoureux, et le désir en question », nous explique-t-il. Citant notamment La Vie de Henry Brulard, une « apothéose » de l’introspection, s’inscrivant dans la lignée des Confessions de Rousseau… et les dépassant peut-être.
Extraits de la prose de l’auteur, manuscrits ou éditions rares, tableaux et gravures agrémentent ce voyage au sein du désir stendhalien, analysé sous toutes ses coutures et qui traduit sans doute celui de tout un siècle. Avec des instants fugaces tels que la visite de cette petite salle dissimulée derrière un élégant rideau, donnant à voir quelques dessins inspirés des œuvres libertines du XVIIIe siècle, époque où l’érotisme se mélangeait aux fétichismes les plus absurdes.
« Une espèce de démon porté par le désir »
La prose de Stendhal peut surprendre par sa franchise, tant l’écrivain ne se censurait guère dans son journal. « Je suis ainsi que beaucoup d’autres, embarrassé lorsqu’il s’agit d’enfiler pour la première fois une femme honnête », s’avoue-t-il à lui-même. « Il n’a aucune inhibition. Pour lui, tout est naturel », constate Olivier Tomasini.
Stendhal confie ainsi éprouver une forme d’attirance pour un jeune soldat, ou se remémore des émois pour le moins freudien auprès de sa mère. « Il arrive à dire des choses que, même aujourd’hui, certaines personnes n’oseraient pas dire ! », analyse le commissaire de l’exposition, non sans une certaine admiration.
« Dernier des grands psychologues français » selon Nietzsche, influence majeure pour des générations d’auteurs, Stendhal fascine toujours. « Il est, dans sa vie comme dans son écriture, une espèce de démon porté par le désir, créatif, amoureux, intellectuel, et je pense que c’est cela qui plaît », résume Olivier Tomasini. Qui espère, à travers cette exposition, donner au visiteur l’occasion de mieux comprendre et mieux connaître « ce merveilleux romancier » décidément bien vivant.